Missionnaire envoyé par le Commissariat général au pèlerinage, M. Sow révèle des choses jamais dites dans ce pèlerinage macabre. Il évoque le non-respect de la tranche horaire définie pour les pèlerins sénégalais, le bilan exhaustif et confirme les décharges de cadavres humains dans des fosses communes, entre autres.
Des révélations sur le drame de Mina. La réalité des faits dépasse de très loin les chiffres avancés çà et là au sujet du bilan macabre du pèlerinage 2015. Du moins si l’on en croit M. Sow, missionnaire originaire de Mbao et envoyé par le Commissariat général au pèlerinage. Selon lui, il existe d’autres victimes répertoriées, mais pas encore communiquées. Mieux, l’interlocuteur de Walf souligne que le décompte exhaustif a été effectué devant des colonels de l’Armée partis en même temps que la Commission chargée de l’organisation du Hajj. Un témoignage qui vient confirmer la thèse selon laquelle les autorités n’ont pas livré les vrais chiffres, par pure stratégie de communication.
«Nous avons, en tant que missionnaires, compté plusieurs pèlerins sénégalais décédés. Les décomptes ont été faits avec les membres de la Commission. Il faut donc s’attendre à un bilan plus lourd. Il faut que tous les vols retournent au pays pour que la réalité des chiffres soit découverte», renseigne M. Sow. Le missionnaire confirme, d’ailleurs, la réalité de cette scène montrant un bulldozer ramassant des cadavres pour ensuite les enterrer dans des fosses communes. «Plusieurs centaines de cadavres jonchaient les rues. Les gros engins procédaient à leur ramassage pour les déverser dans des trous géants creusés à cet effet. Les fosses communes sont bien une réalité, elles étaient le réceptacle de tous cadavres ramassés par les bulldozers», confirme l’interlocuteur de Walf.
- Sow revient aussi sur les circonstances ayant conduit à la bousculade meurtrière qui a coûté la vie à plusieurs de nos compatriotes partis effectuer le pèlerinage aux lieux saints de l’Islam. Selon lui, les pèlerins ont une part de responsabilité dans ce drame car certains d’entre eux n’ont pas respecté les tranches horaires définies par les autorités saoudiennes. «Certains pèlerins devaient partir effectuer la séance de lapidation à Mina entre onze heures et midi car les autres horaires étaient destinés à d’autres. Certains d’entre eux sont venus à l’aube, c’est-à-dire bien avant l’heure indiquée par les organisateurs du pèlerinage. Sur le chemin, ils ont rencontré d’autres vagues qui retournaient de Mina, ce qui a occasionné le drame», explique le missionnaire.
Au demeurant, le missionnaire pointe des failles dans l’organisation du pèlerinage et évoque la double responsabilité de l’Arabie Saoudite et de l’Etat du Sénégal. Mais à l’en croire, la plus grosse part revient aux Saoudiens. En effet, le drame de Mina expose l’Arabie Saoudite sous le feu des critiques qui fusent de toute part. Sa capacité à organiser le Hadji est mise en doute devant la recrudescence des accidents qui culminent avec morts d’hommes. Le constat est que malgré l’organisation du pèlerinage depuis plusieurs années, ce pays peine à assurer la sécurité des pèlerins. Les observateurs gardent encore en mémoire l’accident de 2006 où 362 pèlerins avaient perdu la vie à la suite d’une bousculade. Deux années auparavant, une autre situation similaire avait causé 251 morts. Les années 1990 ont été très meurtrières, notamment en 1990 où 1 426 décès ont été répertoriés lors d’une bousculade. S’en suivent les accidents de 1994 (270 victimes), 1997 (343 morts suite à un incendie qui a ravagé les tentes en toile) ainsi que les évènements de 1998 ayant causé des pertes humaines chiffrées à 118 fidèles.
Pape NDIAYE