La nomination d’Aliou SALL est accueillie par un tollé. Entre le reniement de Macky SALL et le poste stratégique où son frère atterrit, les condamnations sont presque unanimes.
Seulement, contrairement à ce que beaucoup pensent, Macky SALL est loin de s’être tiré une balle dans le pied. Avec Aly Ngouille NDIAYE au ministère de l’Intérieur et son frère à la tête de la Caisse des Dépôts et Consignations, le leader de l’APR répond à une interpellation.
A l’issue des dernières élections législatives, remportées par la mouvance présidentielle dans la plus nébuleuse des manières, la réaction de Me Abdoulaye WADE et de son camp était des plus attendues. Annoncé pour jeudi 3 aout, repoussé au dimanche 6 aout, le point de presse des responsables de la Coalition gagnante Wattu Senegaal ne s’est tenu que mercredi 9 aout, après que les Sénégalais ont fini par assimiler les résultats et peu enclins à écouter ceux qui les contestent. D’ailleurs, Me WADE ne les a pas contestés. L’ancien chef de l’Etat et ses alliés ont énuméré tout ce qu’ils considèrent comme manquements et fraudes notés lors de cette joute électorale et ont consigné le tout dans un livre blanc. Mais, ce n’était guère pour rassembler suffisamment d’éléments en vue de rejeter les résultats. La mesure que l’ancien président a prise est tout autre. «Nous ne participerons plus à des élections organisées par Mack SALL. Nous ne permettrons même pas à Macky SALL de préparer une épreuve de manipulation du fichier électoral », a déclaré Me WADE. Et tout est dit.
Qui mieux que Me WADE sait qu’une opposition qui boycotte une élection fait plus profiter au pouvoir en place ? Surtout si celui-ci a à sa tête un homme qui avait promis de faire cinq ans pour ensuite se dédire. Abdoulaye WADE, qui a profité du boycott des législatives de 2007 par le Parti socialiste, la LD et l’AFP pour organiser la 11e législature à sa guise, sait mieux que quiconque que boycotter la présidentielle de 2019, c’est ouvrir un boulevard aussi vaste que le désert du Sahara à Macky SALL.
Et le leader de l’APR le sait si bien qu’il a grandement tenu compte de cette déclaration en formant le gouvernement qui a suivi le scrutin législatif. Avec Aly Ngouille NDIAYE à la tête du ministère de l’Intérieur, Macky SALL donne à Me WADE toutes les raisons du monde de passer à l’acte.
«C’est un maire APR qui vient remplacer un autre maire Apr. Peut-être, pour ceux qui les connaissent, ils n’ont pas les mêmes caractères. Mais on sait que c’est encore un responsable éminent de l’APR qui gère ce ministère de l’Intérieur à qui on a confié, jusqu’à preuve du contraire, l’organisation des élections. Et nous réitérons cette demande de l’opposition qui (réclame) qu’on confie l’organisation des élections à une autorité indépendante neutre qui puisse inspirer confiance à l’ensemble des acteurs». C’est en ces termes que le chargé de la Communication du PDS, Mayoro FAYE, a réagi après la nomination du coordinateur départemental de l’APR de Linguère à la tête du ministère devant organiser la présidentielle de 2019. Il en faut juste un tout petit peu plus pour que le parti de Me WADE qui n’a pas de candidat jette l’éponge.
Le président WADE n’a d’autre choix que de baliser le terrain à Macky SALL. Karim WADE ne peut être candidat en 2019. Car, l’organisation de son amnistie, impossible d’ici 2019, ne peut être enclenchée que par un Macky SALL ayant déjà décroché un deuxième mandat. Me WADE l’a montré aux dernières législatives, même s’il ne se présente pas, son implication à la prochaine présidentielle pourrait faire basculer le scrutin et précipiter le président de l’APR dans un second tour dont il ne serait guère assuré de sortir vainqueur. Un risque trop gros pour être pris. En plus de ce boycott annoncé, il faut d’ores et déjà s’attendre à voir d’autres libéraux rejoindre Macky SALL afin de l’aider à dépasser la barre des 50%. Les Daganois qui déplorent qu’aucun ministre ne soit issu de leur localité, seraient peut-être content de retrouver Oumar SARR à la tête d’un département ministériel. Le Premier ministre, Mouhamad Boun Abdallah DIONNE, ne l’a-t-il pas annoncé à Dagana lors de la campagne?
Macky rend l’ascenseur
Le meilleur moyen de réhabiliter son prédécesseur désavoué, c’est faire pire que lui. Le règne de Mobutu a été tellement catastrophique qu’à son départ, les nouvelles autorités ont changé le nom du pays consacrant un retour en arrière de plusieurs années.
Son inoxydable popularité, Me WADE la doit, ces dernières années, à son successeur à la tête de l’Etat. Avec moins de 34% à la présidentielle de 2012, Me WADE a presque été chassé du pouvoir. Avant ces élections qui ont fait chuter son régime, des dizaines de manifestations, ayant occasionné plusieurs morts, se sont tenu un partout au Sénégal pour réclamer son départ. Et quand Me WADE accepta de partir, le Sénégal affichait une dette de plus de 3 300 milliards F CFA. Si moins de trois ans après, Me WADE fait de nouveau courir les foules, c’est parce qu’entre-temps Macky SALL a fait pire que ce qui lui était reproché. Inutile de revenir sur le « wax waxeet » dont s’est servi l’actuel président pour ne pas faire un mandat de cinq ans comme il l’avait promis. L’actualité suffit pour comprendre la démarche de Macky SALL.
En signant un décret qui nomme Aliou SALL, le leader de l’APR peut surprendre, au vu du contexte actuel. Après des élections législatives qui ont vu son score s’amenuiser de près de 15% par rapport à la dernière présidentielle, à moins de dix-huit mois de la prochaine, Macky redonne du grain à moudre à ses détracteurs et met mal à l’aise ses partisans.
Mais ce que Macky SALL cherche par dessus tout à travers cette décision, c’est rendre l’ascenseur à Me WADE qui lui ouvre un gigantesque boulevard menant à sa réélection. Aliou SALL, présenté comme le symbole de l’omniprésence de la famille dans la gestion des affaires de l’Etat, focalisait déjà les attaques de Me WADE déterminé à trouver un alter ego à Karim WADE. C’est l’ancien président qui a, pour la première fois, parlé de l’affaire Petro Tim. Le leader du PDS voulait exposer Aliou SALL, pour prouver aux Sénégalais que son fils n’est pas le seul à s’immiscer dans les affaires de l’Etat. On lui reprochait la présence d’une famille, Macky affiche celle d’une dynastie.
Maintenant, ce n’est plus Me WADE qui expose Aliou, c’est Macky SALL lui-même. Et, la plupart, de ceux qui dénoncent cette nomination, font le rapprochement avec Karim WADE qui s’en retrouve plus blanc.
Mame Birame WATHIE