Se tamponnant d’une certaine déception, le ministre-chanteur Youssou Ndour a fait une sortie fracassante contre son allié Macky Sall.
«Très déçu» du compagnonnage avec celui-ci, l’artiste planétaire devrait très logiquement en tirer les conséquences en claquant la porte de la salle d’attente s’il ne veut pas donner raison aux thuriféraires du pouvoir qui l’attaquent déjà en le qualifiant de «maestro des maîtres-chanteur».
Déprimes de risques dans la majorité. C’est la panique à bord de ce navire au pouvoir. En effet, la dernière sortie du ministre-chanteur Youssou Ndour est symptomatique du malaise qui anime les souteneurs du Président Macky Sall. Lesquels ont certainement senti que l’embarcation est en train de couler et qu’il faudrait le quitter avant le naufrage. «Je suis très déçu. J’en profite pour dire que je ne suis l’animateur de personne, encore moins la marionnette de qui que ce soit», a-t-il déclaré dans l’émission Face to Face diffusée sur sa chaîne de télévision, hier. Une phrase choc que toutes les dépêches d’agences avaient déjà reprises et qui sème le doute dans la tête des alliés.
Si l’artiste planétaire en est arrivé à faire de telles déclarations, c’est sans doute parce qu’il a pris la mesure des choses. Ce qui est révélateur de la situation de la gouvernance du pays depuis 6 ans décriée maintenant par les têtes de pont de ce système. Et même si intellectuellement et politiquement il n’est pas un foudre de guerre, Youssou Ndour pourrait ainsi remonter sur son cheval et repartir flamberge au vent. Il ne lui resterait alors qu’une chose : démissionner. Sinon, le pays tout entier dira qu’il est inconséquent et qu’il chercherait à surenchérir en cette veille d’élection.
Mais son départ de ladite coalition fragiliserait davantage Benno Bokk Yaakaar dont le score ne cesse de s’effriter d’élection en élection depuis 2012, étant désormais sous la barre des 50 % à 49,48 %. Il viendrait, ainsi, gonfler les rangs de ces anciens collaborateurs de Macky Sall qui ont été eux aussi «déçus» par la tournure des choses comme Malick Gakou, Cheikh Bamba Dièye, Thierno Alassane Sall, Abdoul Mbaye… dans la cause du peuple.
Mais, s’il se décidait à franchir le rubicond, il lui faudra mettre de l’ordre dans ses affaires. Puisque le député Ousmane Sonko, inspecteur des Impôts radié de la Fonction publique par Macky Sall, il y a un an, l’a publiquement taxé de «délinquant fiscal» sans aucune suite. Et, à la guerre comme à la guerre, le pouvoir ne manquerait pas de lui trouver des casseroles pour mettre un terme à son concert.
A contrario, s’il ravale son vomi, comme son homonyme Youssou Touré, le mal sera déjà fait. Il aura démoralisé les troupes de la mouvance présidentielle et montré au commandant de bord que le navire tangue dangereusement.
Cette panique à bord du navire de Benno était prévisible au vu de la montée en puissance de l’opposant Idrissa Seck qui continue de faire le tour du pays au moment où le maire de la capitale, un autre opposant, est en attente de son verdict. Ce qui fait ricaner nos voisins. Car, dans un entretien avec le magazine Jeune Afrique, le Président mauritanien signalait à propos d’une question sur un de ses opposants souvent visible au Sénégal, son cousin Mouhamed Bouamatou, que, malgré tout ce qu’on lui prête, aucun opposant, chez lui, n’est emprisonné.
Aussitôt, après la diffusion de la bande-annonce de l’émission, reprise en boucle par les journaux et sites internet, on a assisté à un concert de désapprobations des thuriféraires du régime. Sur les ondes de la radio du même Youssou Ndour, le ministre des Affaires étrangères, Me Sidiki Kaba, a soutenu qu’«aucun Sénégalais n’est marionnette de personne». A l’inverse des intenses manœuvres du pouvoir pour désamorcer la bombe, ces répondeurs automatiques du Château ont failli radicaliser le ministre conseiller dont ils oublient sans doute qu’il a une voix audible sur l’international. Car, en 2011, lorsqu’il a eu une égratignure lors d’une manifestation, cela a fait le tour du monde et provoqué même la réaction de grandes puissances via des communiqués de presse pour s’indigner d’un tel acte. Macky Sall est averti.
Seyni DIOP