En refusant de s’alimenter depuis presque une semaine, les Cantakuun passent à la vitesse supérieure.
Après l’évacuation de plusieurs d’entre eux pour tentative de suicide, un détenu s’est immolé par le feu, hier. Curieusement, aucune autorité judiciaire n’a mis les pieds à la prison de Thiès pour s’enquérir de la situation, seulement des promesses qui laissent de marbre les protestataires, décidés à se faire entendre où à mourir de leur belle mort.
Les choses vont de mal en pis, à la Maison d’arrêt et de correction de Thiès. Les disciples de Cheikh Béthio Thioune bouclent six jours de grève de la faim, laquelle s’est soldée par l’évacuation de trois d’entre eux. Ils étaient toujours hospitalisés jusqu’au moment où nous mettions sous presse. Ces derniers ont tenté de se suicider en buvant de l’eau de javel avant que la tentative ne soit interrompue par quelques-uns de leurs voisins de chambre. Le comble a été atteint samedi dernier lorsqu’un détenu du nom d’El D. Diallo franchit le Rubicon en s’immolant par le feu, dans les toilettes de la chambre 2 où il séjourne, après avoir auparavant bu du grésil. Cette histoire commence à prendre une autre tournure car les autres détenus de la Mac de Thiès, originaires de Mbour ou doivent être jugés les Cantakuun, se joignent au mouvement d’humeur de leurs camarades. Egalement victimes de la même situation de longue attente d’un jugement, ces nouveaux alliés des Cantakuun promettent de ne baisser les armes qu’après avoir obtenu gain de cause. Et quelqu’un soit le prix à payer. Mais les Cantakuun continuent de cristalliser les alliances car leurs familles se joignent au combat, avec des manifestations entamées depuis la semaine dernière, pour exiger le procès de leurs parents.
Accusés du double meurtre de Bara Sow et d’Ababacar Diagne, les Cantakuun ont été placés sous mandat de dépôt depuis le 26 avril 2012, pour «homicide avec actes de barbarie, recel de cadavres, non dénonciation de crimes, association de malfaiteurs, détention d’armes à feu sans autorisation administrative, infraction aux lois sur les inhumations». Le dossier a été bouclé depuis 2013, mais leur procès s’enlise. Ces pensionnaires de la seconde prison la plus peuplée du Sénégal, après Rebeuss, protestent contre la longue détention provisoire dont ils sont victimes. Ils viennent de passer plus de six ans derrière les barreaux sans l’ombre d’un procès pourtant promis depuis décembre 2013, par le ministère de la Justice. C’est ainsi que dans une correspondance en date du samedi 30 juin dernier adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance (Tgi) de Mbour, le Collectif des détenus grévistes de la Mac de Thiès écrit : «Nous sollicitons la tenue de notre procès. Et effet, nous souhaitons que la lumière jaillisse sur nos dossiers et que Justice soit rendue à qui de droit car on ne saurait résoudre une prévention par une autre. Une longue détention préventive ne peut et ne saurait se résoudre que par un procès juste et équitable. Avec tout le respect que nous vous devons, Monsieur le procureur de la République, nous disons niet à des libertés provisoires et réclamons un procès, sans quoi la mort de citoyens pèsera sur votre conscience».
Après six jours de diète, aucune autorité judiciaire ne s’est rendue à la prison pour s’enquérir de la situation. Mieux encore, il a été suggéré aux grévistes d’introduire, à nouveau, des «demandes de mise en liberté provisoire», en attendant l’ouverture de leur procès dont la date n’est pas encore connue. Seulement, voilà : les concernés opposent une fin de non-recevoir au parquet, au motif que leurs premières demandes n’ont pas connu la suite attendue car n’ayant reçu aucune réponse de la part des autorités judiciaires compétentes. Mis devant le fait accompli, la justice locale promet d’examiner leur recours et statuer sur les premières demandes, dès le 20 juillet prochain. Une promesse qui laisse de marbre les protestataires, décidés à se faire entendre ou à mourir de leur belle mort.
Pape NDIAYE