Les membres du laboratoire de prospective et de science des mutations ont manifesté, hier, leurs craintes quant à l’adhésion du Maroc à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao). C’était, hier, lors d’une conférence de presse à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad).
L’idée d’une adhésion du royaume chérifien à la Cedeao continue de susciter des réactions. Après le secteur privé sénégalais qui a opposé un niet catégorie à une telle décision, c’est au tour des membres du laboratoire de prospective et de science des mutations d’afficher leurs craintes. Hier, lors d’une conférence de presse, Pr Malick Ndiaye et ses camarades ont dit tout ce qui les gêne sur l’arrivée du Maroc à la Cedeao. «60 % des actifs bancaires au niveau du Sénégal relèvent de banques marocaines. Cela veut dire qu’il y a eu un pré-maillage bancaire avant cette demande d’adhésion. L’autre chose que nous avons noté, c’est l’ordre de priorité. Le Maroc préfère qu’on commence par la zone de libre échange. Au titre du dispositif d’appui au secteur privé, le rapport que nous avons fait montre que le Sénégal a supprimé les subventions aux exportations depuis 1993 alors que le Maroc a des zones franches où aucune fiscalité ne s’applique», souligne Guidado Sow, expert en douane. Qui révèle par ailleurs que le Maroc a signé des accords commerciaux avec 60 pays qui lui permettent d’exporter des matières premières au taux zéro. Ce qui est interdit, dit-il, au niveau de la Cedeao. Toutes choses qui le poussent à en déduire que le royaume chérifien peut exporter des matières premières au taux zéro au moment où ses concurrents sénégalais paieront 10 % sur ces matières.
Un autre problème soulevé par l’expert concerne les risques liés à la diplomatie. Pour lui, il y aura forcément une réorientation de la diplomatie. Ce qui, de son avis, va laisser la porte ouverte à des querelles de leadership entre le Maroc et les autres pays de la Cedeao. «Il y aura un affrontement inévitable. Et qu’est-ce qui va se passer au plan diplomatique ? Des conflits qui ne regardent pas l’Afrique de l’Ouest directement peuvent être transférés au niveau de la Cedeao», fait-il remarquer. «Dans le secteur horticole, quand les mandarines arrivent du Maroc, ce sont les horticulteurs du Sénégal qui vont subir les conséquences. Ce sera donc une vassalisation de notre économie. Et ce sera la même chose avec la fabrication des chaussures à Ngaye Mékhé», alerte pour sa part Ali Mohamed Camara, expert en gouvernance de la sécurité alimentaire.
Adama Lam, directeur de la Sopasen, soutient que la dynamique globale de gestion de l’économie marocaine n’a pas les mêmes bases que la dynamique de l’économie des pays de la Cedeao. «Ce que nous exigeons et demandons au gouvernement du Sénégal, ce n’est pas d’accepter ou de refuser l’adhésion du Maroc, mais de faire en sorte que le Maroc respecte les règles d’adhésion. Et que notre économie ne soit pas lésée», lance-t-il.
Mamadou Samba BARRY