Rationalisation des partis politiques. L’idée est chantée sur tous les tons depuis des lustres sans que l’on assiste même à un début de mise en œuvre encore moins à un contenu. Apparemment, tout le monde y trouve son compte. Des partis dits d’opposition qui «pourraient tenir leur congrès dans une cabine téléphonique» -raillait-on du temps où cette vieillerie des télécoms était à la mode- font l’affaire de quelques grands partis du bord qui peuvent y trouver des alliances pour faire illusion. L’essentiel n’est pas le nombre d’adhérents mais l’effet d’optique que le nombre de ces partis pourrait avoir si on disait que telle formation est soutenue par N autres formations dans le cadre d’une alliance électorale. Le parti au pouvoir trouve aussi son affaire dans l’émiettement. Au-delà du classique «diviser pour mieux régner», cet émiettement soulage la conscience quand il s’agit de s’inviter au banquet des pays à standard démocratique élevé.
Au lendemain de son accession à la magistrature suprême, le Président Bassirou Diomaye Faye a entonné le vieux refrain de la rationalisation des partis politiques. Mais, jusque-là, rien de concret à se mettre sous la dent. Pourtant, un rapport prêt à l’emploi dort dans les tiroirs. Pas besoin de grand raout au Cicad de Diamniadio. Il suffit simplement de dépoussiérer ledit rapport, de le mettre à jour, en appliquer les différentes conclusions et ainsi économiser sur les dépenses publiques. Vers la fin des années 1990, en effet, le président de la République d’alors, Abdou Diouf, avait confié au Pr El Hadj Mbodj, enseignant à la faculté de droit de l’Ucad et expert en ingénierie constitutionnelle, la mission de faire une étude sur le financement et la rationalisation des partis politiques. Entre-temps, il y a eu alternance au sommet de l’Etat. Abdoulaye Wade remplace Abdou Diouf. Et c’est du bout des doigts qu’il reçoit le rapport dont tout le monde connaissait, a priori, la destination finale : le fond du tiroir du bureau présidentiel.
En 2016, la société civile sénégalaise revient à la charge et convie à la réflexion une bonne trentaine d’universitaires. De fortes intentions en sortent : un projet de code des partis politiques avec une projection sur la modernité, la rationalisation, une mise à jour des partis politiques. Dans ce projet de rationalisation, un certain nombre de critères notamment la nécessité d’avoir un siège, une vision et une orientation politique très claire, une mise à jour des sources de financement, entre autres, sont mis en avant. Comme son prédécesseur, Macky Sall ne manifeste aucune volonté d’en faire usage. Ainsi donc, le sujet devient un serpent de mer que les politiques agitent selon leurs humeurs du moment et les circonstances politiques. Une situation qui arrange des entrepreneurs politiques qui, ne comptant jamais sur leur parti pour accéder aux privilèges que confère l’Etat, l’utilisent pour truster des postes de nomination. Un détournement du suffrage universel de la part des élus au profit de rentiers de la politique qui n’ont de légitimité autre que cette présence médiatique qui leur donne de la visibilité et une relative proximité avec les gouvernants du moment. Il y a quelques jours, nous avons été abasourdis d’entendre, sur une radio de la place, un leader d’un lilliputien parti, soutien du pouvoir sortant jusqu’à sa chute, revendiquer son appartenance à la nouvelle mouvance présidentielle. Et le quidam de pousser l’ignominie jusqu’à prêter à feu Boune Dionne dont il était l’allié à l’élection un mot d’ordre allant dans le sens de travailler avec…Bassirou Diomaye Faye. Tout cela est la conséquence de cette floraison de partis devenus des Sarl ou GIE. Au grand dam de la démocratie et d’une bonne lisibilité du champ politique !
Par Ibrahima ANNE