Né à Rufisque où il a fait ses études primaires et secondaires, Omar Guèye, historien, spécialiste de l’histoire sociale du Sénégal, enseignant-chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, a consacré l’essentiel de ses travaux à la question du travail dans l’après-guerre en Afrique occidentale française.
Cinquante ans après Mai 68, l’historien qui a rendu visite aux journalistes de sa ville natale, reste catégorique. Selon lui, il n’y a pas photo entre les syndicalistes de Mai 68 et ceux des années 2000.
Spécialiste de l’Histoire contemporaine, Omar Guèye était l’hôte de la presse de Rufisque. Occasion saisie pour faire la comparaison entre le syndicalisme d’hier et celui d’aujourd’hui. Et c’est pour dire que ce n’est plus le même contexte. «Les enjeux ne sont plus les mêmes. L’état d’esprit des acteurs que sont l’Etat, le patronat et les travailleurs, non plus. Au-delà des rapports de force traditionnels, on assiste de plus en plus à une récurrence des tentatives de domestication du syndicalisme ou de subordination des syndicalistes. Malheureusement, on assiste de plus en plus à l’existence d’un syndicalisme alimentaire avec moins de conviction militante et plus d’opportunisme affairiste», dira le spécialiste en histoire moderne et contemporaine. Pour lui, les syndicalistes d’hier étaient d’abord des militants de la cause du travail, avec beaucoup de conviction. «Ceux d’aujourd’hui, pour la plupart, sont surtout des affairistes, qui se servent des syndicats comme lobby. Comme une vieille loi d’airain, les travailleurs, au contraire, sont toujours les laissés-pour-compte pris entre l’Etat, le patronat et leurs propres dirigeants», déclare Omar Guèye.
L’historien de jeter un regard sur le rétroviseur. Notamment, la contestation sociale qui secoua le monde, de Paris à Prague, et qui avait atteint l’Afrique en 1968. Si pour certains, les troubles sociaux et politiques du 19 avril 2018 et du 23 juin 2011 ne sont qu’une répétition de Mai 68 où plusieurs acteurs ont joué un rôle important, lui pense qu’il n’y a aucune ressemblance. Le professeur Omar Guèye fait partie de ceux qui réfutent cette similitude. Le spécialiste raconte que, 8 ans après notre indépendance, les étudiants de ce qui était, à l’époque, appelé université française de Dakar, déclenchent une profonde crise. «Le mouvement soutenu par des lycéens et les syndicats de travailleurs se transforme en une contestation du régime du Président Senghor. La rébellion des étudiants, animés par le désir de changer un enseignement qualifié de francophile et de néocolonialiste, puise dans le romantisme révolutionnaire inspiré de Cuba et du Vietnam et des mouvements de libération nationale d’Afrique», explique Omar Guèye.
Najib SAGNA