Les impactés des 10 mille ha de terre octroyés au groupe industriel marocain, Afri Partners, par les maires de Dodel et de Démette, ont décidé d’intensifier leur lutte.
Parallèlement aux manifestations de protestation, ils vont, à travers leur avocat Me Assane Dioma Ndiaye, saisir la Cour suprême dès ce lundi.
Les 23 villages impactés par l’octroi de 10 mille ha de leurs terres à une société marocaine, Afri Partners, ne comptent pas baisser les bras dans leur lutte pour recouvrer leur assiette foncière. En dehors des manifestations de protestation, ils vont engager maintenant la bataille judiciaire. Parce que les choses commencent à se compliquer pour eux dans la mesure où le chef de l’Etat a sorti un décret pour légitimer cet octroi en parlant d’utilité publique. Samedi dernier, lors d’une conférence de presse tenue au siège de la Raddho, le Collectif de ces villages a indiqué qu’il va saisir la justice. Il a commis un avocat, Me Assane Dioma Ndiaye, par ailleurs président de la Ligue sénégalaise des droits humains, une des organisations de la société civile qui se sont jointes au collectif. «Aucune loi, aucun décret ne peut venir à bout de la détermination des populations. La répression n’a jamais été productive quand les populations sont sur le pied de guerre et sont conscientes de la justesse de leur combat. Nous allons mettre tous les arguments qui font ressortir l’illégalité dont est entachée cette délibération de par la Constitution et de par la loi ; c’est le domaine national», souligne Me Assane Dioma Ndiaye. Qui affirme : «C’est une fuite en avant de la part de l’Etat de déclarer d’utilité publique des projets à chaque fois qu’il y a des contestations. On l’a vu avec le cas de Maarif (affaire Yavuz Selim, Ndlr). Aujourd’hui c’est avec une société privée marocaine. C’est une aberration, ce n’est pas un bon samaritain, c’est une société qui vient chercher des profits. Une société multinationale est mue par des projets mercantilistes, elle va rapatrier les bénéfices générés.»
Le président de ce collectif, Aboubacry Moussa Lam, par ailleurs, professeur d’Histoire à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, affirme que le décret présidentiel ne va pas les pousser à la résignation. Un décret, on peut le rapporter ou l’annuler même. Pour ce cas d’espèce, il est illégal parce qu’un décret ne peut pas désaffecter les terres. Celui qui peut désaffecter les terres, c’est le Conseil rural. Le président peut faire un décret pour d’utilité publique mais il ne peut pas donner les terres aux Marocains», tonne Pr Lam. Ce dernier indique que si jamais les engins arrivent, ils se battront. Parce que, soutient-il, les conditions de l’acquisition des terres par les Marocains les rendent prisonniers dans leur propre terroir. «Nous avons refusé ce projet. Ce sont ces terres qui nous font vivre. D’autant que ce qu’on nous propose à la place est dérisoire. On nous propose deux mille ha pour près de 50 mille personnes. Cela n’a pas de sens. Quand on partage ces 2 mille hectares, chacun va se retrouver avec 8 ares. Or les petits périmètres villageois qui existent chez nous tournent autour de 12 ares. Cela ne va pas faire vivre. Notre bétail ne peut plus sortir et nous ne pouvons plus pêcher. Cela veut dire que nous nous retrouvons en prison sur notre territoire. Toute personne douée de raison ne peut accepter un tel marché», peste-t-il. Et Aboubacry Moussa Lam de demander au président de la République d’annuler ce projet même si ses émissaires soutiennent qu’il a été suspendu. «Nous n’en avons pas la certitude. C’est sur le terrain, quand on ne verra plus les Marocains et leurs ouvriers, qu’on va savoir qu’il est suspendu. Mais, on ne va se contenter de la suspension. On veut que le projet soit abandonné de manière définitive», affirme Pr Lam. Il ajoute que la lutte va continuer au niveau local, à Dakar et dans la diaspora pour obtenir gain de cause.
Walf Quotidien