Au-delà des brigades d’acclamation chèrement convoyées dans le nord pour applaudir Macky Sall, il a été donné de voir des brassards rouges et des insultes dans les comités d’accueil même. Cumulés aux bourdes de Cheikh Oumar Anne qui fait ricaner plus d’un, aux guerres intestines, aux manifestations estudiantines de Fatick ou encore aux critiques acerbes de l’opposition et d’une partie de la société civile, c’est un cocktail explosif qui envoie un signal fort au régime actuel.
Cette opération lèche à laquelle on assiste depuis quelques temps risque de perdre Macky Sall. La force qu’on prête à son régime à travers cette brigade d’acclamation, va gravement le perdre. Il suffit de voir ou d’entendre les manifestants convoyés à coups de fortes sommes d’argent vers le nord du pays pour se rendre compte que son «titre foncier» est désormais morcelé. Ce, à cause notamment des problèmes de gouvernance et des roueries de ce personnel politique unique depuis des années à travers des fusion-absorptions et qui ont fini d’excéder les Sénégalais. Loin de le maintenir dans un leurre, les équipes de Macky Sall semblent le pousser au suicide politique, notamment avec le troisième mandat. Un sujet sur lequel il ne voudrait pas qu’ils dissertent et que Cheikh Oumar Anne le force.
Avec ce que l’on voit quotidiennement à travers le pays, et dans la Diaspora, force est de constater que le pays profond n’est pas du tout content de la conduite des choses, malgré les gros investissements de l’ambitieux Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc). Surtout depuis les événements du mois de mars dernier. En effet, s’il avait dit aux jeunes : «Je vous ai compris», l’inertie dans la conduite des affaires prouve qu’il les a réduits à des frais de bouche, une politique du ventre qui a perdu plus d’un régime.
Tromperies bien mal embouchées
Ainsi, s’il estime qu’il est toujours majoritaire dans le pays, avec ces foules dans les régions, le pouvoir de Macky Sall se trompe lourdement d’analyse. A titre de comparaison, Abdoulaye Wade, à la fin de son magistère à la tête du pays, faisait mieux. Tout le monde se rappelle de son meeting sur la Vdn où on lui faisait croire qu’il y eu deux millions de militants et talibés d’un regretté marabout. La suite, on la connaît, en 2012. Mais son bourreau, toute bête politique, ne semble pas retenir cette leçon. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, c’est la première fois depuis qu’il fait le Sénégal des profondeurs que Macky Sall est obligé de s’arrêter à plusieurs reprises pour écouter des Sénégalais en brassards rouges pour lui réclamer des routes, ponts ou un mieux-être. Et cela, même s’il se disait, plus tôt, daltonien car ne voyant pas la couleur rouge.
L’autre élément révélateur de l’accentuation de ce sentiment de rejet de certains Sénégalais est que parmi les jeunes convoyés dans le nord pour donner plus d’échos à l’applaudimètre, grâce à des espèces sonnantes et trébuchantes, certains insultent son convoi comme on le voit sur une vidéo qui a fait le tour du pays.
Ajoutant à cela, l’arrogance de certains de ses sbires, la violence illégitime des nervis qui accompagnent son cortège, la guerre intestine qui fait rage dans son parti et dans sa famille avec la récente sortie au vitriol d’Adama Faye, frère de la Première dame, le mécontentement des étudiants de l’Université du Sine Saloum qui ont failli s’en prendre au domicile familial du chef de l’Etat ou encore sa coalition et les inepties d’un Cheikh Oumar Anne, c’est un cocktail explosif pour le pouvoir qui s’est lancé à la conquête des suffrages des Sénégalais pour les prochaines joutes électorales de février 2022. Lesquelles élections risquent d’être le premier tour de la présidentielle de 2024, comme ce fût le cas en 2012 pour son prédécesseur. Lequel savait plus que lui distribuer du pognon et avait un bilan satisfaisant en termes de réalisations infrastructurelles. Ainsi, la santé morale que le pouvoir pourrait récolter de ces tournées économiques du chef de l’Etat après les évènements du mois de mars dernier se révèle fragile. Et nécessite une autre cure. Parce que les Sénégalais continuent d’attendre encore des sanctions et des mesures fortes après ces malheureux événements où le pays a perdu plus d’une dizaine de ses fils. Ce qui passe nécessairement par un changement d’hommes, de politiques et d’approche.
Seyni DIOP