Mbour a comémoré ce 15 juillet le 3ème anniversaire du drame du stade Demba Diop. Un évènement douloureux qui rappelle la mort de huit supporters du Stade de Mbour dans des conditions atroces et a fait 403 blessés lors de la finale de la Coupe de la Ligue.
Pour marquer l’évènement, le Stade de Mbour a organisé hier à la grande mosquée de Mbour, un récital de Coran à la mémoire des disparus et pour la guérison des blessés. Toutes les autorités administratives et sportives du département ainsi que les férus de sport ont célébré ces moments de ferveur religieuse dans la plus grande sobriété. Pour certaines autorités, le 15 juillet est une date qui doit être gravée à jamais dans la mémoire des Sénégalais.
Trois ans après le drame du stade Demba Diop, Mbour s’est souvenu hier de ses 8 fils morts lors de la finale de la Coupe la Ligue dans un match qui opposait le Stade de Mbour à l’équipe de Ouakam. Un match qui s’est soldé par un décompte macabre avec huit supporters mbourois qui ont perdu la vie. Un évènement malheureux que les Mbourois n’oublieront jamais.
C’est pourquoi lors de la cérémonie de prière qui s’est tenue hier devant la grande mosquée de Mbour, Ablaye Guèye, le président par intérim du Stade de Mbour, a invité les Mbourois à faire en sorte que le département puisse être en mesure de commémorer leurs disparus pour cette journée du 15 juillet, car «cette date a été une journée mémorable et restera gravée dans les annales du sport sénégalais, c’est le plus grand drame que le football ait connu au Sénégal». «Mais pour nous stadistes, c’est un jour paradoxal. C’est le jour où on a eu notre premier grand trophée national : la Coupe de la Ligue. Malheureusement, cette belle fête a été entachée par la mort de huit de nos supporters et a occasionné plus de 403 blessés. Cette journée a été une journée de bonheur mélangée de chagrin et finalement le chagrin a dominé car la vie n’a pas de prix», a rappelé avec amertume Ablaye Guèye.
Face à une telle violence, le président par intérim du Stade de Mbour martèle : «Donc, nous disons «plus jamais ça !». Nous pouvons pardonner tout ce qui s’est passé, mais impossible d’oublier. C’est pourquoi, je rappelle que nous Mbourois, nous avons le devoir de perpétuer à jamais ce 15 juillet, qui est une date référence pour nous.» «Nous devons nous organiser pour qu’à chaque fois que le 15 juillet arrive, l’esprit de tous les Sénégalais férus de sport se tourne vers Mbour. C’est notre devoir envers les disparus, nous devons chaque année prier pour leur mémoire», déclare-t-il.
«Cela nous fait mal que des supporters arrêtés obtiennent une liberté provisoire»
La population de Mbour est toujours dans l’attente d’une évolution juridique du dossier dit du drame du 15 juillet. En effet, depuis les événements qui ont endeuillé tout le département et au-delà tout le pays, tout laisse croire que les autorités judiciaires du pays vont boucler cette affaire en un temps record puisqu’elles avaient donné l’image d’être à pied d’œuvre pour élucider ce dossier. Mais, aujourd’hui, trois années se sont écoulées et les Mbourois sont toujours dans l’attente. Le grand frère de Charles de Gaulle Gomis, un des huit victimes du drame, ne cache pas son amertume : «Je suis déçu, car tout ce qui a été dit dès le début n’a pas été fait. Le procureur avait clamé haut et fort que tout sera fait pour que justice se fasse mais depuis trois ans rien n’a été fait.» «Nous souffrons en silence. Depuis un an, la procédure a été bouclée mais rien n’a été fait. Nous déplorons cela et nous lançons un appel à nos autorités judiciaires pour leur dire qu’il est temps que les victimes du drame de Demba Diop obtiennent justice. Cela nous fait mal que des supporters qui ont été arrêtés dans cette affaire obtiennent une liberté provisoire. C‘est pourquoi nous ne cesserons de réclamer justice», dénonce Alexandre Gomis.
Certes le temps de la justice n’est pas le temps de la politique, a-t-on l’habitude de dire. Mais le dossier du drame de Demba Diop semble prendre du temps. Pourtant, les vidéos circulaient sur la toile montrant des supporters qui tabassaient d’autres supporters. Du coup, la sortie du procureur de la République près le Tribunal de Grande instance de Dakar, Serigne Bassirou Guèye, ordonnant l’ouverture d’une enquête judiciaire, avait donné de l’espoir aux Sénégalais qui disaient : «Plus jamais ça !»
Toutefois, cette période qui coïncidait avec la période de la campagne des élections législatives, des lenteurs ont été notées. Pour certains, c’était pour ne pas heurter la conscience des Ouakamois afin d’éviter un vote-sanction que des arrestations immédiates n’ont pas été faites. On notera qu’après le vote, les premières arrestations ont eu lieu le samedi 12 août. Parmi les personnes arrêtées se trouvent un joueur de l’Us Ouakam, Djibril Guèye, et le président du club des supporteurs, Madou Timéra, accusé de ne pas avoir dénoncé des partisans du club recherchés par la police. Ces membres de l’Us Ouakam avaient été interpellés un lundi pour «meurtres, coups et blessures volontaires» et placés en garde à vue. Les échauffourées auxquelles ils sont accusés d’avoir participé avaient été suivies d’un mouvement de panique et de l’affaissement d’un mur qui ont fait huit morts et des centaines de blessés dans les rangs des supporters du stade Mbour. «Ils ont été placés sous mandat de dépôt, vendredi soir», avait affirmé Samba Diop, responsable des affaires juridiques de l’Us Ouakam.
Seulement, au lieu d’aller vers un jugement, tout ce beau monde a été libéré. Aujourd’hui, cet événement, qui est tristement entré dans les annales de l’histoire du football, n’a pas connu de suite judiciaire malgré le pool d’avocats qu’avait commis le club phare de la Petite-Côte. Selon une source, c’est à cause de la maladie liée à la pandémie du coronavirus que le dossier a connu des lenteurs puisqu’il allait être jugé. Mais quoiqu’il en soit, les Mbourois ne parviennent toujours à comprendre le temps qui a été perdu pour éclairer la lanterne des Sénégalais. Ndiogou Hann, un des dirigeants du club, soutient : «Jusqu’à présent nous sommes dans l’attente. Les parents des victimes nous demandent s’il y a du nouveau. Mais en réalité, rien n’a encore bougé.» En attendant, Mbour prie pour que Mame Boucounta Sow, Assane Nar Dione, Babou Seydi Diouf, Charles de Gaulle Gomis, Wolimata Fall, Niokhor Diouf, Assane Thiam et Khalifa Mbaye reposent en paix.
Le comité des supporters mis à l’écart
La particularité de la troisième édition de la commémoration du drame de Demba Diop, a été l’absence du comité des supporters dans l’organisation de cette journée dédiée aux victimes du 15 juillet. En effet, le bureau intérimaire a décidé de prendre en main l’organisation. C’est le président des supporter Reu Beu Deup, Alassane Ndiaye, qui en a fait la révélation. «Cette année, il y a un fait particulier, le comité des supporters est mis à l’écart de l’organisation. On a une nouvelle équipe, le bureau a été changé. C’est Saliou Samb qui pilotait les cérémonies de prières. Mais comme il n’est plus à la tête du Stade de Mbour, c’est le nouveau bureau par intérim, qui va gérer l’organisation, cette année-ci. Et puisque c’est le comité des supporters qui l’organisait, on va leur laisser la tâche suivant leurs recommandations», informe Alou, comme aiment l’appeler ses proches. Il précise : «Toutefois, on reste derrière eux. On sollicite l’aide des autorités locales pour la réussite de cette journée.»
En dépit de leur mise à l’écart dans l’organisation, les supporters ne comptent pas être en reste pour la commémoration de la troisième année de la disparition tragique de leurs frères et sœur, comme les années précédentes. «Nous avons tout fait pour que le Stade de Mbour soit bien représenté comme d’habitude, lors de la cérémonie de prières le matin et de distribution des offrandes», a assuré Alassane Ndiaye.
Les supporters du Stade de Mbour n’ont pas manqué de soulever leurs préoccupations liées à la direction du club. Parce que le nouveau bureau était provisoire jusqu’à la fin de la saison. Mais, la maladie liée à la pandémie du coronavirus a bloqué la saison. «Actuellement, les dirigeants ont, tous, la volonté de bien faire. Cependant, il faut quelqu’un à la tête du Stade de Mbour pour que tout se passe bien. Parmi ceux qui dirigent l’équipe présentement, il y en a qui ne se supportent pas. Et on n’acceptera pas que d’aucuns restent là, à se dire que celui-ci ou celui-là ne sera pas mon président», avertit le président Alou. Dans ce cadre, il propose la tenue immédiate d’une Assemblée générale, «pour élire un président et un vice-président pour que tout soit fonctionnel. C’est tout ce qu’on leur demande et rien d’autre. Parce que ce bureau fait beaucoup trop de bruit». Pour lui, seule une Assemblée générale peut régler ces petites querelles. Cependant, les supporters disent être en phase avec le Comité directeur de l’équipe. «Mais avec le comité, on a aucun problème. On est derrière eux et on les tient au courant de tout ce qu’on fait et on entreprend», conclut Alassane Ndiaye.
LeQuotidien