CHRONIQUE DE WATHIE
Pourquoi parler d’Ahmed qui refuse d’être « kilifa », si Macky SALL qui a la clef du trésor public s’y rend un dimanche ? Si le mépris est la meilleure réponse à celui qui ne représente rien, pour le chef de l’Etat qui trimbale le nom et la signature du Sénégal, toute notre attention. Et, cette semaine, comme à l’accoutumée, il a enfariné tout le monde en empruntant l’autoroute « Ila Touba » à son retour d’escapade parisienne.
Le président SALL a enlevé de la bouche des opposants un argument de taille : les caisses de l’Etat sont vides. Il est revenu de Paris avec une nouvelle dose de sédatif à inoculer à ceux-là qui se sont dernièrement acharné à mettre en exergue un Etat en faillite incapable d’honorer ses engagements. Pas seulement ! Les milliards fictifs, brandis par les investisseurs, incitent également les tenants du pouvoir à couvrir Macky SALL du manteau de la crédibilité qu’il s’est lui-même choisi. « Je remercie la communauté internationale pour sa confiance ; le Sénégal sera digne de cette confiance », a déclaré le président de la République exultant. Libre à celui qui veut croire que ces investisseurs sont « la communauté internationale ». Mais, dans son opération de charme, visant, non pas les bailleurs mais ses concitoyens, Macky SALLL se garde bien d’indiquer qu’avec les quantités de pétrole et de gaz annoncées, même Al Capone à la tête du Sénégal parviendrait à convaincre ces investisseurs qui ne perdent rien en promettant. Même à un régime pouvant changer dans moins de trois mois. Avec la gouvernance de Macky SALL, on se donne beaucoup de peine à couvrir la réalité en consacrant des moyens presque infinis à la propagande qui n’est plus l’apanage de la presse publique. Le tintamarre de 2014, quand la presse indiquait qu’il avait vidé «la banque de Chine », a été suivi d’une dèche nationale et d’une ébullition du front social matérialisé par de nombreuses grèves dans presque tous les secteurs. Mais, cela ne les a pas empêché de ressortir les tams-tams. Ce sont surtout les Sénégalais qui risquent de souffrir de courbatures et de cervicalgies à force de scruter le ciel attendant les milliards de Macky SALL. Pour ceux d’entre eux qui croient encore en sa parole. Car, si le leader de l’APR se targue d’une confiance que lui accorderaient les bailleurs, au Sénégal, il ne peut en dire autant avec ses compatriotes à qui il habitue aux tours de passe-passe. Sa propagande aussi sophistiquée soit-elle, ne résiste guère au train-train quotidien des Sénégalais qui finissent toujours par le rattraper en retard mais assurément. Le dernier exemple, l’autoroute « Ila Touba ».
Le Khallife général des mourides a sans doute flairé le coup en évitant de couper le ruban d’inauguration. Macky SALL adepte des inaugurations suivies de travaux s’est chargé lui-même de le faire. Et comme avec le pont dit de l’émergence, les ouvriers ont enlevé le reste du ruban coupé la veille pour reprendre le travail. Mais, dans cette affaire, ce n’est pas seulement le fait d’avoir déplacé Serigne Mountakha MBACKE pour inaugurer une autoroute non fonctionnelle qui est à déplorer. Macky SALL embarque la communauté mouride dans un projet aussi couteux que non prioritaire pour des raisons politiciennes. Pourquoi se gargariser d’un projet dont le montage financier est dans les cordes d’un soldat de première classe? La vison de Macky SALL est d’une simplicité frôlant l’inculture. Pour lui, le Sénégal est un vaste terrain désert ouvert à celui qui a des bulldozers et autres Caterpillar. Des contrats comme celui de l’autoroute « Ila Touba », la China Eximbank, une banque publique, en raffole. La Chine vient avec son matériel chinois et ses ouvriers chinois construit l’autoroute et arrête la facture à 416 milliards F CFA. Le Sénégal, qui a 35 ans pour rembourser l’intégralité de cette somme déraisonnable, fait appel à un exploitant comme Eiffage qui rentabilise l’infrastructure en faisant chèrement payer les Sénégalais. Pour toutes ces autoroutes à péage, c’est le même modus operandi. Le constructeur exploite, ou est aidé dans l’exploitation, jusqu’à reprendre dix fois plus que ce qu’il a investi. Pis, pour les immeubles de Diamniadio, qui constituent la « cité ministérielle », des investisseurs érigent Les bâtiments que l’Etat est tenu par la suite de louer jusqu’à ce que ceux-ci retrouvent les sommes dépensées. Dans ces opérations, tout ce qui importe à Macky SALL c’est que les Sénégalais voient des bâtiments sortir de terre. En plus de multiplier par zéro l’autonomie du Sénégal, il renforce sa dépendance vis-à-vis de l’étranger. Et pourtant, ce n’est pas sur le terrain des infrastructures qu’il était attendu.
« Ma première mission n’est pas de construire des routes, autoroutes et ponts, mais de reconstruire l’Etat de droit. Or l’Etat de droit, on va l’apprécier de façon immatérielle. L’Etat de droit, ce sont des valeurs, des principes ; c’est l’égalité des citoyens devant la loi, la lutte farouche contre la corruption (…) L’assainissement de l’environnement des affaires et la lutte contre la corruption et la concussion me tiennent particulièrement à cœur ». C’est ce qui disait le leader de l’APR nouvellement élu à la tête de l’Etat. La suite est connue. Le gouvernement ne s’est jamais limité à 25 membres. Les transhumants sont plus que jamais actifs . Les jeunes attendent encore de voir les 500 mille emplois. Il a fait sept ans au lieu de cinq. Sa grande famille est au cœur du pouvoir. Plus grave, nullement contraint, Macky SALL n’a amorcé aucune réforme d’envergure. La charte de gouvernance issue des Assises nationales qu’il avait pourtant parafée, ne voit pas un début de matérialisation. « Non-cumul des fonctions de président de la République et de chef de parti ; dépolitisation du ministère de l’Intérieur ; passage du régime présidentiel au régime parlementaire », rien de tout cela n’est effectif. Au contraire, Macky SALL est toujours le chef incontesté de son parti ; Seydou GUEYE est porte-parole du gouvernement et de l’APR, Mbaye NDIAYE a eu comme remplaçants à la tête du ministère de l’Intérieur Abdoulaye Daouda DIALLO, Aly Ngouille NDIAYE, tous des maires « apéristes »…. La Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) qui a enterré les conclusions des Assises nationales a été aussi inhumée par Macky SALL.
C’est après avoir fait tout le contraire de ce qu’il avait dit qu’il se cherche maintenant un point d’appui en s’adossant à ces infrastructures qui n’appartiennent pas encore au Sénégal. Comme disait l’autre, « ay wakham diaroul door khalé » (sa parole ne vaut rien).
Mame Birame WATHIE