Faisant feu de tout bois, ce qui n’a pas manqué de surprendre le monde fou présent à sa conférence de presse, Khalifa Sall s’est insurgé, hier, contre le projet d’amnistie en faveur de Sonko et Cie annoncé dans les médias. Autrement dit, c’est une prolongation de l’ex-duel au sommet de Yewwi askaan wi.
Ils ne s’affronteront pas à travers leurs candidatures interposées. Mais Khalifa Sall et Ousmane Sonko risquent de se «frotter» sur la voie menant à l’amnistie contre ce dernier. «J’ose espérer que ce n’est pas un complot contre notre démocratie et que les raisons avancées sont des raisons qui tiennent la route. Sinon, il y aura de quoi désespérer de nos dirigeants», a indiqué, hier, Khalifa Sall, lors d’une conférence de presse. De l’avis du leader de la coalition «Khalifaprésident», il n’y a pas de régime «plus liberticide» que le pouvoir de Macky Sall. «L’actuelle majorité a battu le record en termes d’emprisonnement de détenus politiques. C’est unique dans les annales de ce pays. Que ces détenus sachent que leurs sacrifices ne seront pas vains, ils ont lutté pour le pays, pour sa démocratie. Qu’ils sachent qu’ils sortiront bientôt de prison pas dans la compromission mais dans la lutte», a espéré l’ancien maire de Dakar, au sujet du projet de loi d’amnistie en faveur de Sonko et Cie.
Selon les informations du journal Le Quotidien, le président Macky Sall va présenter, mercredi, en Conseil des ministres un projet d’amnistie couvrant les émeutes de 2021 et de 2023. Cela, précise le journal, afin de préparer la voie au dialogue souhaité par le président.
Parlant de ce dialogue, Khalifa Sall souligne qu’il faut d’abord discuter de la pertinence du report avant d’entamer un quelconque dialogue avec le pouvoir. «Il faut d’abord lutter contre cette loi portant sur le report de l’élection présidentielle avant d’apprécier l’opportunité d’un dialogue», fait-il remarquer non sans se poser un chapelet de questions à propos de la Commission d’enquête instituée en vue de faire la lumière sur les accusations «de corruption, de collusion» portées à l’encontre de deux juges du Conseil constitutionnel. «Tout le monde savait que cette commission allait échouer dans sa mission. Au nom de la séparation des pouvoirs, les députés ne peuvent pas convoquer les magistrats», estime Khalifa Sall. «Ce n’était qu’un leurre, un prétexte pour reporter les élections. Qu’est-ce que la loi reportant les élections avait à voir avec cette commission d’enquête parlementaire sur des soupçons de corruption portées à l’encontre de deux juges du Conseil constitutionnel. Les députés n’ont pas ès-qualité à entendre un magistrat. Ils veulent se payer nos têtes, nous endormir mais la vérité est toute autre», renchérit-il avant de s’insurger contre la proposition de loi pour réformer le Conseil constitutionnel en vue d’en faire une Cour constitutionnelle.
Visiblement désarçonné pour cette proposition qu’il ne semble pas digérer, Khalifa Sall d’asséner ses vérités: «On se joue de nos institutions, de tout ce qui constitue la fondation de ces institutions. Les accusations à l’encontre du Conseil constitutionnel sont-elles fondées ou pas ? Pour le moment, on ignore la réponse». «Dans tous les cas, le Conseil doit continuer à faire son travail. Il doit connaître des recours et qu’on ne nous sorte surtout pas ‘’motif incompétence’’. La logique refusera de la cautionner parce qu’il n’aura aucun argument plausible. Parce que le Conseil constitutionnel a créé un précédent en 2016. Lors du référendum de cette année, le président voulait raccourcir son mandat. Dans ce sens, il avait écrit au Conseil constitutionnel pour avis. Dans sa décision, cette Cour avait indiqué que le mandat présidentiel en cours ne peut être diminué ni prorogé», a expliqué Khalifa Sall. Ce qu’il (le Conseil constitutionnel) avait dit en 2016, a-t-il poursuivi, c’est ce que nous attendons de lui en 2024. «Ils sont interpellés bien que les jurisprudences du Conseil sont violées par le Conseil constitutionnel lui-même», s’émeut-il.
Citant l’exemple des élections législatives de juin 2022 et d’autres rendez-vous électoraux épars, Khalifa Sall demande à la Cour d’agir avec constance, cohérence en permanence. «C’est dans cette posture que le Conseil va tirer sa force et qu’il sera respecté. En conséquence, nous avons espoir qu’il dira le droit cette fois-ci en rejetant tout bonnement la loi sur le report», prie-t-il avant d’inviter ses partisans à soutenir toutes les initiatives visant à lutter contre le report de la présidentielle et à participer à la marche silencieuse initiée par Aar sunu élections.
Ndèye Maguette SEYE