A travers l’affaire Bamba FALL et Cie, le pouvoir est en train d’utiliser l’une de ses armes non conventionnelles pour casser l’opposition.
Abdoul MBAYE en tournée à l’intérieur du pays en est convaincu, tout comme il s’attend à ce que l’opposition ait encore à souffrir d’une manipulation de la justice. Dans l’entretien qu’il nous a accordé au cours de l’étape de Saint-Louis, le président de l’Act s’est également projeté sur les prochaines législatives, avant de tirer avec véhémence la sonnette d’alarme à propos des scandales liés à la gestion du pétrole et de jeter un regard très critique sur la manière dont Macky Sall dirige le pays.
L’opposition sénégalaise n’est pas sortie de l’auberge. L’ancien Premier ministre de Macky Sall en est convaincu, interpellé sur l’affaire Bamba Fall et Cie au cours de l’entretien exclusif qu’il nous a accordé avant-hier, à l’étape de Saint-Louis de sa tournée nationale. Pour le président de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail, comme le révèle cette affaire, «des armes non conventionnelles seront utilisées pour casser l’opposition. Il faut le dire, nous allons souffrir d’une probable manipulation de la justice». C’est en ce sens que l’affaire Bamba Fall et Cie est, à ses yeux, «triste pour notre démocratie». Elle résume «tout ce qu’on peut constater de façon générale, dans la manière choisie par le régime en place, par le parti au pouvoir et par ses alliés pour casser l’opposition pour être sûrs de se maintenir au pouvoir. C’est une réaction qu’on peut comprendre quand, en contact avec les populations, on constate à quel point leur politique est rejetée, à quel point les taux de croissance faramineux qui sont annoncés pour présenter le Sénégal comme un pays en émergence, font rire et même fâchent parce que totalement contraires au vécu réel des populations».
Abdoul Mbaye enchaîne ensuite avec cette boutade : «Heureusement qu’il y a, dans notre appareil judiciaire, des zones de non droit qui sont déjà identifiables». Mais, sa conviction est faite que, «pour l’essentiel, le droit se dira, le droit sera respecté. Toutes ces tentatives d’intimidation parfois, de recherche de condamnation pour éliminer des candidats que l’on peut imaginer comme dangereux pour les prochaines élections législatives ou présidentielle n’auront pas la suite escomptée». Le président de l’Act n’en appelle pas moins l’opposition à «la vigilance, la résistance, la protestation par les moyens de droit et par les moyens politiques».
Se projetant sur l’avenir avec les législatives qui pointent le bout de leur nez, l’un des principaux leaders de l’opposition dite radicale a d’abord tenu à apporter ces précisions à propos du cadre unitaire mis en place avec le Pds, Rewmi, And Jëf, etc. : «Le Front Wattu Senegal n’est pas une coalition, n’est pas une alliance pour aller aux législatives. Mankoo Wattu Senegal est un front de défense contre les excès et dérives du président Macky Sall et de ses alliés ; ça a été précisé au moment de sa mise en place. C’est un front de défense des libertés démocratiques, du processus électoral, des biens publics, contre les détournements, pour le respect des libertés publiques, des ressources naturelles de notre pays contre leur spoliation entre autres». Il convient, toutefois, qu’en direction des prochaines élections législatives, «bien évidemment, il y aura des recompositions de coalitions, il y aura le maintien de certaines qui existent déjà. Au sein de Mankoo Wattu Senegal, il y a des partis ou des groupes de partis qui peuvent se retrouver pour affronter, ensemble, ces prochaines joutes électorales».
«Il ne faut pas qu’on se laisse berner, amuser, distraire par un soi-disant Conseil d’orientation stratégique pour gérer les ressources futures du pétrole»
Interpellé sur la gestion des fonds générés par le gaz et le pétrole découverts au Sénégal qui lui tient à cœur, l’un des plus farouches opposants à la dynastie Sall-Faye se veut clair : «Il y a déjà une mainmise sur une partie des permis, ça c’est une réalité. Il ne faut pas cacher le dossier Aliou Sall et Franck Timis». Le constat fait, il ne baisse pas pour autant les bras. Pour lui, «il faut d’abord restaurer le Sénégal et les Sénégalais dans leurs droits. Il ne faut pas qu’on se laisse berner, amuser, distraire par un soi-disant Conseil d’orientation stratégique pour gérer les ressources futures du pétrole. Il y a déjà un passé qui est d’une extrême gravité et il faut qu’on réussisse, nous Sénégalais, à reprendre ce qui nous appartient», martèle-t-il.
Le premier Premier ministre de l’ère Macky Sall plaide pour que toute la lumière du passif pétrolier du pays soit faite. Et, dans ce cadre, «il est hors de question qu’au moins 30 % des permis les plus prometteurs, ceux de Kayar et de Saint-Louis Offshore, restent entre les mains de M. Franck Timis et de ceux qui sont avec lui». Pour Abdoul Mbaye, «il est extrêmement grave que, déjà, ces 30 % aient donné lieu à une cession à concurrence de 5 % dans le cadre d’un remodelage de l’actionnariat à la faveur de l’entrée de la société Shell. Et nous insistons là-dessus à chaque fois que nous sommes en contact avec les populations du Sénégal : Peut-être peut-on accepter que la société qui engage son argent, qui apporte sa compétence puisse détenir les 60 %. Il reste, à partir de ce moment, 40 %. Comment peut-on concevoir que sur ces 40 %, 10 % soient partagés entre 15 millions de Sénégalais et que les 30 %, soit 3 fois plus, soient entre les mains d’un monsieur comme Franck Timis et ses alliés ou acolytes. C’est inacceptable. Le Sénégal doit retrouver ses 40 %». Pour autant, d’après le président de l’Act, il ne faut pas se limiter à mettre «l’accent sur ces deux permis», car «il y a d’autres permis. Il faudra qu’on y revienne». En attendant, martèle-t-il, «ces scandales doivent être arrêtés et les droits des Sénégalais restaurés». Et ce n’est pas tout puisque, soutient-il, «ceux qui ont permis cela doivent faire l’objet d’enquêtes judiciaires, administratives et qu’ils demandent pardon au peuple sénégalais».
Revenant sur sa tournée nationale qui l’a déjà mené à Kédougou, Tamba, Casamance, puis à Saint-Louis, le président de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail, n’a pas été tendre avec le pouvoir de Macky Sall. Ce qu’il peut retenir comme enseignement de cette tournée, c’est d’abord le constat fait sur le terrain selon lequel «le peuple du Sénégal est déçu par la tournure prise par les ruptures qui avaient été annoncées et qui ne sont plus visibles nulle part même s’il y avait eu un bon départ». Pour Abdoul Mbaye, en fait, «les ruptures se sont essoufflées. Partout où nous sommes passés, tout le monde regrette les choix qui ont été faits en 2012 en raison de ce qu’on peut presque considérer comme une trahison d’idéaux auxquels on a pu croire», a-t-il martelé.
La déception est grande, certes, chez les populations, mais l’espoir est toujours de mise. En ce sens, le deuxième constat fait par l’ancien Premier ministre, «c’est que l’offre politique proposée par l’Act est une offre qui plait, une offre acceptée et qui mobilise». Et il s’en réjouit, comme il s’est félicité, dans la foulée, des pas de géant franchis par l’Act dans sa phase de massification : «L’Alliance pour la citoyenneté et le travail est un parti jeune, qui n’a été mis en activité qu’à compter du mois de mai dernier. Et nous sommes surpris par la rapidité avec laquelle la massification que nous avons engagée, est en cours».
Gabriel BARBIER (Correspondance)