CHRONIQUE DE SIDI
Abu Soufiann ne parvint pas à prolonger sa discussion avec le Messager. Ce dernier avait décidé de ne pas verser dans la polémique après que son interlocuteur a formellement nié la participation des Quraysh dans l’expédition des Bakr. Le pacte de paix qui liait les deux cités ne tenait plus et le Prophète (PSL), tout comme son hôte, le savait.
Les rapports de force avaient sensiblement changé et tourné désormais en faveur des musulmans qui avaient su mettre à profit les années de paix que le pacte leur avait permises pour se renforcer considérablement. A la dernière bataille entre les deux cités, les Mecquois avaient une avance à tous points de vue. En plus d’être quatre fois supérieurs, ils étaient plus équipés. Seulement, cela c’était avant la paix. Et Abu Soufiann semblait si bien s’en être bien imprégné. Quand il prit congé du Messager, il ne quitta pas de suite Médine. Il alla directement trouver Abu Bakr puis Oumar. Et, à chaque fois, le niet a été catégorique. «Tu veux que je prenne ta défense ? Si je ne trouvais rien que de la poussière pour te combattre, je te combattrais quand même», lui répondit Oumar qu’il tenait de persuader d’aller plaider la paix entre les deux cités auprès du Prophète (PSL). Arrivé chez Ali, cousin et gendre du Prophète (PSL), il changea de stratégie. « Je pense que les choses sont devenues trop difficiles pour moi, et je te demande conseil », déclara-t-il, évitant ainsi de solliciter une intervention auprès du Prophète (PSL). Ali ne l’éconduisit pas. Il lui conseilla même de déclarer la paix entre les gens et de repartir à la Mecque. Ce qu’Abu Soufiann fit sans tarder ; loin d’avoir rempli la mission pour laquelle il a été désigné. Quand il revint à La Mecque, les Quraysh se hâtèrent de lui demander s’il avait rapporté un document ou un pacte approuvé par le Prophète Mouhamed (PSL). Abu Soufiann répondit que non. Il les mit cependant au courant des conseils d’Ali qu’il avait suivis. A la place d’encouragement, c’est une volée de bois vert qu’il reçut. Son épouse était parmi les plus mécontentée par le fiasco de sa mission.
Du côté de Médine, le Prophète Mouhamed (PSL) avait attendu le départ d’Abu Soufiann pour entreprendre ce qu’il avait en tête. Seulement, ils étaient très peu nombreux à pouvoir se targuer d’être informés de ce qui se tramait. Certains parmi les plus proches compagnons du Prophète n’étaient pas informés. Il ne dira à Abu Bakr ce qu’il préparait qu’après de nombreuses questions de celui-ci. Il lui confirma qu’il comptait attaquer les Quraysh. Abu Bakr, qui semblait surpris, lui demanda ce qu’il comptait faire du pacte de paix que les deux camps avaient signé. Le Prophète Mouhamed (PSL) lui rétorqua que les Quraysh l’avaient eux-mêmes rompu. Et pour cela, ajouta-t-il, ils méritaient de payer. Leurs provocations n’avaient que trop duré. Et c’était l’occasion que Mouhamed (PSL) ne voulait pas rater pour définitivement solder les comptes.
Même s’il en a parlé à abu Bakr, le Prophète (PSL) commença ses préparatifs dans la plus grande discrétion. Même ses plus proches conseillers étaient tenus au secret. Il leur avait juste ordonné de se tenir prêts. En outre, un certain nombre de dispositions avaient été prises pour que nul n’entre ou ne sort de Médine, sans des raisons évidentes. Comme l’avaient presque réussi les Quraysh, le Prophète (PSL) voulait prendre ses ennemis par surprise.
C’est dans cette grande méfiance, que les Médinois terminèrent leurs préparatifs. Tout était au point. Le Prophète Mouhamed (PSL) avait réussi à mobiliser une gigantesque armée, la plus grande jamais mobilisée sous le commandement du Prophète. Une armée impressionnante qui fait diverger les exégètes qui l’estiment entre dix et douze mille soldats.
Le mois de ramadan avait débuté quand les musulmans se mirent en marche en direction de La Mecque. Et, c’est durant ce périple que le Prophète (PSL) fit comprendre aux musulmans qu’il n’avait pas l’obligation de jeuner en voyageant. En effet, arrivé à lieu appelé Asafaan, alors que le soleil était encore rayonnant, il demanda un gourde d’eau. Et, devant tout le monde, il but pour montrer exemple. Il en fut ainsi les jours suivants et ce, jusqu’à son arrivée à La Mecque.
Les musulmans étaient à quelques lieues de La Mecque. Et miraculeusement, les Quraysh n’étaient informés de rien. Pourtant, ce n’était pas faute d’avoir cherché. Depuis le massacre des Khuzaha, ils étaient sur le qui-vive et avaient déployé divers moyens pour savoir ce que le Messager préparait. L’échec de la mission d’Abu Soufiann les avait davantage convaincus que le Prophète Mouhamed (PSL) n’avait pas l’intention de croiser les bras après la tuerie de ses alliés et la violation du pacte de paix. Toutefois, malgré leurs démarches, ils n’en surent rien. Arrivé à un endroit appelé Marr az-Zahran, le Prophète (PSL) décida d’y établir un camp. Sa stratégie avait plus que marché. Ils étaient parvenus aux portes de La Mecque sans être vus. Cette première bataille remportée, le Messager prit le parti d’engager la seconde : celle psychologie. Ainsi, alors que la nuit venait de tomber, il demanda à tous les soldats d’allumer chacun un feu. La vallée s’embrasa laissant paraître un gigantesque feu visible des lieues à la ronde. Par ce moyen, il voulait intimider les Quraysh et les forcer jeter les armes sans engager une guerre pouvant faire des milliers de victimes dans une cité aussi sacrée que La Mecque.
Abu Soufiann qui ne se tenait plus tranquille dans son domicile décida de sortir pour s’imprégner de ce qui se passait. Par un pur hasard, il tomba nez à nez sur Al-‘Abbâs, l’oncle du Prophète. Ce dernier lui expliqua en détails ce qui se tramait et lui annonça la fin de la tribu des Quraysh s’il ne tentait pas de négocier avec le Prophète (PSL). Abu Soufiann négocia la sécurisation de sa tête. Conduit dans le camp des musulmans, il finit, après des moments de tergiversation, par se convertir à l’Islam. Ainsi, le chef des Quraysh, celui qui avait conduit les troupes mecquoises à la bataille de Uhud, devint musulman. Abu Soufiann eut alors la responsabilité de jouer de toute son influence pour inciter les Mecquois à éviter une guerre qui pouvait leur être fatale. Pour y parvenir Al-Abbâs convainquit son neveu de lui accorder un saufconduit. Plus encore, le Prophète (PSL) décréta que « quiconque entrera chez Abu Soufiann sera en sécurité». Malgré cette faveur qui lui fut accordée, Abu Soufiann eut beaucoup de peine à convaincre les siens. Son épouse était toujours aussi radicale et n’hésita pas à le désavouer publiquement.
Pendant ce temps, le Prophète (PSL) qui n’avait pas attendu l’accord de reddition des Quraysh, engageait ses troupes à l’intérieur de la cité. Il les divisa en quatre groupes chacun pénétrant à La Mecque à partir d’un côté. C’est la conquête de La Mecque.
A lire chaque vendredi
Par Sidi Lamine NIASS
Chronique précédente, cliquez ICI