CHRONIQUE POLITIQUE
Prudence ! Tel semble être le mot d’ordre dans les hautes sphères de l’Etat, face aux sanctions prises par l’Etat hébreu contre le Sénégal, coupable d’avoir porté la résolution 2334 des Nations-Unies réclamant la fin de la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens et à Jérusalem. Ainsi, n’a-t-on pas entendu sur cette affaire le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, le sieur Mankeur Ndiaye qui s’était montré si volubile et si peu diplomate sur le dossier gambien. Moins de trois heures après le revirement de Yahya Jammeh contestant les résultats de la présidentielle du 1er décembre qu’il avait acceptés à leur proclamation par la Commission électorale indépendante, le chef de la diplomatie sénégalaise s’était invité sur les plateaux des télévisions pour bander les muscles et menacer de ses foudres le toujours chef d’Etat gambien. Mais le voilà devenu muet comme une carpe face aux sorties peu diplomatiques de Benyamin Netanyahou et du porte-parole de son ministre des Affaires étrangères.
Pas de réaction officielle non plus du gouvernement du Sénégal aux sanctions israéliennes, encore moins de mesures de rétorsion, comme c’est de coutume en pareille circonstance. Les seules réactions nous sont venues d’abord du Conseil des ministres réuni hier et au cours duquel, d’après le communiqué le sanctionnant, «le président de la République, après avoir rappelé la continuité historique de la position de notre pays sur le sujet et les principes intangibles du droit international qui la fondent, a rappelé l’attachement du Sénégal au développement de relations entre Etats, basées sur le dialogue, la coexistence pacifique et le respect mutuel de leur souveraineté». Puis du ministère des Affaires étrangères qui, à la suite du communiqué du Conseil des ministres, a tenu à rappeler que le gouvernement «prend acte des mesures» prises par l’Etat hébreux et «que le Sénégal, également président en exercice du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien depuis sa création en 1975, a constamment soutenu, conformément aux résolutions pertinentes des Nations unies, la recherche d’une solution juste et équitable du conflit israélo-palestinien, qui consacre l’existence de deux Etats, à l’intérieur de frontières sures et internationalement reconnues. C’est dans la continuité de cette position traditionnelle, fondée sur des principes intangibles de droit international, que le Sénégal a soutenu la résolution 2334 du Conseil de sécurité. Le gouvernement de la République du Sénégal réaffirme son attachement au développement de relations entre Etats basées sur le dialogue, la coexistence pacifique et le respect mutuel de leur souveraineté».
Ainsi, devra-t-on se contenter de ces rappels d’une position de principe qui a le mérite de permettre d’occulter l’affront fait par l’Etat hébreu au Sénégal, en rappelant non seulement en consultation son ambassadeur, mais surtout en suspendant sa coopération économique avec notre pays, après avoir annulé la visite prévue en Israël du ministre Mankeur Ndiaye ainsi que la présentation des lettres de créances de l’ambassadeur du Sénégal à Tel Aviv avec résidence au Caire. Mais de quelle mesure de rétorsion dispose le Sénégal ? Il ne peut pas rappeler son ambassadeur parce qu’il n’en dispose pas encore, celui nommé n’ayant pas encore pris fonction. Il ne peut, non plus, prendre des sanctions économiques parce qu’il était, jusqu’ici, le seul à tirer de grands profits de cette coopération économique entre les deux pays. Il ne lui reste dès lors que la rupture des relations diplomatiques, ce qui serait fort hasardeux pour Dakar. Non point par crainte du Mossad et de sa capacité de nuisance qui ont poussé l’un des proches du président de la République, l’historienne Penda Mbow pour ne pas la nommer, à en appeler à la prudence. Mais plutôt du tout puissant lobby juif qui contrôle les finances internationales et qui pourrait, sur simple injonction de sa part, faire tarir bien des sources de financement du Plan Sénégal Emergent (Pse) auquel Macky Sall tient comme à la prunelle de ses yeux. D’autant qu’avec la fin du mandat de l’administration Obama, le chef de l’Etat perd à Washington un allié de poids qui va céder la Maison blanche à un islamophobe doublé d’un israélophile pur et dur. Alors, prudence !, se dit-on dans les hautes sphères de l’Etat.
Par Abdourahmane CAMARA*
* Directeur de publication de Walf Quotidien
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