La capitale du mouridisme est devenue une plaque tournante de la vente de faux médicaments. Dans cette ville, les dépôts de ces produits prohibés poussent comme des champignons.
(Envoyé spécial) – Les faux médicaments ont de beaux jours devant eux à Touba. Et pour cause, le commerce illicite de ce produit est devenu presque une règle dans cette ville sainte. En effet, il est très difficile de faire deux pas sans voir une cantine remplie de médicaments de toutes sortes. Sur le long des deux artères du marché, des dépôts qui font office de pharmacie sont érigés. Et, ce, jusqu’au centre de santé de Serigne Mbacké Darou-Khoudoss. Comme pour la narguer, quatre fausses pharmacies font face à la structure sanitaire. Après s’être approvisionné, Maram Mbacké se dirige vers le centre de santé. Interpellée, elle dit ignorer que ce sont des faux médicaments qui sont vendus dans ces cantines. «J’avoue que je ne sais pas si ce sont des faux médicaments ou pas. A chaque fois qu’on me prescrit une ordonnance, je viens, ici, directement pour acheter les médicaments. Le gérant me donne parfois à crédit, je lui paie après. D’ailleurs, aujourd’hui, j’ai laissé mon téléphone portable avec lui comme garantie et il m’a donné tous les médicaments dont j’avais besoin», explique la dame, teint noir, habillée d’un tissu wax bleu foncé, un foulard bien noué sur la tête.
A quelques mètres de là, le vieux Mourtada tient une ordonnance à la main gauche. Tantôt, il jette un coup d’œil sur le papier, tantôt il tourne à gauche puis à droite, donnant l’air de quelqu’un qui est perdu. Pour lui, il n’y a pas de différence entre les médicaments vendus à l’intérieur de l’hôpital et ceux commercialisés dans ces cantines. Il soutient avoir un fournisseur spécial auprès de qui il s’approvisionne à chaque fois qu’il tombe malade. A la fin du mois, c’est son fils qui vit en France qui règle directement la facture avec le faux pharmacien.
Chez les vendeurs, c’est motus et bouche cousue. Personne n’a d’explication sur l’origine de ces médicaments, malgré notre insistance. «Le patron interdit de donner des détails sur le commerce», répondent-ils, invariablement.
Après quelques minutes de marche, nous voilà au Centre de santé de Darou Marnane. Ici, c’est le même constat. Juste devant la porte de l’établissement sanitaire, une cantine fait office de pharmacie. Ici, il est très difficile de distinguer les médicaments des autres produits. On y vend du tout. Bonbons, savons, mouchoirs à jeter et des bouteilles de perfusion cohabitent sous une poussière rougeâtre. Le gérant s’appelle Mohamet Sabaly. Il est originaire de Kolda. Il soutient avoir été engagé par une dame. Interpellé sur son cursus scolaire, il dit avoir quitté les bancs depuis des années et reconnait n’avoir aucune connaissance des médicaments qu’il vend. Il s’active dans ce commerce illicite depuis 2013.
Samba BARRY