La prorogation du mandat des élus locaux ne sera pas sans conséquences sur les prochaines échéances électorales que sont les législatives de 2022 et la présidentielle de 2024. Et tout laisse croire que si les locales sont tenues en 2021. Le couplage des législatives et la présidentielle serait inévitable.
(Correspondance) – Des calculs politiciens, il ne peut pas en manquer dans cette troisième entorse au calendrier républicain. Le contraire aurait d’ailleurs été surprenant quand on sait qu’aucun des actes posés par le régime de la seconde alternance ne l’a été de façon fortuite. De la décision du Président Macky Sall de consulter le Conseil constitutionnel sur la faisabilité de sa promesse de réduire son premier mandat de sept à cinq ans à ce nouveau report des joutes locales en passant par les consultations référendaires, le parrainage, l’embastillement de Karim Wade et de Khalifa Sall, le premier et le second report de ces mêmes locales, rien a été gratuit. Et à ce titre, force est de reconnaître qu’en politique l’apériste en chef et tête de pont de la coalition Benno Bokk Yaakaar est loin d’être un manchot. Aussi serait-il hasardeux voire faire preuve de naïveté que de se limiter à une lecture superficielle et simpliste de ce projet de loi portant sur un troisième report des élections locales jusqu’en 2021. La date précise, qu’elle soit en janvier, mars ou octobre, importe peu puisqu’ils auront encore prorogé le mandat des élus locaux et se seront assurés un assez important espace de temps et de répit pour concocter un stratagème assez efficace pouvant permettre au Président Macky Sall de boucler son second mandat en toute sérénité.
Et vu sous ce rapport, toutes les considérations suscitées par ce dit projet de loi portant troisième prorogation du mandat des élus locaux, qu’il s’agisse du scandale Petro Tim qui implique le frère cadet du Président Macky Sall, Aliou Sall, candidat à sa propre succession à la mairie de Guédiawaye, le bilan peu reluisant des élus municipaux et départementaux issus de l’Apr et de la mouvance présidentielle, le marasme économique du moment avec son corollaire de chômage endémique des jeunes et de cherté accrue du coût de la vie, la récente affaire des faux billets de banque mettant en cause un député apériste, membre du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar, même si elles sont fondées, peuvent en réalité n’être que la partie visible de l’iceberg. L’arbre qui cache la forêt. Surtout qu’une prorogation d’un an voire un peu plus du mandat des élus locaux ne peut aucunement avoir une incidence quelconque, en termes de correction et de solution à tous ces manquements et dérives. En effet ce qu’il faut à Macky Sall et son équipe c’est un large espace de temps et de sérénité qui leur permettrait d’avoir les coudées franches pour non seulement trouver solution à ce qui peut l’être mais aussi boucler ce «dernier» quinquennat en toute quiétude.
Pour simplement dire que ce projet de loi prorogeant le mandat des élus locaux pourrait être le premier acte d’une stratégie politique des plus osées savamment concoctée par le régime en place. Laquelle stratégie consistera à des entorses au calendrier républicain devant permettre au Président Macky Sall un règne sans partage durant le reste de son magistère à la tête de la nation. Car, en effet, si la loi de report arrivait à être promulguée et que les élections locales se tiennent le 21 mars 2021, la question de la possibilité d’organiser d’autres joutes électorales en moins d’un an va inexorablement se poser puisque les législatives sont prévues pour 2022. Le Sénégal dispose-t-il d’assez de temps matériel et de moyens pouvant lui permettre d’organiser en une année des élections locales et législatives ? Aussi, il devient aisé d’imaginer qu’avec ce présent report, le pays va droit vers des couplages. Soit les locales seront couplées aux législatives, ce qui est peu probable, ou alors les législatives seront reportées pour être couplées à la présidentielle. Ce dernier cas de figure, si elle advenait, serait le mieux à même d’assurer au Président Macky Sall les coudées franches pour mener à bien ses projets mais aussi la latitude de pouvoir s’appuyer sur une majorité confortable qui lui éviterait une certaine cohabitation avec tous les risques que cela peut comporter. Car nul doute qu’une mise en minorité de la mouvance présidentielle tant au niveau des collectivités locales qu’à celui du parlement ne serait pas sans conséquences sur les deux dernières années de ce second et «dernier» mandat présidentielle de l’apériste en chef.
Sidy DIENG