Une foule a accompagné, hier, le défunt Thione Ballago Seck, jusqu’à sa dernière demeure. De la morgue de l’hopital Fann où s’est tenue la levée du corps, en passant par Ouest Foire, son domicile jusqu’aux cimetières de Yoff, artistes, hommes politiques, autorités religieuses et coutumiers ont marqué le pas pour dire au revoir à leur «papa , confident, ami, musicien préféré».
Tristesse, consternation, désolation … C’est l’atmosphère qui a prévalu hier, à la morgue de l’hôpital Fann. Le lieu a abrité la levée du corps du défunt Thione Ballago Seck. Cœurs meurtris, des larmes, regards fixés sur les va-et-vient des proches de la famille, artistes, politiciens, autorités religieuses et coutumières, de par leur présence, ont marqué leur compassion à la famille éplorée. Le chanteur, rappelé à Dieu à l’âge de 66 ans, dimanche 14 mars 2021, est qualifié d’homme véridique et unificateur. Pendant que les plus jeunes, inconsolables, pleurent la perte d’un «Papa», d’autres, avec une sérénité, gardent le calme. Pendant ce temps, certains, en petits groupes, égrènent des chapelets. «J’ai parlé avec lui avant-hier au téléphone. Il me rassurer de son état de santé qui allait mieux. Je ne savais pas qu’il me disait au revoir», pleure Ousmane Ngangué, artiste compositeur, présent sur les lieux. Sous le choc, il déclare, avec le rappel à Dieu de Thione Seck, la musique sénégalaise perd une bibliothèque. «Nous sommes tous devenus orphelins», dit-il.
«Il décroche tous les appels»
Dans la foule, on aperçoit Waly Seck, fils du défunt, dans un véhicule V6 de couleur blanche. Il reçoit les premières présentations de condoléances de certaines autorités. Avec des lunettes de soleil cachant son visage triste, il essaie de garder le sang-froid. A proximité, Bécaye Mbaye, membre de l’association des communicateurs traditionnels, tente de le consoler. «Tu ne seras jamais seul. Ne pleure pas. Tout le monde te soutiendra. Nous avons tous perdu», témoigne l’animateur d’une émission de lutte sur la 2 Stv. Affecté par ce rappel brutal à Dieu de son idole, Ameth Thiou, son danseur, fond en larmes. Les mots lui manquent pour exprimer son amertume. Entre autres personnalités ayant pris part à cette levée du corps, figurent, sous un soleil dardant, Youssou Ndour, Baaba Maal. «Notre réveil a été brutal. Nous avons perdu un grand homme, un parolier, notre grand frère», témoigne le Pca du groupe de presse Futurs médias. Autre lieu, même décor. A Ouest-Foire, le domicile du défunt musicien est rempli de monde. Ses fans, proches parents et amis, affligés, n’ont pas tardé, juste après l’annonce de la nouvelle, de rallier la maison mortuaire. Prenant d’assaut l’espace d’une concession jonchée dans une ruelle à l’impasse, ces milliers de personnes entonnent des témoignages plus tristes les unes que les autres. Un silence de cimetière règne sur les lieux, déchiré parfois par des cris de détresse. Les entrées et sorties filtrées des proches parents rythment l’ambiance. Un instant, on entend des hurlements, des pleurs à haute voix. Des jeunes filles tombent en transe. «Je gère la logistique de son orchestre. Il perpétuait une relation que j’ai héritée de mon père. Il me prenait pour son fils. Dans son domicile, tout le monde est traité sur le pied d’égalité. Il était un conseiller. C’est triste. C’est la jeunesse qui a perdu un parolier. C’est un artiste accessible. Il décroche tous les appels», se désole Pape Madiodio Niass, un jeune collaborateur du défunt artiste. Compte tenu de la situation qui devient de plus en plus intenable, des éléments de forces de l’ordre ont été appelés pour faire régner l’ordre.
Kalidou Fadiga aux cimetières
Comme annoncé, le corps du défunt n’a pas transité par la maison mortuaire. Il a été directement acheminé vers les cimetières de Yoff, dernière demeure de Ballago père. L’information a été donnée, vers 14 heures, par les membres de la famille. Une telle décision est prise pour prévenir une situation débordante. Aussitôt, tout le monde se précipite pour assister à la prière qui se tiendra plus tard à la mosquée desdits cimetières. Ici, une foule innombrable l’attend. Des embouteillages intenses sont de mise. Des véhicules garés un peu partout aux abords jonchent la route. Des autorités de toutes obédiences sont sur place. «Ce n’est pas seulement le Sénégal qui perd, mais le monde entier. C’est le monde culturel et artistique. J’avais une relation très sincère avec lui. C’est cette relation qu’il entretenait avec ma défunte mère. Il a eu à composer une chanson à l’honneur de ma mère», témoigne Khalidou Fadiga, ancien international sénégalais. La voix cassée, celui-ci pleure un père, un conseiller. Mais aussi, dit-il, un poète hors pair. «Nous prions pour le repos de son âme. C’était un pieu. Il m’imposait de prier à chaque fois que j’entrais dans son domicile. La foule a démontré la dimension de l’homme», ajoute Paco Djakson Thiam. Thione Seck dort à Yoff, du sommeil éternel.
Salif KA