Ancien ministre sous le régime de Habré, Balaame Faustin Facho, a tenu un témoignage à charge. D’abord, il a dépeint l’accusé comme un «dictateur qui a exterminé des milliers de personnes au Tchad». Ces accusations ont poussé les avocats commis d’office à inviter au juge de prendre avec des pincettes ces dires. Ce, au motif qu’il n’est pas un «témoin neutre».
Cette invite sera rejetée par le juge qui a estimé que «le témoin avait prêté serment devant les juges de la Chambre d’instruction».
Dans sa déposition, il a indiqué que Habré a été le commanditaire des exactions qui se sont produits au Tchad. A l’en croire, l’accusé avait conçu et mis en œuvre un système de répression constitué d’organes chargés d’arrêter et de torturer ou d’exécuter. Et aussi de lieux de détention secret fonctionnant en marge de l’appareil judiciaire. «La Dds était la terreur au sein du pays. Nous vivions sous la terreur. Habré avait une connaissance effective de la commission des crimes de guerre», a encore chargé le témoin.
Visiblement très en colère contre l’ancien président Tchadien, il a soutenu que si Habré se considérait comme un homme normal, le Tchad ne connaîtrait jamais ces exactions. «Il (Habré) n’aimait pas qu’on l’appelle président. On l’appelait monsieur le guide. Il se considérait comme un Dieu. Il régnait par la violence et la terreur».
Revenant sur la période durant laquelle il exerçait ses fonctions de ministre, il a déclaré n’avoir jamais rencontré son président de la République. «Des rapports humains n’ont jamais existé entre lui et ses collaborateurs. Il y avait un mépris total entre eux. En conseil des ministres, les questions de fond n’étaient pas discutées. Il y avait une frustration générale».
Au sujet de la répression des ethnies du Sud du Tchad, en l’occurrence les Hadjeraï et Zaghawa, le témoin a révélé que celles-ci ont subi dans leur corps et dans leur chair des tortures. «C’était un nettoyage ethnique qui concernait les responsables sudistes. Nous étions dans une situation de terre brûlée. On avait l’impression que tout le monde devait disparaître. Plus de 500 personnes ont disparu pendant le septembre noir», se souvient le témoin qui reconnaît qu’Habré a libéré des prisonniers politiques.
Passe d’armes entre témoin et avocats commis
Ambiance électrique et engueulades entre les avocats de la défense et le témoin ont marqué la journée d’hier. Mais le juge a vite fait d’inviter les deux parties à la sérénité. La cause de l’incident ? Me Mounir Ballal a demandé au témoin la raison pour laquelle il avait fui le Tchad vers les années 1984. Réponse : «Je ne voulais pas mourir». «Vous avez peur de la mort. Qui allez-vous tuer pendant cette période», revient l’avocat. Le témoin s’emporte et déclare : «vous défendez quelqu’un et vous ne connaissez pas son pays. Cela me paraît bizarre. La moindre des choses c’était d’aller au Tchad d’abord. Je le dis et je le répète je serais mort si je n’avais pas quitté le Tchad. Je suis sudiste et pendant cette période, Habré était en train de tuer tous les intellectuels sudistes. Je ne suis pas suicidaire».