La Banque mondiale a publié, hier, les résultats d’une étude sur l’environnement des affaires, notamment la concurrence déloyale. Selon ledit rapport, des contrôles de prix extensifs peuvent, à moyen terme, conduire à des inefficacités et décourager l’augmentation de la productivité ou affecter la qualité des produits fournis. Pis, ces contraintes structurelles compromettent l’efficacité de l’investissement et la croissance soutenue du pays.
Depuis quelques années, le secteur privé national se plaint d’être écarté des gros marchés de l’Etat mais aussi de la concurrence déloyale qui règne autour de cette commande publique. Et jusqu’ici aucune mesure n’a été prise pour l’impliquer dans l’exécution de certains projets publics. Hier, la Banque mondiale a rendu public son rapport sur les marchés publics qui dénonce également la concurrence déloyale. En effet, selon l’institution de Bretton Woods, la présence des entreprises publiques sur des marchés par ailleurs contestables comme par exemple la production d’engrais, la transformation de l’arachide et dans les secteurs des réseaux, associée à une réglementation de l’Etat restrictive, semble entraver l’entrée du secteur privé dans les marchés. Le document révèle qu’au moins une entreprise publique est présente dans 13 secteurs. D’ailleurs, elle soutient que malgré les récentes tendances positives, la croissance de l’agriculture a été lente et volatile, et les gains de productivité se sont raréfiés, malgré le potentiel élevé du secteur et sa part importante d’emplois. De plus, elle relève que le pays ne tire pas pleinement parti des infrastructures existantes. «Même si cela correspond à la moyenne de l’Ocde, il peut s’avérer utile de reconsidérer l’implication directe de l’État à travers les sociétés nationales sur plusieurs marchés sénégalais. La transformation de l’arachide ou la production d’engrais, par exemple, font intervenir des acteurs du secteur privé et sont traditionnellement des activités économiques qui peuvent être mieux conduites par le secteur privé que par les sociétés nationales. La neutralité concurrentielle sur ces marchés est donc cruciale pour ces chaînes de valeur», a relevé la Banque mondiale.
Eliminer les contraintes à la concurrence
Poursuivant, l’institution financière internationale fait remarquer que l’Etat intervient dans l’économie par la réglementation des prix au consommateur finaux. A en croire les économistes de la Banque mondiale, même si les Etats visent différents objectifs en contrôlant les prix, comme protéger les consommateurs contre les hausses de prix ou protéger les revenus des petits producteurs, l’administration des prix peut fausser les marchés multi-acteurs, en facilitant par exemple les ententes secrètes ou en réduisant les motivations à investir. «Au Sénégal, l’Etat réglemente les prix d’au moins 15 biens et services, notamment le riz et le pain, d’autres produits alimentaires comme l’huile de soja, le sucre et la farine de blé, les intrants agricoles comme les engrais, les semences et les machines, l’électricité, le gaz (où les secteurs présentent des caractéristiques de monopole naturel) et une variété d’autres produits, y compris le fret, les carburants et les produits pharmaceutiques», souligne le rapport. Non sans préciser que la méthodologie de sélection de ces produits et d’établissement ou d’évaluation du niveau des prix n’est pas claire. Car, explique-t-on, les prix sont fixés par une commission composée de représentants de différents ministères, de producteurs, d’associations du secteur privé et d’associations de consommateurs. Ainsi, la Banque mondiale dénonce le fait que les commissions régionales du ministère du Commerce soient chargées de surveiller ces prix. «Par exemple, dans le transport de fret, l’Etat fournit et surveille les fourchettes de prix et fixe des plafonds de prix de détail pour l’essence et le mazout. A moyen terme, des contrôles de prix extensifs peuvent conduire à des inefficacités et décourager l’augmentation de la productivité ou affecter la qualité des produits fournis», renseigne le document.
Face à ses nombreux manquements dans l’environnement des affaires, la Banque mondiale assure qu’une politique de la concurrence plus efficace renforcerait la capacité du Sénégal à lutter contre les comportements anticoncurrentiels et promouvoir des politiques favorables à la concurrence.
Comme recommandation, la Banque mondiale est convaincue que la recherche de solutions pour éliminer les contraintes à la concurrence peut avoir un impact positif. Cela, non seulement sur la diversification économique et la croissance, mais aussi sur la réduction de la pauvreté. Pour elle, l’élimination des contraintes à la concurrence sur les marchés est non seulement importante pour le développement du secteur privé, mais également pour les ménages au Sénégal.
Adama COULIBALY