En se regardant le matin dans une glace, Macky Sall ne doit pas être trop fier de lui par ces temps qui courent. Et pour cause ! La libération prochaine de Karim Wade va fouler au pied tout ce qu’il avait promis aux Sénégalais, notamment en ce qui concerne la reddition des comptes, la rupture dans la gestion des affaires publiques… D’ailleurs, le cas Karim Wade est tellement difficile à appréhender par le locataire du palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor qu’il est aujourd’hui pris dans de flagrantes contradictions. Interpellé par Radio France internationale (Rfi) sur la libération des co-accusés de Karim Wade que sont Bibo Bourgi, Alioune Samba Diassé et Papa Mamadou Pouye, Macky Sall déclare : «D’abord, il ne faut pas parler de détenus politiques, de prisonniers politiques. Ça n’existe pas au Sénégal. Je pense que aussi, il y a eu mardi une ordonnance du juge de l’application des peines qui a, pour des raisons humanitaires, autorisé la sortie du territoire pour deux des détenus. Et il y a eu quelqu’un qui a bénéficié d’une remise en liberté parce que cette personne a purgé la moitié de sa peine, et donc était en droit d’attendre ce qu’on appelle donc une remise de peine. Et puis il y a le cas de monsieur Karim Wade. Effectivement, beaucoup de personnes demandent qu’il soit élargi. Tout ça, c’est possible mais il faut le mettre dans le contexte réel et je pense que, oui il ne faut pas désespérer que cela puisse avoir lieu.» Mais Macky Sall ne s’arrête en si bon chemin. Interrogé sur le cas Karim Wade par Christophe Boisbouvier qui lui rappelle que Wade-fils a déjà purgé la moitié de sa peine, il souligne : «Oui. Mais on n’est pas en train de parler de moitié de peine ou autre.» Pourtant, c’est le même Président qui, quelques minutes plutôt, soutenait qu’«il y a eu quelqu’un qui a bénéficié d’une remise en liberté parce que cette personne a purgé la moitié de sa peine, et donc était en droit d’attendre ce qu’on appelle donc une remise de peine». Contradiction. La vérité, c’est que Karim Wade, comme Pape Mamadou Pouye, a purgé la moitié de sa peine. Pourquoi donc devrait-on parler de moitié de peine dans le cas de Pape Mamadou Pouye et le refuser quand il s’agit d’évoquer le cas de Karim Wade ?
Toujours dans ses contradictions, le Président Sall déclare : «A partir du moment où le débat est posé sereinement, normalement il n’y a pas de raison qu’il n’y ait pas de solution. Mais en sachant que tout cela se fait dans le cadre de la loi ou des prérogatives constitutionnelles du président de la République. Ça c’est la Constitution qui me donne le pouvoir de grâce.» On est donc très loin des propos tenus par le même Macky Sall dans lexpress.fr et publiés le 28 janvier 2016, c’est-à-dire il y a moins de six mois. Interpellé à l’époque sur une probable grâce en faveur de Karim Wade, il rappelait que le concerné devait d’abord en faire la demande. Non sans ajouter que «la question n’est pas à l’ordre du jour». Il est vrai qu’entre-temps l’ordre du jour a changé chez Macky Sall. Et Wade ayant accepté de sauver le dialogue national d’un fiasco assuré, le président de la République n’attend plus une demande de grâce de Karim Wade pour le sortir de prison.
WALF