Conscient qu’il n’y a pas la vision qu’il faut pour sortir le Sénégal des difficultés qui freinent son décollage, malgré un énorme potentiel, l’architecte Pierre Goudiaby Atépa, candidat à la présidentielle, crache ses vérités. Mettant le doigt sur la corruption qui «atteint un seuil catastrophique», sur l’absence de vision des politiciens et les projets inopportuns du pouvoir, l’architecte esquisse ses travaux en béton pour faire du Sénégal un véritable Eldorado avec ses ressources naturelles. Entretien.
WalfQuotidien : Qu’est-ce qui explique votre descente dans l’arène politique ?
Pierre GOUDIABY Atépa : Cette question est fondamentale et importante. A mon âge, après avoir presque tout fait, je me suis rendu compte qu’un des problèmes que nous avons, c’était que la politique politicienne avait pris le dessus sur celle de développement. Nous avons accompagné tous les chefs d’Etat qui se sont succédé au Palais. A commencer par Léopold Sédar Senghor, le président Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, n’en parlons pas. Même Macky Sall, au début de son magistère. Nous avons été frustrés, c’est le mot juste, de savoir que le développement était possible, mais que, malheureusement, les politiciens qui nous gouvernent, ne font pas la politique de développement. Nous nous sommes dit qu’il est, peut-être, temps que nous intervenions sur la scène politique. En vérité, c’est des jeunes gens qui sont venus nous voir, il y a cinq ans. Des jeunes universitaires, des étudiants parce que nous avons toujours été proches d’eux. Il s’y est ajouté qu’il y a, à peu près, moins d’un an, des gens de la diaspora canadienne, sont venus me voir avec une clé Usb dans laquelle ils avaient repris certaines de mes déclarations. Cela pour me dire : «Nous avons fait le tour, nous pensons que vous feriez un très bon candidat, un bon challenger pour les politiciens qui sont là». Je leur ai demandé un temps de réflexion que j’ai mis à profit pour écrire un livre programme pour me tester, voir si je pouvais avoir les germes d’une politique de développement. Quand j’ai proposé mes réflexions aux jeunes qui se sont réunis à plus de 18 mille au Monument de la Renaissance, ils m’ont demandé de porter leur voix, j’ai dit oui, j’accepte. J’étais prêt parce que je pense que notre pays est à la croisée des chemins et que nous sommes à un virage extrêmement important. Ou nous avons à la barre ou au volant des gens capables de bien négocier le virage ou notre pays va droit dans le mur. Et j’ai pensé que ma modeste expérience peut servir mon pays.
Vous paraissez convaincu que ceux qui sont à la tête du pays, sont incapables de bien négocier ce virage…
C’est plus qu’une conviction, c’est une certitude parce que quand on voit là où on nous amène, on se rend effectivement compte qu’il y a problème. On ne peut pas continuer à gérer ce pays sans vision. Il n’y a aucune vision. Je suis désolé, mais ce n’est pas ce que nous attendions de nos dirigeants. Ce pays, on peut le développer. Il fait partie des très rares Etats africains qui peuvent être développés en un rien de temps. Je pèse mes mots (…).
D’abord, il faudra remarquer que le pouvoir a mis en place ce qu’ils ont appelé le Plan Sénégal Emergent (Pse), mais la plupart des projets phares qu’ils font actuellement ne font pas partie du Pse. Il y a une autoroute qui n’en fait pas partie. Le fameux TER non plus, etc. Cela veut dire qu’il n’y a pas la vision qu’il faut pour nous sortir de là où nous sommes. Nous devons pouvoir faire mieux. Je me réjouis, au passage, de la belle lettre du président Wade qui dit : «Oui Pierre, tu feras mieux qu’eux».
Quelle a été votre réaction quand vous avez reçu la réponse de Wade ?
J’en étais très heureux. Je connais le président Wade depuis très longtemps. Pour qu’il dise de quelqu’un ce qu’il a dit de ma modeste personne, cela ne pouvait que me réjouir. En tout cas, je ferai tout pour mériter cette confiance. Au-delà de la lettre, ce qui était important pour moi, c’est qu’il ait dit : Oui Pierre, que je connais, tu peux être président de la République. Dans la tête de beaucoup de gens, c’est un artiste, un architecte… Mais, c’est surtout un patriote qui a une expérience avérée qu’il veut mettre à la disposition de son pays et qui a fait ses preuves. Il ne faut pas plus pour bien diriger un pays. Le plus important, c’est l’amour du pays. Ce patriotisme qui fait qu’on évite les écueils, les solutions faciles pour soi, qui fait qu’on fait un don de soi. C’est ce don de soi que je veux faire aux Sénégalais. J’ai travaillé 45 ans pour ma famille, maintenant je voudrais offrir cinq ans de ma vie, si Dieu me la prolonge, à mes concitoyens pour qu’ils puissent bénéficier d’une expérience avérée. J’aurais eu quelques hésitations sur le développement il y a trois ou quatre ans, mais quand Dieu bénit votre pays, lui donne du gaz et du pétrole, mettez des gens qui savent travailler, qui savent sortir de ce pays de là où il est. C’est la raison pour laquelle nous prônons, avec les gens qui commencent à nous suivre, la Révolution économique et industrielle du Sénégal (Res).
Au-delà de Wade, quelles autres personnalités avez-vous contactées ?
Beaucoup. Il ne faut pas parler d’eux. J’ai beaucoup d’amis chefs d’Etat. Tous, de manière unanime, ont dit : «Pierre, pourquoi tu as attendu jusqu’à maintenant». J’ai dit qu’il fallait que je fasse mon projet. Maintenant que j’ai pratiquement tout fait et qu’à l’analyse, je me rends compte que ça ne va pas et qu’on peut mieux faire, je me jette à l’eau.
Vous avez tout à l’heure parlé du Ter. Que reprochez-vous concrètement à ce projet cher au chef de l’Etat ?
Il y a son coût d’abord. Ensuite, ce n’est pas opportun aujourd’hui. Est-ce que vous savez que ce Ter n’arrive pas à l’aéroport. Savez-vous également que ce Ter de 30 km coûte à peu près 1 milliard d’euros et que le Tgv marocain qui a été inauguré jeudi, coûte deux milliards d’euros et fait 300 km. Quand vous êtes devant des choix comme cela, tu te dis que ce n’est pas possible qu’on gère un pays comme cela. Mieux ou pis, j’ai demandé, du temps d’Abdoulaye Wade, si on pouvait obtenir des Indiens qu’ils nous fassent une étude de faisabilité de chemin de fer Dakar-Tambacounda-Kolda-Ziguinchor. Toutes les études sont là et c’est le même prix que le Ter. Quand je vois des choses comme cela, je me dis non, moi, je suis un patriote qui considère tous les petits enfants du Sénégal comme les siens et qui veut, pour eux, un avenir meilleur, pour ne pas dire rayonnant. Je sais que c’est possible.
Le Ter traverse une ville alors que le Tgv marocain passe en campagne. N’y a-t-il pas une nuance à faire sur les coûts ?
Aucune. C’est vrai qu’il y a des gens à dédommager, mais dans des cas comme celui-là, quand tu fais le calcul, tu essayes de trouver une autre solution. Il fallait peut être un rail suspendu. C’est cela les mauvais choix. Je suis architecte, ingénieur. Il fallait faire un rail suspendu. C’est tout. Encore une fois, le Ter n’est pas opportun. Encore qu’il n’arrive pas à l’aéroport. Entre un Ter de 40 km et un chemin de fer de 700 km qui va décongestionner, faire une continuation du territoire, il n’y a pas match. Qu’ils arrêtent de nous parler du Ter. Parce qu’à chaque fois qu’ils le font, ils s’enfoncent. Encore une fois, le Ter n’arrive pas à l’aéroport, c’est aberrant. Si vous devez voyager, arrivé à Diamniadio, vous mettez vos valises sur la tête et marchez six ou sept kilomètres. Il faut arrêter cela. Ce n’est pas le bon choix.
En dehors du Ter, que reprochez-vous d’autre à nos gouvernants ?
Mais je ne suis pas là pour jeter des pierres ou faire des reproches. Tous les jours, vous voyez les reproches qu’on fait à ce régime (de Macky Sall, Ndlr). Il y a également que la corruption a atteint un seuil catastrophique. On ne peut pas développer un pays dans la corruption. Pour parler de cela, je n’en ai pas les preuves, mais je me pose beaucoup de questions à propos de ce qui a failli se faire avec les mines de fer de la Falémé. Vous avez tous suivi le bras de fer entre le pouvoir et nous-mêmes. C‘est une aberration.
En quoi est-ce une aberration de songer à en confier l’exploitation à des Turcs prêts à débourser 2 milliards de dollars… ?
Premièrement, le plus important, c’est que j’ai évalué la valeur de la mine. On nous dit qu’il y a 750 millions de tonnes de réserve. Je le sais parce qu’entre parenthèse, c’est moi qui ai amené l’Anglo-American (investisseurs, Ndlr), il y a plus de 20 ans, du temps de Diouf, quand personne ne parlait du fer de la Falémé. J’ai un ami qui est en Afrique du Sud, qui est venu. Nous sommes allés voir ce qu’était ce gisement de fer de la Falémé. Personne ne s’y intéressait. C’est une très longue histoire. Il s’agissait de prendre le minerai et d’aller le transformer en Afrique du Sud. Nous connaissons bien le dossier. J’ai les prix qu’Anglo-American avait mis sur la mine. Je n’en parlerai pas, parce que j’étais conseiller de l’Etat à l’époque. Je sais que c’est X fois supérieur aux deux milliards dont on parle. Deuxièmement – et c’est le plus important – nous disons que cette mine a une valeur d’à peu près 52 milliards de dollars. Quand vous prenez 750 millions de tonnes, multipliés par 66, 67 ou 68 dollars la tonne de minerais, on est entre 52 et 55 milliards de dollars. Multipliez, c’est simple. Cela veut dire que la montagne que l’on voit là, a une valeur de 52 à 55 milliards de dollars suivant les fluctuations. Pour quelle raison allez-vous la brader pour deux milliards de dollars.
Mais il y a mieux. Parce qu’aujourd’hui que, grâce à Dieu, nous avons du pétrole et du gaz (c’est ce que j’appelle la révolution économique et industrielle), nous avons avec ce fer les moyens de développer l’industrie sidérurgique la plus importante d’Afrique. Des 750 millions de tonnes, avec une teneur de 60 %, vous pouvez dégager 450 millions de tonnes de fer. Allez sur internet, vous allez voir que la tonne de fer que vous allez dégager a une valeur d’à peu près 660 dollars. Je ne sais plus quel est le cours du jour. Ainsi, ces 60 % permettent de dégager plus de 300 milliards de dollars, c’est-à-dire largement de quoi développer un pays comme le Sénégal. Nous ne sommes que 14 à 15 millions d’habitants. D’ici là, on sera à 20 millions. Mieux, si vous prenez les 20 % de ces 450 millions de tonnes de fer, vous en faites des alliages qui pourront générer 200 autres milliards de dollars. Cela veut dire que, rien que sur cette mine, en utilisant notre gaz, nous dégageons 500 milliards de dollars. On nous dira qu’il faut des investissements. Ils ne dépasseront pas 20 milliards de dollars. C’est cela la donne. Je mets qui que ce soit au défi de me dire que ce que je dis n’est pas vrai.
Grâce au gaz, le port minéralier qui devait faire de l’exportation des minerais, va servir à l’importation de ces mêmes minerais. Nous avons des pays frontaliers qui regorgent de bauxite. Les Américains en achètent pour aller la transformer chez eux. On est juste à 400, 500 kilomètres de ces régions. Si vous transformez la bauxite, c’est 500 milliards de plus. On peut avoir des conventions avec ces pays. Leur dire : «vous n’avez pas d’énergie ; nous en avons. On va faire fifty-fifty». On est déjà à mille milliards de dollars. Je n’ai pas encore touché au pétrole, ni aux mines de Sabadola. Là aussi, après les minerais de fer, nous devons en parler. On nous dit que c’est six millions de tonnes par an. Je parie que c’est le double. Quand ils viennent prendre l’or, on encercle la ville. Personne ne sait ce qui se passe.
Dans 30 ans, la grande révolution économique et industrielle que j’appelle de mes vœux, c’est plus de 1 700 milliards de dollars, plus de 1 million de milliards de francs Cfa. Avec cela, nous devenons un des pays les plus riches du monde. On ne sera que 24 millions de Sénégalais. Le développement est possible, mais il faut mettre le pays dans des mains expertes.
Voulez-vous dire que la gestion des ressources n’est pas transparente… ?
Vous savez qu’il n’y a pas de transparence. Ils ne savent pas comment on négocie. Ou alors, ils ne savent pas la valeur de ce qu’ils ont. Je vais même plus loin. Je n’exclus pas une réflexion – je pèse mes mots – sur une possibilité de nationalisation de nos ressources minières et pétrolières. Je ne l’exclus pas. Parce que ce sont les intérêts du Sénégal qui nous importent. Parce que, encore une fois j’estime que nos ressources sont bradées. Et si l’on prend le pouvoir, non seulement nous allons renégocier mais que nos partenaires sachent que nous n’exclurons pas une nationalisation. J’espère qu’on ne le fera pas parce qu’ils seront raisonnables. C’est très clair parce que ce pays encore une fois peut être développé. Mais, je ferai comme Donald Trump : le Sénégal d’abord.
Comment réagissez-vous quand vous entendez le président de la République dire que tous ceux qui parlent des ressources minières parlent de quelque chose qu’ils ne maitrisent pas ?
Il parle des autres. Parce qu’ils savent que je sais. Le Président sait qu’il sait que je sais. Et moi, j’ai des dossiers. Vous savez aussi que je suis un opérateur économique. Je suis également patron de la Brvm. Donc, je connais le monde. J’ai des bureaux un peu partout dans le monde, à Paris, en Inde, en Chine, à Moscou. Je sais de quoi je parle. Il parle peut-être des autres. C’est vrai qu’il y a beaucoup de gens qui ne savent pas de quoi ils parlent. Si j’appelle tout de suite, on me sort les dossiers sur les chemins de fer, le phosphate, etc. Sachez qu’il y a trente-cinq ans, j’avais créé la première cellule pour l’étude de faisabilité des mines de phosphate de Matam. Donc, quand il parle des gens qui ne savent pas, je n’en fais pas partie. D’autant que – et vous ne le savez peut-être pas – je suis dans les mines. C’est ainsi que je détiens 60 % des mines de phosphate de Kolda.
N’y aura-t-il pas un conflit d’intérêt entre le candidat à la présidentielle et l’homme d’affaires que vous êtes ?
Il n’y a aucun conflit d’intérêt pour la simple raison que le jour J, quand vous me demanderez de faire l’évaluation de mes biens, tout sera là et de façon très claire. Je le dis parce qu’il y a des gens qui disent qu’il veut prendre le pouvoir pour faire ses projets d’architecture. Quand j’ai dit que je vais faire l’université du numérique ou quand je sors le plan de Petrópolis que je veux construire dans la nouvelle ville Potou, on dit voilà, il veut caser ses projets, c’est pourquoi il veut être élu président de la République. J’ai été très clair : j’ai créé une fondation qui est dirigée par une de mes filles. Tout ce que j’aurai comme honoraire de ce que je fais, je le verse à ma fondation. C’est très clair, net et précis. Donc, demain, il n’y aura pas de conflit d’intérêt entre le chef de l’Etat Pierre Goudiaby et les affaires de Pierre Goudiaby. Une commission sera là pour s’en assurer.
En attendant, je suis obligé de tirer la sonnette d’alarme. Et, malheureusement, il n’y a pas beaucoup de personnes qui puissent le faire. D’autant que je demeure convaincu qu’il faudra que nous fassions naître une nouvelle race d’opérateurs économiques sénégalais qui prennent les choses en main. Je m’en exclus parce que j’ai 71 ans et j’ai des affaires.
Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de n’avoir pas voulu travailler avec Macky Sall comme vous le faisiez avec Me Abdoulaye Wade ?
Je voudrais quand même que les uns et les autres réfléchissent et ne fassent pas de confusions de genre ni d’autre chose. Macky Sall m’a invité au début de son magistère. Après, il m’a donné du travail. C’est moi qui ai fait l’Inpg et il y a plus d’un milliard de francs Cfa d’honoraires. Donc, je n’ai aucune frustration de ce côté-là. C’est moi qui ai fait le parc industriel. Donc, Macky Sall me donne du travail. Seulement, le travail que je fais là, cela représente entre 10 et 20 % de ce que je fais globalement. Donc, il n’y a aucun problème. Vous pouvez ne pas aimer mes bretelles, mais écoutez ce que je vous dis et tirez-en ce que vous voulez.
En outre, Macky Sall est un ami et je le considère comme tel. Mais, comme je l’ai dit au début de notre entretien, une affaire d’Etat ce n’est ni une affaire de famille ni une affaire d’amis. Si maintenant, les gens pensent que ce que je dis n’est pas bon pour le Sénégal ou s’ils sont complexés comme beaucoup de ceux qui nous gouvernent pour penser que ce n’est pas possible et qu’il n’y a que les Blancs ou les Arabes qui peuvent faire cela, alors, que Dieu sauve le Sénégal ! Parce que, nous perdons tellement de temps dans des considérations inutiles. Ecoutez ce que Goudiaby Atépa vous dit, allez vérifier si ce qu’il vous dit est vrai ou faux. Voilà peut-être quelqu’un qui de par son expérience, de par son carnet d’adresses, de par son vécu peut beaucoup apporter à son pays. Vous ne le savez peut-être pas mais, moi, c’est Magib Ndaw qui est encore là qui m’a prêté trois millions, il y a quarante-trois ans. J’en ai fait ce que j’en ai fait. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que si vous me donnez ce pays, j’en ferai peut-être une partie de ce que j’ai pu faire pour moi-même. C’est aussi clair que cela.
Vous avez dit tantôt qu’il n’y aura pas de conflit d’intérêt entre le futur président, Pierre Goudiaby Atepa et Pierre Goudiaby Atepa businessman. Avant vous, certains avaient eu à tenir un discours semblable. Ne risquez pas d’être rattrapé par l’histoire ?
Ce n’est pas possible pour trois choses. La première, comme je vous ai dit, lui c’est lui, moi, c’est moi. Est-ce que j’ai déjà dit une chose et son contraire ? Non. Deuxièmement, je ne vois aucune raison pour laquelle je vais me renier. Ce que je vous dis, c’est clair. Quelqu’un d’autre qui vient et qui lit ce que j’ai écrit, va dire que c’est celui ci qu’il faut pour le Sénégal. Et puis, je n’ai pas faim. Le problème que j’ai, c’est comment faire comprendre aux Sénégalais que le développement, il est là devant nous et qu’il est possible si c’est avec Pierre Goudiaby Atepa parce qu’il a fait ses preuves. De l’autre côté, vous n’avez aucune chance parce qu’ils ont prouvé qu’ils ne peuvent pas. Le Plan Sénégal émergent (Pse) machin, ce sont des blagues.
Avez-vous mis votre expérience à la disposition du président de la République, Macky Sall ?
Mais, bien sûr. Mais il est l’otage de son entourage. Macky Sall est quelqu’un de bien et de joyeux d’ailleurs parce que, dans son Niangal, quand il explose de rire, c’est agréable. Mais, il reste l’otage de son entourage. Je lui ai donné des conseils, y compris pour le chemin de fer, avant même qu’il ne parle du Train express régional (Ter). Il m’avait invité à aller à Ziguinchor, je lui ai rétorqué que je viendrais uniquement si, à la tribune, il nous promettait le Train pour lequel les études sont terminées. Il m’a dit viens Pierre, je le dis devant toi. Et j’y suis allé. Il a dit devant moi qu’il va faire le train qui va partir de Ziguinchor, Kolda, Tambacounda jusqu’à Dakar. Tout le monde a applaudi. Il revient pour nous faire un Ter qui coûte le même prix pour seulement 30 km. Alors, comment voulez-vous que je continue à lui donner des conseils. Je suis frustré comme beaucoup de Sénégalais qui voyaient en lui une solution pour les problèmes du Sénégal. Je suis frustré, oui. Encore une fois, ce n’est pas parce que je suis un voyant, mais je vois le développement du Sénégal devant moi. C’est clair, net et limpide.
Mon rêve, c’est que dans dix, quinze ou vingt ans, des bateaux chargés de bauxite, pour ne parler que de ça, viennent décharger au port minéralier du Sénégal. Au lieu que nous soyons en train d’exporter, qu’on importe les minerais vers d’autres pays africains pour faire du pays un pôle économique conséquent. C’est cela que le gaz veut dire. C’est également cela que le pétrole veut dire.
Parlons du pétrole. Je vous ai dit que le véritable débat n’a pas encore été instauré. Le véritable débat, c’est quoi ? Que pouvons-nous faire du pétrole en dehors de la pompe à essence ? Les lunettes que je porte, c’est du pétrole, de même que la brosse à dents que vous utilisez ou le crayon que vos enfants utilisent. Et, c’est là où je vous ai dit que je vais créer à Potou, Petrópolis, la ville du pétrole avec un million d’emplois. Celui qui vous le dit, vous avez vu ce qu’il a fait en 45 ans. Actuellement, je suis en train de faire une ville nouvelle dans un pays que je ne nommerai pas.
Mais votre nom avait été cité dans l’affaire des Panamas Paper’s. Qu’êtes-vous allé faire dans un paradis fiscal si tant est que vous n’avez rien à vous reprocher ?
Mais il faut faire la différence entre les politiciens qui volent votre argent pour le mettre au Panama et des gens comme moi qui peuvent optimiser leurs avoirs, les mettre dans des paradis fiscaux pour rapatrier le maximum et faire travailler les sénégalais. Qu’est-ce qu’il y a de mal dans cela ? On fait toujours dans l’amalgame. C’est cela qui est mauvais. Le développement du Sénégal, c’est pour cela que j’ai sorti mon nouveau slogan : La révolution économique et industrielle du Sénégal. Et elle est possible. En tout cas, le démarrage de cette révolution, c’est dans cent jours. C’est pour cela également, que je lance demain (ce samedi, Ndlr), jour J moins 100 pour accéder au palais.
Qu’est-ce que vous allez faire concrètement durant ces 100 jours ?
Je vais sillonner le pays. Parce que, jusqu’à présent, je n’ai pas bougé de mon bureau et on a déjà tous les parrainages dont on a besoin. C’est cela qui est rassurant parce que les Sénégalais savent qui est qui. Je n’ai pas bougé de mon bureau, nous avons déjà le parrainage. Cela veut dire qu’au fond, ils parlent beaucoup, mais commencent à se réveiller. Je crois que, quand les gens du pouvoir ont fait le parrainage, ils pensaient bloquer les gens. Mais, c’est contre-productif. Parce qu’à cause du parrainage, des gens comme moi qui ne sont pas connus à l’intérieur du pays, vont profiter du parrainage pour porter leur parole à l’intérieur du pays. Et, c’est ce que je compte faire en commençant par Guédiawaye. Parce que, pour moi, la banlieue, on peut en faire quelque chose d’extraordinaire. Hier, il y avait un grand lutteur qui est venu me donner son soutien et qui est de la banlieue. Et je lui ai promis que la grande marche que je vais faire vers le palais, elle va partir de la banlieue en passant par les autres villes de l’intérieur du pays. On va faire tout le pays.
J’ai commencé par la diaspora. J’ai eu un accueil magnifique à Paris et je n’en revenais pas. Après Paris, je suis allé au Maroc où il y aura peut-être 8 000 inscrits. On m’a promis au moins cinq mille parrainages. Je suis venu de là-bas avec 2 000 parrainages dans mes bagages. Cela veut dire que les Sénégalais commencent à comprendre. Jusqu’à présent, on a fait de la politique politicienne. Et, il y a un architecte qui est ingénieur, qui a fait ses preuves et qui dit que lui, ce n’est pas un parti politique qu’il a mis en place. Il a créé une plateforme pour que les Sénégalais sérieux puissent venir pour que nous créions cet arc-en-ciel de compétences sénégalaises que j’appelle de tous mes vœux pour prendre les rênes de ce pays qui a été sous-traité à des étrangers. Je n’ai rien contre eux. Parce que 80 % de mon chiffre d’affaires, c’est à l’étranger. Mais on a sous-traité avec eux…
Prenez un exemple comme Air Sénégal. Vous voulez me dire que cinquante ans après Cheikh Fall, un enfant du Sénégal, qui a été le premier Directeur général d’Air Afrique, première compagnie aérienne de toute l’Afrique, on ne peut pas avoir un Sénégalais pour diriger Air Sénégal. Quand vous voyez ces incohérences, tu as envie de faire du fippu. Prenez notre aéroport Aibd. Le président Wade a atterri sur cet aéroport. Or, avec un aéroport, ce que vous ne voyez pas est plus important que ce que vous voyez. Cela veut dire que l’aéroport était terminé à 80 %. Il n’y avait que des enjoliver à mettre et des fauteuils. On prend une société étrangère, turque pour ne pas la nommer, pour faire des enjoliver et lui confier la gestion de l’aéroport pendant trente ans, c’est révoltant. Et, à ce qu’on me dit, les gens se plaignent à Aibd. Oui, les Turcs nous prennent pour des moins que rien. Il faut que ça s’arrête. Il faut que les Sénégalais se réveillent. Si jamais on me confie le pays, plus personne ne prendra une pirogue pour sortir du pays. Au contraire, les Européens prendront des bateaux pour venir chez nous. Actuellement, les Portugais font la queue devant l’ambassade d’Angola durant 4 à 6 mois pour avoir un visa. C’est ce qui va se passer avec le Sénégal si on nous le confie.
Pourtant le pouvoir a bâti la ville de Diamniadio…
Je ne vais pas critiquer des confrères. Je pense que la création d’une nouvelle ville est une excellente politique. Seulement, à mon avis, il faut la structurer autrement pour créer de la richesse qui se paye toute seule. Je pense que le schéma économique n’est pas le bon. C’est une bonne chose de créer des villes nouvelles et je n’ai pas de critiques majeures, sauf qu’on aurait dû structurer cela autrement. Pour faire les nouvelles villes, il faudra les faire autrement.
Comment structurer ?
Je vous donne une anecdote. Le président Macky Sall m’a amené au Qatar avec lui et au retour il a fait un Conseil ministériel, il m’avait laissé là-bas. A l’époque, on parlait du projet Lac Rose : comment réaliser la ville de Lac Rose. Je lui ai dit : «Monsieur le président, vous m’avez laissé la bas et j’ai deux nouvelles : une bonne et une mauvaise. On va commencer par la mauvaise nouvelle : les Qataris vous ne les verrez pas. La bonne nouvelle : c’est qu’on n’a pas besoin d’eux pour créer la ville». Je lui ai expliqué que quelqu’un qui avait acheté un terrain aux Almadies d’un hectare à 40 millions, il y a 40 ans, ce terrain a maintenant une valeur d’un milliard. Cela signifie que si vous prenez 1 000 hectares à Diamniadio ou à Lac Rose ou même à Kayar, vous dites aux Sénégalais d’investir, ils vont investir. Parce qu’ils savent que si vous y mettez un million, dans 20 ans, le million sera 100 millions qu’ils vont laisser à leurs progénitures. Al Sissi a développé son canal de Suez et il n’a pas pris un franc dehors. Il a fait appel à l’épargne publique égyptienne. En une semaine, il a eu 7 milliards de dollars. Si on est au pouvoir, on va demander aux Sénégalais que chacun mette quelque chose. Parce que par exemple, si chacun met un million de francs Cfa dans la nouvelle société Miferso, elle sera plus dynamique. Si vous mettez un million, votre enfant à la majorité aura 200 millions pour commencer sa vie. Il n’y a aucun risque car la montagne est là, le gaz sortira dans 4 ans. Cela veut dire quoi : organisons l’épargne des Sénégalais, y compris des Sénégalais de l’extérieur. En tant que président de la BRVM, j’ai envoyé le Directeur de la Bourse à New York avec la Banque de l’Habitat pour sortir les obligations de la Diaspora, pour que les gens qui envoient de l’argent continuent à le faire. Mais plus pour que ça ne serve qu’à des dépenses quotidiennes. Qu’ils puissent l’investir pour que dans quelques années, ils n’aient plus à envoyer de l’argent. Si on ne faisait la même chose pour nos ressources minières, naturelles et pétrolières, vous allez voir ce que vous allez voir.
En tant que président de la Brvm, pouvez-vous nous dire pourquoi les entreprises sénégalaises rechignent à se faire coter ?
La valeur vedette de la Bourse, c’est la Sonatel. Ce n’est seulement pas le Sénégal. La bourse, c’est la transparence et beaucoup de gouvernements ne veulent pas que certains fleurons dans lesquels ils peuvent traficoter soient cotés. Parce qu’une fois que c’est mis en bourse, on ne peut plus faire de combines. Nous avons commencé ce que j’ai souhaité dès le début de ma présidence : sortir le compartiment des petites et moyennes entreprises. Là également, les Pme hésitent à rentrer parce qu’elles ne connaissent pas le véritable fonctionnement de la bourse. Nous pensons que cela va venir.
Est-ce que ce n’est pas dû au fait que les entreprises sont familiales ?
Le problème, c’est cela. Les entreprises familiales devraient consolider leur pérennité pour que ça aille au-delà de la famille. C’est quelque chose de nouveau et de relativement compliqué. Les gens ne savent pas le fonctionnement de la bourse, mais petit à petit, ils vont le comprendre. Je me bats pour que nous puissions mettre le compartiment des Mines. Tout le mécanisme dont je vous parlais est un mécanisme boursier. Comment on fait pour que les Sénégalais puissent investir par exemple dans les mines en créant ce département des mines au sein de la bourse. On travaille à cela pour avoir le compartiment minier pour que les gens puissent investir à la bourse pour développer nos matières premières.
En tant que président de la Brvm, allez-vous donner l’exemple en faisant coter Atepa technologies ?
On voulait, on y a pensé, mais on préfère être dans le grand compartiment. Il en est de même pour quelqu’un que je ne nommerai pas, mon ami de la Sedima, Babacar Ngom. Tous les deux, on était tenté d’aller au compartiment des Pme, mais nos chiffres d’affaires sont assez importants et nous sommes en train de travailler pour que dans 2 ou 3 ans, nous puissions aller directement dans le grand compartiment. Il y a beaucoup de Pme qui gagneraient à aller tout de suite au compartiment. Parlant des Pme et de l’expérience internationale, c’est nous qui avons négocié et créé avec les Indiens ce qu’on a appelé le Time 9. Le Time 9, c’est huit pays africains dont le Sénégal qui l’a initié sous la présidence de Me Abdoulaye Wade. Nous avons initié ça et l’Inde nous a donné une ligne de crédit d’un milliard et demi de dollars. Je suis président, co-fondateur de l’Africa Indian Economic Foundation. Nous avons pu négocier avec le gouvernement indien, une ligne de crédit de 10 milliards de dollars pour que la cinquantaine de millions de Pme indiens puissent faire des transferts de technologie en Afrique. En Inde, il y a 50 millions de Pme et elles pourront venir, pas pour faire du dumping comme certains amis que je ne nommerai pas. Elles vont nous amener des usines modernes pour développer l’industrie sidérurgique. Un de mes jeunes frères qui sera sans doute un excellent président, parle de délocaliser certaines industries européennes pour les amener chez nous parce que l’Europe sera aux voitures électriques. Je dis non parce qu’il a tout faux. On a investi dans les minerais qui développent les batteries. Une fois que vous avez la batterie, vous avez 60 % de la voiture. Lorsque vous avez ça et les minerais de fer parce que le fer nous allons le transformer et que vous y ajoutiez l’aluminium de nos pays voisins, vous allez faire 100% de la voiture électrique ici au Sénégal. C’est cela la solution et nous allons exporter nos voitures propres vers l’Europe. Il ne faut pas que nous continuons à être la poubelle de l’Europe.
Dans votre coopération avec les Indiens vous annoncez la création d’une sucrerie avec ces derniers. Vous avez également annoncé une zone franche industrielle, où en êtes-vous avec ces projets ?
On ne m’a pas suivi. Parce que, comme vous le savez, sans l’accompagnement de l’Etat, ces choses-là ne sont pas possibles. Toutes les études sont faites. On avait même donné le nom. Cela fait 7 ou 8 ans, il y avait un monopole qui était très fort. On n’a pas voulu que je fasse mon sucre Tyson. On avait un groupe qui était disposé à le faire, mais cela n’a pas abouti. Sans la volonté politique d’un développement interne et sans la volonté politique de faire des Sénégalais les moteurs de l’économie, on n’y arrivera pas. En Mauritanie, toutes les banques sont contrôlées par des Mauritaniens. Ici, il n’y a que la banque Ouatarde qui est contrôlée par un Sénégalais. Je félicite Baba Diao au passage. Si vous n’avez pas ces leviers, vous ne pouvez rien faire. Cela fait également partie de notre programme de gouvernement : comment faire en sorte que l’économie sénégalaise soit tenue par des Sénégalais. Une économie qui dépend de l’extérieur, ça ne peut pas marcher.
A vous entendre parler, on a comme l’impression que vous voulez faire un mandat unique de 5 ans ?
Chez nous, c’est 5 – 5 – 5 – 5. Nous sommes pour un mandat unique de 5 ans parce que d’abord nous pensons qu’il faut former des plus jeunes que nous et les accompagner. Nous sommes là pour faire les fondations comme parle un bon architecte. Après les fondations, on laisse aux plus jeunes prendre les rênes. Nous allons faire 5 ans. Nous avons 5 grands projets. Le plus important, c’est de corriger les comportements parce qu’on ne reconnaît plus les Sénégalais. Il y a le cas de l’apprenti de car qui fait ses besoins en plein public. Il y a la transhumance. Ceux qui viennent chez nous ne serons jamais des transhumants parce qu’on n’est pas un parti politique. (A suivre)
Propos recueillis par Seyni DIOP et Georges Nesta DIOP (WalfQuotidien)