CHRONIQUE DE WATHIE
Le 20 mars 2016, le Peuple sénégalais était appelé à se prononcer sur une réforme constitutionnelle proposée par le président Macky SALL. Dans la plus grande cacophonie, les Sénégalais se rendirent aux urnes et approuvèrent à 62,7% les quinze points que le chef de l’Etat avait introduits. La charte fondamentale du Sénégal venait d’être modifiée avec le consentement de six Sénégalais sur dix. Compte non tenu du taux de participation de 38,26% qui ne devrait pas être valable pour avaliser une Constitution. Vingt-cinq mois plus tard, le même président de la République enclenche une procédure pour une nouvelle réforme constitutionnelle. Macky SALL le sait. Les modifications que les députés ont avalisées le 19 avril 2018 sont beaucoup plus importantes que les quinze points qu’il avait soumis au peuple au référendum. Il était, au départ, question de légitimer le reniement d’un politicien qui avait promis de faire un mandat de cinq ans au lieu de sept. A l’arrivée, Macky SALL jugea qu’il fallait, en plus de la question du mandat, apporter d’autres modifications à la Constitution. Lesquelles modifications, soit dit en passant, bien qu’approuvées par le Peuple, ne sont appliquées que partiellement.
Pourquoi lors du référendum du 20 mars 2016, le président SALL n’a pas introduit les modifications qui ont été adoptées, dans la controverse et l’affrontement, le 19 avril 2018 par les députés ? Pourquoi il a coupé la poire en deux ? Le parrainage pouvait-il suffisamment peser sur la balance pour faire basculer le vote des Sénégalais et lui faire perdre le référendum ? La réponse à cette dernière question semble d’une évidence si l’on prend en compte les efforts déployés par le régime pour pouvoir asseoir les arguments « favorables » au parrainage. Les quarante-sept listes qui étaient sur la ligne de départ aux dernières élections législatives ont été, pour l’essentiel, bénies par Macky SALL et son allié de l’opposition. Après avoir coupé les robinets, il est venu avec ses sachets d’eau de 50 F CFA. Il s’y ajoute, pour répondre aux autres questions, que le parrainage, qui fait partie du processus électoral, aurait pu, avant les législatives, réussir à réunir tous les opposants dans un même camp, comme c’est presque le cas maintenant. Si pour les législatives, il est préférable pour le camp du pouvoir d’avoir des adversaires en ordre dispersé, pour la présidentielle, plus ils se regroupent mieux c’est.
Et c’est là qu’intervient le rôle de l’opposition dans l’étourdissement du peuple. Car, Macky SALL qui convoque un référendum pour mettre des points et des virgules à la Constitution afin de faire sept ans avant de convoquer l’Assemblée nationale pour que ses députés lui référencent ses potentiels adversaires, n’est pas le seul à clignoter à gauche pour tourner à droite.
Les leaders qui se font plus visibles lors des meetings de l’opposition ne peuvent pas se targuer d’avoir farouchement combattu la loi sur le parrainage. Si le 23 juin 2011, les partis de l’opposition avaient mobilisé leurs militants pour faire face à Me WADE, le 19 avril ce sont quelques leaders qui se sont levés pour braver l’interdiction du préfet de Dakar. Et allez comprendre s’ils ne se sont pas livrés. La détermination affichée Moustapha NIASSE le 23 juin 2011 est loin d’être celle d’Idrissa SECK le 19 avril 2018. Certains diront que le leader de l’AFP, au crépuscule d’une carrière politique, jouait son va-tout et était prêt à mourir pour être appelé “président”. En tout état de cause, il a montré plus de ténacité. Seulement, le plus remarquable dans la posture de l’opposition, ce n’est pas le “doxantou” d’Idrissa SECK en costume. C’est bien l’attitude de Me Abdoulaye WADE. Comme lors du référendum, le leader du PDS s’est débrouillé pour se trouver ailleurs qu’au Sénégal. Et, pendant que la contestation enfle, Me WADE déclare, à travers un communiqué : « Je voudrais faire savoir que je ne parraine aucune candidature autre que celle du Parti démocratique sénégalais ». N’est-ce pas là une façon de dire qu’il est d’accord avec le parrainage ? Pourquoi ne pas l’assumer, discuter des modalités de son application et éviter au Sénégal une crise ? Mais là n’est la plus étourdissant.
Cheikh Bamba DIEYE, Idrissa SECK, dans une moindre mesure, Khalifa SALL, Malick GAKOU, tous, en compagnie de Macky SALL, Ousmane Tanor DIENG et Moustapha NIASSE, faisaient face à Me Abdoulaye WADE, Mamadou DIOP Decroix, Me Madické NIANG, dans une moindre mesure, Karim WADE et Cie. C’était en 2011. Les premiers refusaient que les autres modifient la Constitution, à huit mois de la présidentielle. Cinq ans plus tard, en 2016, Macky SALL, Ousmane Tanor DIENG et Moustapha NIASSE font face à Cheikh Bamba DIEYE, Idrissa SECK, Khalifa SALL, Malick GAKOU alliés de Me Abdoulaye WADE, Mamadou DIOP Decroix, Me Madické NIANG, Karim WADE etc. Les seconds refusent que les autres modifient la Constitution.
Des positions changeantes au gré des circonstances qui ont fini par donner le tournis au peuple qui le 19 avril a observé. Certains leaders de l’opposition ont cru qu’en décrétant la révolution, sur un plateau de télévision, les Sénégalais allaient se précipiter pour faire face aux forces de l’ordre. Tout comme, Macky SALL qui s’est tapé une soirée au rythme du « yeela » durant son séjour en France, croient que les forces de l’ordre peuvent arrêter un Peuple en révolte.
Par Mame Birame WATHIE