Pour éradiquer le fléau des crimes de sang en cascade notés ces derniers temps, avec plus dix cas en un mois, des Sénégalais réclament le rétablissement de la peine de mort, abolie depuis 2004 par le régime de Wade. Mais les abolitionnistes disent non et proposent d’autres alternatives.
La station d’essence de Ngor est prise d’assaut par les véhicules, en cette matinée du lundi 21 novembre 2016. Il est un peu après 10 heures. Une légère fraîcheur souffle sur les visages. Malgré ce beau temps, la pollution sonore est créée par les vrombissements et les klaxons des taxis, des véhicules de transport en commun et de quelques particuliers. Non loin, une gargote est installée. Des clients discutent de l’actualité qui est sur toutes les lèvres : les nombreux crimes de sang enregistrés ces derniers temps. Le dernier cas, c’est la mort de Fatoumata Mactar Ndiaye, vice-présidente du Conseil économique, social et environnemental, survenue samedi dernier. Difficile d’avoir un interlocuteur. La première tentative avec un jeune homme rencontré à l’arrêt bus échoue. Coup de chance : la seconde sera la bonne. Alioune Jupiter Guèye, 40 ans, dresseur de chien, se pointe. Après un briefing, il accepte de parler. «Il est temps de réactiver la peine de mort. Pour des raisons futiles, on se permet de tuer une personne. C’est déplorable et cela inquiète tout le monde. La mort est très récurrente dans notre pays. Les autorités doivent faire preuve de vigilance pour rassurer les citoyens face à l’insécurité qui sévit au Sénégal», propose-t-il. A 500 mètres se trouve un restaurant rempli de personnes qui prennent le petit-déjeuner. Là-bas aussi, c’est le même constat. Ils discutent de l’évènement tragique survenu au quartier Khourounar de Pikine. Ici, les partisans du retour de la peine de mort pullulent. Mais certaines personnes interrogées n’acceptent pas de parler, à visage découvert. Seule la restauratrice, Ndèye Ndour, se lance : «C’est seulement la peine de mort qui pourra freiner ces cas de meurtre. Comme l’a bien prescrit l’Islam et les autres religions révélées. Celui qui tue une personne doit être tué car les Sénégalais ont peur de la mort», avance-t- elle.
Retirée depuis 2004 par le régime de Wade, la peine de mort est aujourd’hui réclamée par beaucoup de Sénégalais, à cause des séries tragiques que les populations ont dû faire face, ces derniers temps. Cap sur Liberté 6 où une ambiance très rythmée bat son plein dans les grand-places. Les va-et-vient des personnes animent les lieux. Trouvé à l’ombre d’un arbre, Cheikh Ahmadou Bamba Diakhaté, 42 ans, accuse les défenseurs des droits humains de faire obstacle au retour de la peine capitale. Selon lui, il est trop facile de prendre la défense d’un tueur. «Les personnes qui luttent pour les droits de l’homme ne plaident que pour leurs propres intérêts. Ils vivent sur le dos des citoyens. J’espère qu’ils ont leurs propres droits. L’Assemblée nationale doit revoir les textes et voter la peine de mort», confie-t-il.
Cependant, il existe un camp opposé à celui des partisans de la peine de mort. Pour eux, la loi du talion ne peut pas résoudre le problème de l’insécurité qui sévit partout dans le pays. Il va falloir, à les en croire, revoir les politiques de sécurité et d’emploi du Sénégal. «Ces problèmes sont liés au manque de travail et de sécurité. La peine de mort importe peu. Quand l’emploi et la sécurité seront assurés, on n’assisterait plus à ces genres de problèmes. Même si on active la peine de mort et que les jeunes ne retrouvent pas de travail et l’insécurité persiste, ça revient au pareil», s’indigne Sadibou Ciss, vendeur de gaz. Pour cet autre coursier du nom d’Amadou, «réactiver la peine de mort n’a aucun sens». «Les autorités doivent mettre en place une sécurité digne de son nom. Mais au Sénégal, tout est politisé et c’est dommage», recommande-t-il.
Walf Quotidien
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