Trois ans et demi se sont écoulés depuis que le Ndiambour a accueilli son Conseil des ministres décentralisé. Une rencontre à l’issue de laquelle 250 milliards lui avaient été promis. A quelques mois de son quatrième anniversaire, l’odeur de cette promesse ne se fait pas encore sentir.
20 décembre 2012. Après les étapes de Saint-Louis, Kaolack, Ziguinchor et Diourbel, Louga a le suprême privilège d’abriter une rencontre exceptionnelle : le Conseil des ministres décentralisé. Le gouvernement au complet, sous la conduite du Premier ministre d’alors, Abdoul Mbaye, installe son quartier général dans la capitale du Ndiambour. Les réunions se suivent. Les dossiers sont passés au scanner. Les ambitions sont déclinées. Au cours d’un conseil interministériel, les besoins sont évalués au détail et minutieusement quantifiés, leur coût fixé au franc près. Ils sont estimés à 250 milliards. Une pluie artificielle grandeur nature que le gouvernement promet de faire tomber sur la région. Pour ne pas heurter la sensibilité du protocole, c’est le communiqué du Conseil des ministres, présidé par Macky Sall lui-même, qui annonce la «bonne nouvelle».
Plus de trois ans après, difficile de se faire une idée claire d’un début d’exécution de cette promesse. L’homme de la rue en a les oreilles qui bourdonnent encore mais pas les yeux qui frétillent. Postier à la retraite, assis sous un arbre pour échapper à la canicule, journal à la main et cigarillo au bec, Mor (nom d’emprunt) ne paie pas de mine. Malgré les rigueurs d’une vie post-retraite pas dorée, il garde intacts son physique et sa bonne humeur. Lui, n’a constaté aucun changement dans sa vie de Goorgorlou depuis que cette pluie de milliards a été annoncée en grandes pompes. «Goorgorlou j’étais en 2012, Goorgorlu je suis en 2016», rit-il jaune dans un brouillard de fumée.
Un cran plus haut, on ne semble pas mieux loti en termes d’informations. Maire de Léona (30 kilomètres à l’ouest de Louga), Mamadou Bâ dit «Diam Yodi» attend encore, comme Saint-Thomas, de voir pour y croire. Le quai de pêche que sa localité devait recevoir dans le cadre de ce financement public à grande échelle peine à sortir de terre. «On n’a même pas encore posé la première pierre», regrette l’élu Apr. Bonnet couleur saumon en forme conique sur le chef, ensemble «trois pièces» style Macky, l’élu local garde en travers de la gorge la décision des autorités de faire contourner sa localité par la Route des Niayes.
Les administrations (décentralisée et déconcentrée) donnent leur langue au chat quand il s’agit de faire le point sur la mise en œuvre des mesures prises en Conseil des ministres en faveur de Louga. «C’est compliqué», soupire, mi ahuri, mi gêné, Cheikh Guèye, directeur de l’Agence régionale de développement (Ard). Très évasif, il évoque le désenclavement à travers les pistes rurales. Mais, le bras exécutif de l’Etat en matière de «territorialisation des politiques publiques» (concept à la mode dans le discours des gouvernants) ne peut dire ni où ni quand ces dites pistes ont été construites. Le chef du service régional de la planification, un démembrement du ministère de l’Economie, des Finances et du Plan, ne peut en dire davantage. Médoune Chimère Ndiaye constate seulement que «l’hydraulique avance». Tiens, combien de forages ont été construits depuis ce Conseil des ministres ? Manque de pot. Ndiaye ne peut avancer aucun chiffre. Pourtant, lors du Conseil des ministres tenu à Kaffrine, le Premier ministre avait annoncé 54 % de taux d’exécution dans la mise en œuvre des projets et programmes pour Louga. Les fonctionnaires qui ne savent pas la base de calcul du chef du gouvernement pour aboutir à ce chiffre ne le confirment ni ne l’infirment.
Ibrahima ANNE(Correspondance)