Par où est-ce que Yaya Jammeh tient Macky Sall ? Cette question, ils sont nombreux à se la poser au vu du mutisme quasi religieux des autorités sénégalaises face aux dérives et dérapages du leader gambien. Même la mort de l’opposant Solo Sandeng et l’arrestation des trois agents du ministère de l’Environnement ne feront sortir le régime de Macky Sall de son silence assourdissant.
Après l’Onu et les Etats-Unis qui ont appelé le président gambien à cesser les violences et à libérer les manifestants interpellés par sa police, certains esprits se sont attendus à un communiqué de l’Etat du Sénégal allant dans le même sens. Cette attente, jusque-là, vaine risque de ne jamais se réaliser. D’autant plus que les remontrances des Américains ont été très mal accueillies par l’homme fort de Banjul qui n’a pas hésité à débiter des énormités. «Vous pensez que nous laisserons notre sécurité à des chiens», a réagi le président gambien à travers le quotidien public The Daily Observer. Et, visiblement, c’est ce Yaya Jammeh belliqueux que les autorités sénégalaises évitent de froisser. Car, si les autorités sénégalaises ne sont pas frileuses, alors comment comprendre que le Sénégal, sur bien des provocations du régime gambien, se montre aussi inerte qu’impuissant, se refusant même d’appeler au calme au paroxysme de la répression des soldats de Jammeh contre la population. Même pour ses fonctionnaires arrêtés dans l’exercice de leur fonction, le Sénégal a longtemps observé, agissant en sourdine, sans jamais élever une voix contestataire.
Pourtant, les récents événements survenus en Gambie ne sont pas les seuls à avoir souillé les relations entre les deux pays voisins, sans que le Sénégal sous le Président Sall, souvent dans la peau de la victime, ne s’en plaigne intelligiblement. En effet, ils sont nombreux à se remémorer l’exécution de Tabara Samb annoncée par Yaya Jammeh lui-même. Les voix qui auront beau dénoncé «cette barbarie», n’y feront rien. Le «Bilahi wallahi tallahi» de Jammeh avait fini par avoir raison de la dame qui passait à l’échafaud le 23 août 2012. «Si le Président Jammeh et les autorités sénégalaises exaucent mon vœu en me ramenant ce qui reste de ma fille, je serai enfin soulagée, car lorsqu’on perd un être cher dans ces circonstances, on se pose mille et une questions. On se demande souvent si la personne est réellement morte», avait soutenu la mère de la défunte qui réclamait vainement le corps de sa fille. Dans sa quête, le gouvernement du Sénégal ne lui a été d’aucun soutien. Après cette série d’exécutions qui n’a apparemment pas ému les autorités sénégalaises, la Gambie de Yaya Jammeh avait poussé un peu plus loin en décidant de changer les normes qui régissaient, jusque-là, la traversée par le ferry. En effet, pour rééquilibrer son Dalasi moribond, l’Etat gambien ne comptait visiblement que sur le Cfa des Sénégalais. Malgré plusieurs mois de blocus imposés par les transporteurs sénégalais, le régime de Macky Sall va rester muet comme une carpe sur la question. Plus grave, le gouvernement du Sénégal qui refuse de communiquer sur le sujet va implicitement encourager les transporteurs à maintenir le blocus, espérant qu’un étouffement de la Gambie mette son président sur «le droit chemin». Que faisait Aminata Touré, envoyée spéciale du chef de l’Etat, au dernier congrès du Syndicat des travailleurs des transports routiers du Sénégal ?
Pour expliquer cette posture du Sénégal vis-à-vis d’un voisin encombrant et belliqueux, certains n’ont pas hésité à théoriser la stratégie de la prudence d’un président assez préoccupé par la crise casamançaise pour ne pas indisposer Jammeh qui y joue un rôle de premier plan. D’autres, par contre, trouvent que le Sénégal n’a pas à se mêler des problèmes intérieurs d’un pays indépendant au risque d’exposer ses ressortissants à des représailles. Seulement, le président Macky Sall qui s’était emmêlé les pinceaux, en se rendant à Ouagadougou, en septembre 2015, au lendemain du coup d’Etat du général Diéndéré, peut-il se soustraire à cette lancinante équation, qui touche directement une grande partie de ses concitoyens?
Mame Birame WATHIE