CONTRIBUTION
Bénéficier des avantages d’une chose sans en fournir la contrepartie, voilà la manœuvre que le Code pénal désigne comme filouterie. Filouterie d’auberge, de repas, de boisson, etc. En termes clairs, consommer sans payer. Il s’agit d’un délit prévu et puni par la loi. Depuis mardi, la filouterie de concertation a installé ses bases au Sénégal. Deux événements en témoignent.
D’abord, la réunion tenue à Diamniadio sur le pétrole et le gaz. Il est apparu que les invitations ont soigneusement évité les porteurs de réflexions critiques et de propositions alternatives. Résultat : une «concertation nationale» unicolore, où seuls les discours d’approbation et les quolibets contre l’opposition ont retenu l’attention. Cette «concertation nationale» traduit la politisation excessive d’une réunion ordinaire de partage d’un projet de loi avec les acteurs concernés. Les services de l’Etat en organisent des dizaines, sans avoir besoin de mobiliser toutes les institutions du pays pendant toute une journée. La filouterie réside, dès lors, dans le fait que ledit projet de loi n’a pas été remis aux participants qui devaient l’examiner et l’améliorer.
Ce même jour, le bureau de l’Assemblée nationale a examiné en procédure d’urgence le projet de loi relatif au parrainage, retiré le jeudi pour être réintroduit dès le mardi suivant. Un tour de passe-passe qui s’apparente, là aussi, à une filouterie servant à occulter l’erreur d’avoir déposé, dans la précipitation, une réforme du Code électoral en application d’une révision constitutionnelle non encore effective. Le prétexte officiel est cependant la réunion d’une commission ad hoc permettant une concertation sur les modalités d’application du parrainage. Ce qui a dû se faire, au cours du week-end, dans une discrétion louable, mais peu compatible avec l’esprit de la démocratie. En invitant les uns et en évitant les autres.
Toutefois, la filouterie déborde les manœuvres liées à la concertation. Elle est dans la gestion de l’affaire dite Prodac avec l’utilisation problématique de 22 milliards destinés à l’emploi des jeunes, étouffée par la mise en scène de querelles entre responsables marron. Elle est également dans la communication allégorique du ministre des Finances tentant, sans succès jusqu’ici, de museler la clameur nationale suscitée par l’assèchement évident des caisses publiques. Elle est aussi dans le silence officiel entourant l’inscription, par la Fao, du Sénégal sur la liste des pays menacés par la faim.
Mamadou Bamba NDIAYE
Ancien député