Sur la route qui longe la frontière jordanienne, difficile de rater l’entrée de Compost Or : dès le premier virage, les relents nauséabonds des boues d’épuration recyclées dans l’usine vous sautent au nez. « Ici on transforme 100 % de la matière que l’on nous apporte pour en faire du compost ! » explique fièrement David Reiner, cofondateur de l’entreprise qu’il a créée en 2008 avec son collègue, Daniel Ungar. Avec 18 ouvriers qui se relaient 24h sur 24h, l’industrie est florissante. « On vient d’ouvrir un bureau à Tel Aviv. Daniel s’occupe de la paperasse tandis que moi je profite de ces beaux paysages ! » raconte David en désignant les collines désertiques alentours.
À l’entendre parler, le cofondateur de Compost Or Factory semble en effet considérer que l’état d’Israël s’étend de la Méditerranée à la Jordanie. Il ne semble donc pas trouver de problème à la présence d’usines israéliennes en Cisjordanie, une situation pourtant illégale selon le droit international comme le rappelle Adam Aloni.
« Les entreprises font donc ce qu’elles veulent, sans aucun contrôle »
Dans un rapport sorti en décembre 2017, il démontre en effet que 15 usines de traitements de déchets israéliennes sont situées en Cisjordanie, dont au moins quatre traitent des produits nocifs et dangereux. « Le droit international est très clair. Un était souverain ne peut transférer ses déchets que vers un autre état souverain. Or, ce n’est pas le cas des Territoires occupés », explique ce membre de l’ONG israélienne B’Tselem, bien connue pour ses dénonciations régulières de la colonisation.
« La loi environnementale israélienne ne s’applique pas en Cisjordanie. Les entreprises font donc ce qu’elles veulent, sans aucun contrôle. » Au moment de la parution de son rapport, Adam Aloni raconte avoir rendu visite à des chercheurs israéliens ainsi qu’au vice-ministre de l’Environnement palestinien. « Personne n’était au courant de la situation ! »
À Compost Or Factory, le balai des camions est incessant. Selon David Reiner, 40 000 tonnes de déchets y sont traitées chaque mois pour une production annuelle de près de 200 000 tonnes de compost. Selon le rapport de B’Tselem, 60 % des boues d’épuration produites en Israël sont recyclées, dont une majorité par Compost Or. « Il y a quelques années, la régulation des camions israéliens dans la West bank était plus contrôlée, maintenant les quotas n’existent plus », explique Adam Aloni qui souligne le danger potentiel de certaines de ces usines où les techniques de recyclage sont considérées comme dangereuses. « La plupart sont situées près de zones habitées, aussi bien par des colons que des Palestiniens. Ces usines représentent un risque potentiel pour leur santé. »
Ouest-france