CHRONIQUE DE WATHIE
Au Sénégal, le médecin ne débarque souvent que quand les hommes reviennent du cimetière. Si le malade avait manqué un cachet d’aspirine, c’est des kilos et des kilos de viande qui sont servis à sa mort. Mettre la charrue, le convoi et ensuite les bœufs semble si bien sénégalais. Ne dit-on pas que le poisson pourrit par la tête ?
Le décompte macabre se poursuit à Médina Gounass. De la plus horrible des manières plus de 25 Sénégalais ont perdu la vie. Près d’une centaine va garder à jamais les stigmates de cet incendie dont l’invraisemblable ampleur interroge à peine. Entre deux hoquets, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique s’est rendu sur les lieux du désastre. Abdoulaye Daouda DIALLO n’a pas eu besoin d’un rapport d’enquête pour donner les raisons qui ont concouru à la propagation rapide des flammes. «Ici, tout est favorable à une propagation rapide du feu », a indiqué le ministre. Puisque le préposé à la Sécurité publique en est si bien imprégné quelles ont été les mesures mises en place pour prévenir toute catastrophe ? Cette année 2017, le Daaka en est à sa 76eme édition. Ce qui en fait un événement religieux, rassemblant des milliers de pèlerins, qui dure depuis plusieurs décennies. Le «nous ne savions pas » n’est pas acceptable. Déjà, lors de l’édition 2016, le président Macky SALL, qui s’était rendu à Médina Gounass, avait pris l’engagement, devant le khalife, de construire des bâtiments devant accueillir tous les fidèles et une résidence pour les hôtes. Un autre engagement présidentiel qui fond comme beurre au soleil. Les nombreuses tantes et abris provisoires qu’il avait décelés l’année dernière et qui l’avaient incité à vouloir construire des bâtiments dans la cité religieuse y sont toujours et ont grandement participé à propager les flammes. Que peut-on attendre de l’Etat qui n’a pas été en mesure d’assurer un bon approvisionnement en eau ? Le ministre de l’Intérieur, qui a devancé le président de la République chez le Khalife, a reçu les piques à la place de Macky SALL. Le guide religieux n’a pas manqué de déplorer la pénurie d’eau et le non-respect des engagements pris par l’Etat. Ne pouvant empêcher le déclenchement d’un incendie, l’Etat se doit de mettre les secours à portée de main. Mais dans cette affaire, il a tout bonnement disparu. Négligence en amont, défaut de réaction en aval.
Cette dernière catastrophe ressemble, dans sa gestion par les services de l’Etat, à bien des égards, à ce qui s’est passé le 4 avril dernier à Saint-Louis. Depuis plusieurs années les pêcheurs de Guet-Ndar attirent l’attention des autorités sur les nombreuses victimes que cause régulièrement la traversée de l’embouchure. 29 octobre 2015, sept morts. 18 avril 2016, un mort plusieurs disparus (depuis, aucune nouvelle). 20 février 2017, cinq morts et plusieurs disparus. Pour ne citer que ces derniers drames. Aucune mesure n’est prise, à part mettre en garde les pêcheurs. Le 4 avril dernier, au moment où le Sénégal célébrait son 57e anniversaire, sept pirogues sont englouties par les eaux. Les parents des quatre morts et des portés disparus n’avaient pas manqué de déplorer le retard des services de secours qui sont arrivés, selon eux, cinq heures après le drame. Les Sapeurs-pompiers et les gendarmes, dont l’absence sur les lieux du drame a été fortement dénoncée, étaient aux premiers rangs du défilé qui se déroulait à la place Faidherbe.
Avec des dirigeants plus enclins à gouverner qu’à prévoir, le remède n’arrive qu’après que les larmes ont inondé les cœurs. Le naufrage du bateau le Joola, la plus grande catastrophe navale de l’histoire de l’humanité qui a fait plus de victimes que le fameux Titanic, a été suivi par des mesures draconiennes. Même les charrettes étaient interdites de surcharge. La rigueur avait eu, le temps de la désolation, un sens. La petite monnaie ne suffisait plus à fermer les yeux sur un passager de trop. Cela n’avait duré que le temps d’une rose. Le temps que les larmes sèchent et les morts mis sous terre. Le spectre rappelant la négligence criminelle s’en était éloigné. Le Sénégal avait repris ses habitudes.
Moustapha DIAKHATE, président du groupe parlementaire de la majorité, qui préconise l’arrêt du Daaka, à défaut de sa sécurisation qui relève des services étatiques, révèle la face d’un Etat plus prompt à se dérober qu’à faire face aux difficultés en vue d’en venir à bout.
Mame Birame WATHIE