Peut mieux faire dans sa communication. C’est ce que pense Mamadou Ndiaye, expert en communication et directeur des études au Cesti. Joint par WalfQuotidien, il soutient que la communication des autorités publiques est jusque-là laconique. Selon lui, elle est uniquement basée sur l’information du phénomène, passant sous silence le volet sensibilisation et éducation qui parait plus important. «La communication du gouvernement, depuis le début de l’apparition du coronavirus, a été assez laconique. Les autorités n’ont pas essayé de trop communiquer sur l’affaire. Elles se sont limitées à donner l’information telle que briefée par les services concernés. L’inquiétude de beaucoup de Sénégalais, quand une maladie de ce genre arrive au Sénégal, c’est la disponibilité des structures sanitaires, des moyens pour faire face. Cela demande beaucoup de moyens, mais également beaucoup de préparation par rapport à la riposte», croit savoir Mamadou Ndiaye. Il déclare que la communication du ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr, lors de son point de presse tenu hier dans l’après-midi, s’est focalisée sur les conditions dans lesquelles le Français en question a été identifié et pris en charge par les services concernés.
L’autre aspect, dit-il, à noter dans la communication de Diouf Sarr, c’est le fait de vouloir faire des journalistes des partenaires. Par cette alliance, soutient-il, l’autorité a voulu plus ou moins dire aux professionnels de l’information qu’ils ne doivent avoir qu’une seule source : l’espace de communication du ministère. En les invitant à s’accréditer au niveau de son service de communication, décrypte Mamadou Ndiaye, Abdoulaye Diouf Sarr mûrit une stratégie de verrouillage de l’information et même des sources pour éviter plusieurs versions. «Un journaliste qui connait bien son métier ne se contentera jamais des informations qu’on lui donnera sur un plateau d’argent. Il peut aller à la source, en essayant de savoir ce qui se passe. Personne ne devrait l’empêcher de recouper, d’essayer de voir d’autres sources et de pouvoir les vérifier», laisse-t-il entendre. Avant d’ajouter : «Dans ce genre de situation, les Etats ont des intérêts qui ne sont pas forcément ceux du public. Le journaliste doit donner à chaque moment des informations d’utilité publique en toute responsabilité. Il faut que la responsabilité prime sur tout.»
Pour ce qui est du retard noté dans la divulgation de l’information sur le cas de contamination du Français, Mamadou Ndiaye pense que c’est fait à dessein vu que les services du ministère de la Santé ont été informés depuis samedi. «Les autorités ont attendu, selon elles, le bon moment pour communiquer. C’est-à-dire au moment où les tests ont été officiellement confirmés. Un bon journaliste d’investigation aurait pu sortir l’information. A chaque fois qu’une structure publique gère ce genre de phénomènes, il y aura toujours une rétention d’informations. Parce que certaines informations peuvent installer une panique générale. C’est à éviter. Elles peuvent être une bombe», analyse ce spécialiste en communication.
En ce qui concerne les stratégies de communication à adopter par les gouvernants dans la gestion du cas confirmé, l’enseignant conseille, dans une communication de crise, de faire beaucoup de sensibilisation, d’information et d’éducation. «Il faut être transparent et ne pas essayer de cacher des informations pour masquer ou pour parfaire des bilans. Il faut dire la vérité aux gens pour que tout le monde puisse se mobiliser pour battre ce fléau», indique-t-il. «Cela a été le cas avec le chef de l’Etat plus tôt dans la journée. Il avait déclaré qu’il s’agit d’une maladie qui fait le tour du monde et qui peut être dangereuse pour certaines personnes, mais qu’on ne s’inquiète pas», ajoute-t-il. Un petit conseil pour la route : «Il faut que les citoyens soient attentifs et prudents. Pour le reste, le gouvernement s’en occupera.»
Salif KA