L’affaire de diffamation opposant Madiambal Diagne, promoteur du groupe Avenir communication, à Souleymane Téliko, ancien président de l’Union des magistrats sénégalais (Ums), a été appelé, hier, devant la Cour d’appel de Dakar. Le journaliste, condamné à 6 mois de prison dont 3 mois ferme et une amende de 600 000 francs Cfa en 2021, en première instance, a justifié son appel à la barre. «J’ai interjeté appel dans l’espoir d’être mieux jugé, mais d’être entendu. Au jour de l’émission, on m’avait interrogé sur l’indépendance de la magistrature. J’ai donné un avis en dénonçant le comportement de Téliko qui stigmatisait ses pairs. J’ai rappelé que ce n’était pas surprenant pour les justiciables. Il me semblait curieux du point de vue éthique et moral, que ce n’est pas la posture d’un magistrat de critiquer ses collègues», lance-t-il. «Vous êtes en train de déborder or nous jugeons un dossier. Revenez sur ce qu’on vous reproche. Le juge Téliko s’est plaint des propos qui ont atteint son honneur et sa personnalité. A travers vos propos, vous l’avez publiquement accusé de détournement»,précise le président du tribunal.
Selon lui, Souleymane Téliko a reçu des frais de mission pour des enquêtes au Tchad dans l’affaire de l’ancien président Hissène Habré, mais qu’il avait remboursés. «Ce qui m’a été reproché, soutient-il, c’est d’avoir cité le rapport de l’Union européenne or il s’agissait de celui de l’Union africaine». Le patron du groupe Avenir communication soutient que l’ancien président de l’Ums avait reçu «des frais de mission indus». Et qu’il y a «des documents attestant qu’il a rendu une partie».«Epinglé, pour moi, il a pris des sommes indûment. C’est un document de l’Ua. C’était un lapsus», rectifie-t-il. Ce qui a poussé le président du tribunal d’ordonner au greffier de noter dans le plumitif que le «prévenu reconnaît avoir fait un lapsus en parlant de rapport de l’Ue or il détient rapport de l’Ua». «J’aurais compris s’il y était parti une seule fois, mais les quatre fois. Il a reçu frais de mission du Tchad alors qu’il était déjà pris en charge. Il n’était pas dans l’ignorance. C’est une mansuétude de demander la moitié. Mais le gouvernement aurait pu réclamer le remboursement intégral», poursuit le prévenu. Avant d’ajouter: «J’ai été stigmatisé, traité de Noireau, de violeur. Mon prénom tourne en dérision».
Un instant, le conseiller du juge prend la balle au rebond pour comprendre le sens du terme «épingler». «C’est le rapport qui a utilisé le mot épingler ?», demande-t-il. «C’est un reproche. J’ai juste cité un rapport», répond Madiambal Diagne. Après lui, place est donnée à la Conseillère. «Est-ce qu’il réclamait les frais ?», questionne-t-elle. «Je ne sais pas, mais je suis constant. Il a reçu indûment des frais qu’on lui a demandés de rembourser après le départ car il a été rattrapé», répond encore le journaliste. Un terme qu’il a retiré suite à une demande du juge. «Ils étaient mis devant les faits car, après avoir réservé, sur place ils ont su que l’hôtel n’était pas adéquat. Ils ont changé et voulu payer les responsables de l’hôtel qui leur ont fait savoir que l’hôtel était déjà payé», rappelle le président du tribunal. Pour sa part, le procureur estime que l’emploi du terme «épingler» suppose que le magistrat était en train de voler. «Pensez-vous que le président de l’Ums, membre d’une juridiction internationale, peut-il verser dans ces pratiques ? Est-ce qu’il avait l’information qu’il serait pris en charge par le Tchad», demande le parquetier. «L’effectivité des faits est indiscutable», se disculpe-t-il. Le verdict sera rendu le 18 avril prochain.
Salif KA