Hormis le Centre-ville où ils sont interdits d’accès par leurs maîtres coraniques, les talibés sont de retour dans toutes les grandes artères de Dakar.
Ils ont repris le «travail», puisque le programme de retrait est tombé à l’eau.
Voie de dégagement nord (VDN), entre la descente de l’échangeur de Sacré-Cœur et celui de l’Ecole normale. Le départ est fixé vers 8h du matin, mardi, pour plonger dans la vie de ces dizaines de talibés qui jalonnent le long de cet axe où passent 25 000 véhicules par jour et par sens. Si le Centre-ville est devenu un «piège» pour ces talibés et leurs maîtres, la VDN avec son affluence, s’est désormais transformée en terrain fertile à la mendicité.
A longueur de journées, des talibés, habillés en haillons, gamelle en main, prennent d’assaut cette grande artère de la capitale. Chaque journée naissante est synonyme de privations, de peurs et apporte de son lot de malheurs. Ces gamins profitent du bouchon qu’engendre le rond-point de la cité Keur Gorgui, par exemple, pour tendre la main.
En suivant discrètement ces talibés, déguenillés, on s’approche tout près du drame qui enveloppe le destin de ces jeunes innocents poussés dans cette spirale par des maîtres coraniques à la recherche de prébende et des parents démissionnaires.
«On a pas le droit d’aller au Centre-ville»
Mal habillé, Moussa Ba, âgé entre 8 et 10 ans, occupe la tête du peloton d’un groupe de 12 garçons. Il est astreint à un emploi du temps que son âge n’aurait dû jamais permettre. Mais il a un «versement quotidien» à assurer pour rester dans les bonnes grâces de son tuteur.
«On n’a pas le droit d’aller au Centre-ville. Le marabout nous a dit qu’on rafle les talibés là-bas. On se limite ici pour chercher 300 francs CFA de versement quotidien», explique le jeune Moussa.
Toujours est-il qu’à la question de savoir s’ils ont une fois été retirés de la rue dans une opération, personne n’a voulu s’étendre. Par contre, ils ont confirmé que leurs maîtres coraniques se sont repliés vers d’autres zones.
Crâne parsemé de petites plaies, Demba Sow, 12 ans, explique : «Notre ‘daara’ se trouve maintenant vers l’ancienne piste. C’est pourquoi on profite de l’affluence sur la VDN. Cela nous permet de facilement trouver notre versement».
Le repli vers d’autres zones : la nouvelle approche des maîtres coraniques
Partout dans les grandes artères de la Ville de Dakar, le constat est le même. Des groupes de deux à dix talibés, tournant la tête à gauche et à droite, dans l’attente du moment propice pour tendre la main. A la station Total Dior des Parcelles Assainies, au rond-point Liberté 6, sur les allées du Centenaire, au garage Petersen ou à Colobane, les enfants ont repris service à leurs lieux habituels.
D’ailleurs, à la station Dior, les pompistes n’en reviennent pas. Alors que les cars dans cet endroit déposent ou prennent des clients dans l’anarchie la plus totale, le lieu grouille pourtant d’enfants talibés. Souvent, c’est nous-mêmes qui les chassons. C’est des groupes de 10 à 15 enfants. Mais ils trouvent toujours le moyen de changer de position et d’endroit. On n’y peut rien et ça nous inquiète», nous lance un pompiste.
«Ici, à Ouakam, je vois encore des talibés chaque matin en train de mendier, devant la boutique de ‘La Brioche Dorée’, tout comme dans le marché et à l’entrée de Ouakam. J’ai l’impression qu’ils sont plus nombreux qu’avant», a constaté Momar Ndir, un jeune cadre interpellé à hauteur de l’Université de Dakar.
Une chose est sûre, depuis septembre 2017, c’est le grand retour des enfants dans la rue, puisque le programme de retrait est tombé à l’eau en mars 2017. Des maîtres coraniques véreux continuent d’envoyer des enfants dans les rues de la capitale à la recherche d’aumône. Et l’impuissance de l’Etat face au fléau est affligeante.
Vox Pop