Le géant québécois de l’ingénierie SNC-Lavalin pourrait avoir évité de payer des millions de dollars en impôts au Sénégal grâce à une société à l’île Maurice, a révélé le Consortium international des journalistes d’enquête (ICIJ).
En 2011, SNC-Lavalin a remporté un contrat de 50 millions de dollars américains pour construire une usine de transformation de minerai au Sénégal pour le compte d’une entreprise nommée Grande Côte Opérations.
Ce n’est toutefois ni une filiale de SNC-Lavalin au Sénégal qui a remporté le contrat ni la société mère basée à Montréal. Le contrat a plutôt été octroyé à SNC-Lavalin Mauritius, une société enregistrée à l’île Maurice, selon des informations provenant des Paradise Papers, une fuite massive de documents sur les paradis fiscaux.
SNC-Lavalin explique avoir créé cette société en 2008, avant la construction de l’usine au Sénégal, pour en faire un « holding régional chapeautant des projets en Inde et en Afrique ».
Le porte-parole, Nicolas Ryan, ajoute que les « principales raisons » ayant mené à constituer cette société sur l’île Maurice sont :
- le faible risque politique;
- la facilité à exercer des activités en Afrique;
- la main-d’œuvre bilingue;
- le système bancaire bien établi;
- la capacité de transiger en devises fortes.
Pas un mot sur les avantages fiscaux de ce petit pays situé dans l’océan Indien et reconnu comme un paradis fiscal par la Commission européenne en 2015.
Des experts consultés par le Consortium international des journalistes d’enquête estiment cependant que l’État sénégalais, l’un des pays les plus pauvres du monde, pourrait avoir perdu 8,9 millions de dollars américains en taxes et impôts non payés dans cette aventure.
Les revenus d’une multinationale transférés à l’île Maurice ne sont pas imposables au Sénégal en raison d’un accord de « non double imposition » datant de 2004. Grâce à ce traité, SNC-Lavalin pourrait avoir évité une facture de 20 % sur les services offerts dans le cadre de la construction de l’usine.
Selon les états financiers de SNC-Lavalin, sa filiale à l’île Maurice avait reçu 44,7 millions de dollars américains en 2012, alors que les travaux achevaient au Sénégal.
« Un paradis fiscal peut être un paradis pour les multinationales qui veulent éviter de payer des impôts. Mais pour le pays, c’est l’enfer », affirme Ousmane Sonko, député au Parlement du Sénégal, qui a remporté ses élections en défendant la justice fiscale.
Dans un courriel envoyé à Radio-Canada, SNC-Lavalin s’est défendue en affirmant avoir la « responsabilité de payer la juste part de toutes les charges fiscales qui lui incombent, et ce, dans toutes les juridictions où elle tient ses activités, tout en conciliant ses responsabilités envers ses actionnaires ».
SNC-Lavalin a une structure fiscale efficiente, qui respecte toutes les lois fiscales en vigueur.
SNC-Lavalin n’a pas d’équipement de construction à l’île Maurice, rapporte l’ICIJ. Elle n’a pas non plus de bureaux à elle. Son adresse dans la capitale, Port-Louis, se situe dans les bureaux du cabinet d’avocats Appleby, spécialisé dans la gestion des sociétés dans les paradis fiscaux.
West Africa Leaks
Ces nouvelles révélations sur SNC-Lavalin font partie d’une série de reportages rendus publics mardi par des journalistes africains et par l’ICIJ. Le projet baptisé « West Africa Leaks » est basé sur 27,5 millions de documents issus des quatre fuites de documents sur les paradis fiscaux : Offshore Leaks, Swiss Leaks, Panama Papers et Paradise Papers.
Radio-canada