CHRONIQUE DE MAREME
Aicha : moralisation
Nous sommes en Afrique du Sud depuis trois jours. Suzanne a été très efficace car elle a réussi à tout superviser depuis le Sénégal. Dès notre arrivé à l’aéroport, nous avons été accueillis par des body-gardes qu’on ne voit que dans les films. Costumes noirs, lunette noire, oreillette, pistolet qu’on voit à travers la veste, bref la totale. Ils nous ont amenés dans une maison résidentielle à côté de la plage avec un équipement de sécurité de haut niveau. Toutes ces précautions sont dues au fait que Johannesburg est l’une des villes les plus criminogènes du monde. Elle est souvent citée dans des études pour avoir l’un des taux d’homicide le plus élevé au monde, en moyenne 20 meurtres par jour. C’est tellement dommage de voir une ville avec de si belles infrastructures être minée par l’insécurité grandissante. Mais comme on dit : il ne faut jamais affamer son chien car vous serez le premier à être attaqué par celui-ci. En Afrique du Sud, comme dans presque tous les pays d’Afrique, la richesse économique n’appartient pas au peuple. La colonisation est sortie par la grande porte pour tout de suite rentrer par la petite fenêtre. Que ce soit ici, au Nigéria, au Sénégal et autres, une minorité de personnes, contrôlées par la joute occidentale, se partage les biens. L’Afrique du Sud est la parfaite illustration dans cette inégalité gigantesque. Deuxième pays le plus riche du continent africain mais aussi deuxième pays le plus inégalitaire au monde après Haïti. Les noirs comptent 79,6% des 52 millions de Sud-Africains et les Blancs seulement 8,9 %. Mais un foyer blanc gagne en moyenne six fois plus qu’un foyer noir (environ 3 000 euros par mois, contre moins de 500 euros). 29 % des Noirs sont au chômage, contre 4 % des blancs. Et 62 % des Noirs vivent sous le seuil de la pauvreté contre 1 %. Peut – être qu’un jour viendra…
- A quoi tu penses ? Je lève les yeux de mon ordi et vois Malick au seuil de la porte, accoudé au mur, le regard pénétrant.
- Tu penses qu’un jour l’Afrique arrivera à avoir des gouvernements qui ne soient pas des marionnettes.
- Pas de sitôt mais si on voit la prise de conscience des jeunes dans les réseaux sociaux, alors j’ai espoir. Peut – être en l’an 3 000. J’éclate de rire sur ces derniers mots. Il me sourit et entre dans la chambre.
- Tu as fini de traduire ce que je t’avais donné hier ?
- Il me reste une page, je te l’envoie dans dix minutes au maxi. Il s’assoit à côté de moi et me fait une bise sur le cou ce qui me fait frissonner.
- Tu tiens le rythme ? Je ne veux pas que tu te forces dans ton état alors…
- C’est rien comparé au tien. A quelle heure tu t’es couché hier ?
- Je ne sais pas vers trois heures je crois, me murmure t – il à l’oreille avant de le mordre.
- Hum c’est comme ça depuis trois jours Malick, j’ai peur que tu ne tombes malade avant Lundi.
- T’inquiète, j’ai l’habitude, c’est juste nouveau pour toi. Il se lève avant de continuer. Il faut que j’y retourne, les gars m’attendent et si je reste ici je risque de….son regard circulaire sur mon corps en dit long sur ses pensées. Il prend un grand air et tourne les talons.
Nous n’avons pas fait l’amour depuis qu’il est là, le gars c’est robocop. J’ai travaillé avec eux la première journée mais je manquais de concentration. Je l’aime tant que le fait de travailler à côté de lui m’est impossible. Je ne sais pas ce que j’aime le plus, son regard de braise, sa gestuelle à la fois lente et virile, sa voix douce et rauque quand il fait son speech. Il est devenu en un si laps de temps ma raison de vivre. C’est lui qui m’a proposé de travailler dans ma chambre car mes regards de désir le déconcentraient aussi. LOL. Je ne sais pas qui des deux est le plus à plaindre ? En tout cas, pour l’instant je suis dans la merde, je ne sais pas si ce sont les hormones ou quoi mais j’ai trop envie de lui et tout le temps. Bip bip, je tends le coup, encore un autre message de Abi. Cette femme est folle, elle envoie des messages et appelle presque toutes les heures. Malick m’a donné son portable depuis deux jours, ne supportant plus son harcèlement. Il m’a demandé de ne prendre aucun appel venant du Sénégal à part celui de Suzanne. Tantôt elle menace de quitter la maison familiale avec les enfants, tantôt de venir ici, tantôt de demander le divorce. Ne voyant aucune réponse, elle a commencé des insultes depuis ce matin, j’ai été choqué quand j’ai reçu le premier message vers huit heures. Franchement il y a des limites à ne pas dépasser quelle que soit la colère et le motif de celle – ci. Un conflit n’a jamais arrangé un problème au contraire il l’intensifie. Le portable se met à sonner, je regarde, encore elle. Je décroche cette fois.
- Allo, dis – je d’une voix hésitante.
- Passe-moi mon mari, voleuse. Tu ne payes rien pour attendre.
- Bonjour Abi. Je…
- Je ne veux pas te parler, passe-moi mon mari j’ai dit, cria-t-elle.
- Excuse-moi Abi mais tu devrais te calmer. Arrête de faire scandale pour rien. Tu sais…. Tinte tinte tinte, elle a raccroché. Je décide alors de lui écrire un message.
« Je sais que tu ne m’aimes pas mais sache que je ne suis pas ton ennemi au contraire. Je veux vraiment te parler mais dans le calme. En te radicalisant ainsi, tu risques de le perdre».
Dix minutes plus tard, elle rappelle. Je décroche après avoir envoyé le mail que Malick me demandait tout à l’heure.
- Je t’écoute, dit Abi d’un ton glacial.
- Je crois que tu connais Malick mieux que moi. Ce que tu es en train de faire ne fait qu’envenimer les choses. Ne le pousse pas à bout Abi. Je l’entends renifler, ce qui me fend le cœur, je suis une femme après tout.
- Il n’est jamais parti avec un interprète….
- La première réaction de la jalousie est la folie, la deuxième, le regret. Réfléchis avec la tête et pas avec le cœur. Tu es déjà allée avec lui en voyage d’affaires, alors tu sais comment ça se passe. C’est à peine si on s’adresse la parole de la journée tellement il est concentré dans son boulot. Si tu aimes vraiment ton mari, arrêtes tes crises de jalousie sans fondement toi aussi. Elle se met à pleurer.
- Est- il fâché ? demande-t-elle avec une petite voix.
- Bien sûr avec ton manque total de respect. C’est ton mari Abi. Dieukeur sangue la (ton mari n’est pas ton égal). Il n’est pas seulement ton partenaire de la vie, il est aussi et surtout ton Kilifeu (maitre) comme ton père.
- Ce n’est pas la même chose…
- Si Abi. Notre religion le recommande et notre prophète nous l’a inculqué. Je vais te raconter une histoire. Une fille est venue voir un jour le prophète Mahomet (PSL). Elle lui dit : « Mon père est malade mais mon mari refuse que j’aille le voir. Alors reste lui répond le prophète. Quelque jours plus tard, elle revient et lui dit : la maladie de mon père s’est aggravée mais mon mari refuse toujours que j’aille le voir. Alors reste lui dit encore le prophète. Quelque jours encore elle revient la troisième fois pour lui dire ; finalement papa est mort et mon mari refuse toujours que j’aille là-bas. Alors reste lui répond une dernière fois le prophète ». De prime abord, la chose est cruelle mais ici le prophète a voulu montrer que la femme en quittant le foyer de ses parents pour aller à celui de son mari, emporte avec elle la puissance paternelle et maternelle. Nous devons obéissance, respect et surtout dévotion à nos maris comme nous l’avons été avec nos parents. Combien de fois ces derniers ont eu un comportement blessant ou injuste envers nous. Les as – tu manqué de respect ou quitté ? Dans un navire, il y a toujours un capitaine qui dirige et même si on n’est pas d’accord avec certaines de ses décisions on continue de le suivre. Le cas contraire le navire coule. Je vais effacer tous les messages d’insultes puisqu’il ne l’a pas encore vus. Comme ça il y aura moins de dégât.
Je me tais enfin après ce long speech. Nous restons silencieuses un bon moment et elle dit enfin deux seuls mots avant de raccrocher : Merci Aicha.
J’ai pris un grand air de soulagement car je sais qu’elle ne va plus faire d’esclandre, en tout cas, je l’espère. J’ai pris le téléphone et comme dit, j’ai effacé tous les messages et je me suis replongée dans le boulot.
Les jours suivants ont été encore plus rudes, c’était la bataille générale. Le lundi premier jour du procès, j’ai eu un peu le trac mais rapidement je suis entrée dans le bain. Malgré la fatigue qui se voyait dans les yeux de Malick et de son équipe, il a fait un plaidoyer bluffant. Le travail gigantesque abattu ces derniers jours avait bien payé. Les avocats de la partie adverse ont commencé à paniquer après une heure de procès. En tout cas s’était bien partis. Au deuxième jour, ils ont demandé un report du procès, ce que Malick avait prévu. Au final, les avocats de la partie adverse ont fini par demander un règlement à l’amiable au quatrième jour. C’était la liesse.
Nous avons passé une journée entière à dormir. Comme Malick était tout heureux de sa victoire, j’ai profité de son euphorie pour le contraindre à appeler Abi. Il l’a fait après quelques hésitations et a été surpris de la façon conviviale dont elle a répondu à son appel. Le soir même, mon mari décide de rattraper le temps perdu, j’ai eu chaud. Vous voyez ce que je veux dire.
Le lendemain, nous visitons enfin la ville. Juste magnifique. Nous sommes d’abord allés au musée de l’Apartheid. Il illustre bien la montée et la chute de l’ère de ségrégation et d’oppression en Afrique de Sud. Une expérience bouleversante, surtout la pièce dans laquelle sont accrochés 131 nœuds coulants, représentant les 131 opposants au gouvernement qui ont été exécutés en vertu des lois antiterroristes. Ensuite nous sommes allés à Soweto, puis à la place Nelson Mandela et enfin le célèbre jardin botanique. Nous n’avions pas tous visité mais j’étais fatiguée. Nous avons pris un bon diner tous ensemble autour d’un grand gratte- ciel Art Déco à la fois moderniste et futuriste. Notre séjour tirait à sa fin mais nous étions tous heureux d’avoir gagné le procès et visiter un peu cette ville avec son passé riche en émotion.
Fusille, homme de main de Wilane : espionnage
J’y suis presque. Je sens que je vais bientôt la retrouver. Après avoir fait agressé sa tante, j’ai pu avoir tous les contacts de son téléphone donc le numéro de Aicha. Mais depuis une semaine, j’appelle et je tombe sur la boite vocale. Entre temps j’ai pu savoir maintenant où habite exactement ses parents. Dès le lendemain de l’agression, la mère d’Aicha est venue voir sa sœur et bien sûr mes hommes l’on suivie. Nous connaissons leurs emplois du temps de A à Z et nous avons pu mettre dans leur appartement plein de micros et deux caméras cachées. Cela m’a permis de savoir qu’Aicha était partie en voyage avec son mari. D’après les dires de Menoumbé, qui est une vraie boite d’informations, Aicha a décroché le gros lot. Bref en cinq jours j’ai pu savoir tout d’elle jusqu’à l’arrivée de son vol qui est aujourd’hui. D’ailleurs j’attends le coup de fil de mes hommes à qui j’ai donné la photo d’eux dérobée dans l’appartement de ses parents. Enfin, je vais savoir où elle vit. Mais il y a un hic dans cette histoire, c’est son mari : Malick Kane. Je ne sais pas comment mon patron va procéder mais ce qui est sûr c’est que ça ne sera pas facile. Parce que cet avocat n’est pas facile à berner ni à faire peur. Patron a déjà eu affaire avec lui dans le passé et le gars lui a carrément envoyé paitre. En ce temps, Wilane voulait qu’il devienne son avocat personnel mais ce dernier a refusé après avoir enquêté sur lui. Malgré la proposition très alléchante qu’il lui avait faite, il a dit niet. Ce qui avait contrarié lourdement mon patron jusqu’à avoir envie de le tuer. Quand il saura que c’est lui le mari d’Aicha èhe…mon portable sonne, je décroche à une vitesse éclaire.
- Oui ?
- Ca y est chef
- Magnifique enfin une bonne nouvelle. Je raccroche et cours voir Wilane que je fuyais depuis trois jours puisque mon délai était fini. Quand j’ouvre la porte, je suis accueilli par son regard glacial.
- Souriez Patron, j’ai une bonne nouvelle. Il se lève et fronce les sourcils et tapant la main
- Vous l’avez retrouvée. J’acquiesce de la tête et il vient me prendre dans ses bras et tape amicalement mon dos. Je le savais, je le savais. Tu me l’amènes quand ? Je raidis, il le sent et recule d’un pas en fronçant les cils. Quoi encore.
- Ca ne sera pas aussi facile patron, j’ai….
- Je ne veux rien entendre, emmène la moi aujourd’hui même.
- Calmez-vous sinon vous risquez de tout faire foirer. On ne peut pas se permettre de faire du n’importe quoi car son mari n’est pas n’importe qui.
- C’est qui ? J’hésite à parler ; dis-moi, crie – t-il encore.
- Vous le connaissez déjà : Malick Kane. Il reste silencieux cinq secondes.
- L’avocat ?
- Oui, répondis – je tout bas.
- Le salaud ! Donc c’est lui qui a ma Aicha. Déjà que je voulais le tuer à l’époque à cause de l’affront qu’il m’a fait, maintenant ça.
- Ce n’est pas tout patron, Aicha est enceinte.
- Quoi ? Il a osé ! Je veux sa tête, tu m’as compris, ta grosse tête sur un plateau d’argent que je vais donner à mes chiens. Bouffon, canaille…. Il a commencé à casser tout autour de lui en continuant ses insultes. Je suis resté sur place attendant qu’il se calme mais surtout réfléchissant sur comment le convaincre que le tuer n’est pas une bonne idée. Après avoir saccagé tout son bureau, il s’assoit sur son fauteuil de thé en respirant très fort. Je prends mon courage à deux mains avant de lui lancer.
- Mr Kane n’est plus ce simple avocat d’il y a six ans. Déjà qu’il était si bien que vous avez voulu le prendre à votre compte. Aujourd’hui, il est devenu un avocat de renommée internationale. Le tuer va soulever des montagnes.
- Et alors, tu es payé pour quoi.
- Je peux me débarrasser de lui mais il faut une bonne tactique, un bon plan
- Je ne veux pas qu’il continue à toucher ce qui m’appartient. Il jette encore un objet de son bureau avant de se prendre la tête.
- S’il vous plait patron, calmez – vous un peu. Laissez-moi tâter le terrain, faire mon enquête sur lui et surtout élaborer un plan méticuleux. La disparition ou la mort d’un avocat international ne passera pas inaperçue alors laissez-moi prendre le temps qu’il faut.
- Combien, demande – t – il en serrant la mâchoire.
- Vous n’êtes pas du genre à supporter une femme enceinte. J’aurai le temps de tout peaufiner avant son accouchement. Et dès que ça sera fait, on passe à l’action. Il ferme les yeux au moins une minute comme pour réfléchir ou se contenir.
- D’accord, j’ai entendu cinq longues années alors je peux bien patienter quelques mois encore. J’acquiesce de la tête et sors rapidement du bureau avant qu’il ne change d’avis ; je crois que cet homme est en train de devenir fou. A cause d’une simple fille dont la beauté n’est même pas extraordinaire. Mon vieux….Cette histoire va mal finir, je le sens.
Deux mois plus tard
Sokhna, la mère de Malick : Parti pris
Aujourd’hui mon fils passe à la mairie. J’ai essayé de le dissuader de faire ce mariage civil mais il m’a à peine écouté. Notre relation n’est pas au beau fixe depuis quelque temps et à qui la faute. Je n’aime pas cette fille car depuis qu’elle est entrée dans sa vie, c’est tout le temps des disputes. J’aurai voulu qu’il attende au moins un ou deux ans pour passer à la mairie comme il l’a fait avec Abi. Juste pour être sûr que c’est une femme bien et qu’elle ne sait pas mariée avec lui par intérêt. Mais Malick est complétement aveuglé par cette fille. Qu’est – ce que j’ai fait au bon Dieu pour que mes enfants finissent avec des gens comme ça. D’abord ma fille ainée Oumi et maintenant lui. Je ne parle même pas de la dernière qui m’a mis la honte de la vie en tombant enceinte hors mariage.
Abi est passée me voir hier avec les enfants. Elle a un peu maigri et se force tout le temps de sourire. Elle ne supporte pas du tout la polygamie et semble malheureuse. On sent une grande tristesse en elle mais elle essaye tant bien que mal de la cacher. J’en veux beaucoup à Malick pour son manque de contrôle face à cette fille. Sa préférence pour Aicha est plus qu’évidente vu la façon dont il la couve des yeux et se prête à ses moindres attentions.
Il y a un mois, Malick a amené ses deux femmes au mariage d’une de ses nièces. C’était l’occasion pour lui de présenter la famille à Aicha. Moi j’étais plus que contre ce procédé et voulais qu’elle respecte la tradition qui voulait qu’elle aille rendre visite aux membres de la famille un par un chez eux. Toute femme qui se respecte doit passer par là. C’est ce que j’ai fait, ma fille aussi et Abi encore plus. Même s’il l’avait amené chez son oncle, pour moi c’était insuffisant. Alors je suis allée la voir pour lui dire mes quatre vérités. Si elle veut une place dans la famille, il faut qu’elle nous donne un minimum de considération. Je ne veux pas d’une belle – fille aussi pingre qui garde tout ce que mon fils lui donne shim. Donc je lui ai donné rendez – vous le lendemain pour aller chez au moins trois tantes de Malick. Mais une heure plus tard, ce dernier m’a appelé pour me sermonner et me dire de ne pas me mêler de son mariage. Nous avons fini par avoir une dispute d’une rare violence. Quant – à Aicha, je n’ai plus essayé de la recontacter ni de prendre ses appels. Il faut le dire, je n’aime pas cette fille car elle n’a posé aucun acte me prouvant son amour pour mon fils, au contraire.
Je déplie mon habit sans enthousiasme et me mets à la préparation. Je n’ai pas élevé mon enfant durement pour me le faire enlever aussi facilement. Il est venu me voir avec elle, il y a deux jours, soi-disant pour se réconcilier avec moi. La sangsue m’a offert un tissu en brodé que j’ai regardé à peine avant de le jeter avec nonchalance à côté. Shiiiiiip, elle croit que je suis un sdf ou quoi ? Je vais l’offrir à ma bonne et la prochaine fois qu’elle vient ici, cette dernière va le porter. Tu vas voir Aicha, oser me mettre en mal avec mon fils. Depuis ce jour, pour moi, ma belle – fille c’est Abi et personne d’autre. Elle m’a toujours suivi à chaque fois que je venais la chercher et n’a jamais cessé d’honorer le nom de mon fils. Aujourd’hui j’ai choisi mon camp et elle va le sentir.
Malick : Mariage civil
Je regarde ma femme avec le sourire jusqu’aux oreilles. Elle porte une jolie robe blanche très simplette brodée sur le rebours gauche et qui lui va merveilleusement bien. J’ai pris Moustapha et Oumi comme témoins et elle a choisi Menoumbé et Suzanne. Cette dernière a été très touchée par ce geste. Mais elle le mérite puisque elle a joué un rôle déterminant dans notre relation. La cérémonie, malgré qu’elle se soit faite dans un cadre très simple, a été riche en émotion. J’aime cette femme de toute mon âme. Alors j’ai vite fait de légitimer notre mariage devant la loi car nous sommes dans une société où seuls les papiers comptent. On ne sait jamais ce que la vie nous réserve.
Trois mois que l’on est marié et j’ai toujours l’impression de faire un rêve éveillé. Je ne pensais pas qu’un jour je pourrais vivre aussi heureux avec une femme. Notre complicité est très grande, notre amour sans borne. Pour la première fois de ma vie, je me sens aimé et respecté pour ce que je suis. Elle partage avec moi mes idées et principes, me soutient dans chacune de mes démarches et ne fait jamais quelque chose sans d’abord me demander mon avis et mon avale. Elle est douce, prévenante et attentionnée, bref je suis un homme heureux.
J’ai tenu quand même à fêter cela dans un grand restaurant de la place. De mon côté, j’avais invité maman, mes deux sœurs, Moustapha avec sa femme et Suzanne avec son mari. Quant à Aicha, il y avait sa famille et deux de ses copines qui m’a-t-elle dit l’ont beaucoup aidée et soutenue. D’ailleurs c’est grâce à elles qu’elle est arrivée à avoir le poste. Je lui ai conseillée d’en prendre une comme stagiaire et de la former avant son congé maternel. J’aurai voulu qu’Abi soit de la partie mais elle n’est toujours pas habituée à son nouveau statut de polygame. Je sais que ce n’est pas facile pour elle, c’est pourquoi je continue à supporter ses crises de jalousie incessantes et ces manigances pour montrer qu’elle est plus légitime qu’Aicha dans la famille.
Nous avons attendu ma mère jusqu’à 20 h 30 avant de nous résigner et de passer la commande. Je l’ai appelé deux fois et elle me dit qu’elle est sur la route. Je sais qu’elle ne porte pas Aicha dans son cœur mais elle aurait pu faire l’effort d’être à l’heure. Elle ne supporte pas le fait qu’Aicha ne soit pas à sa disposition comme avec Abi. Je vois son dédain envers elle et les piques qu’elle lui lance tout le temps. Et heureusement pour moi que ça n’affecte pas ma femme et on en parle calmement à chaque fois qu’un incident se produit. Quand maman verra qu’elle n’arrivera pas à la mettre dans sa poche, elle va arrêter de lui faire la guerre comme ce fut le cas avec moi et Oumi. En tout cas c’est ce que j’espère au plus profond de mon cœur.
Le serveur était en train de nous servir quand je la vis sur l’embrassure de la porte. Mais mon attention fut surtout portée sur Abi qui affichait comme toujours son sourire jaune. Les battements de mon cœur se sont accélérés.
Ma mère (regard haineux vers Aicha) : Alors on mange sans sa belle – mère ? En plus quelle indélicatesse d’inviter toute la famille sans celle qui en est le fondement.
Abi (ton de reproche) : Aicha je suis fâchée contre toi. Moi qui croyais qu’on était amis ?
Aicha (se levant de sa chaise un peu honteuse) : Je ne sais pas quoi dire sinon que je suis désolée si cela t’a vexé. Je je je l’avais suggéré à Malick mais….elle se tourne vers moi, ne sachant plus quoi dire.
Moi (ton dissuasif) : C’est moi qui en ai pris l’initiative. J’ai trouvé inopportun de t’inviter à mon mariage civile même si Aicha a insisté. Maintenant si vous voulez bien vous assoir et arrêter vos reproches s’il vous plaît. Serveur apportez une autre chaise s’il vous plait en tendant le bras.
Cinq minutes plus tard l’ambiance était plus que tendue, personne n’osait ouvrir la bouche la première.
Menoumbé : Allahou Akbar. Tout le monde se retourne vers ce dernier qui mange avec appétit ces langoustes sautées. Walaahi c’est trop bon ah.
Nous avons tous éclaté de rire et l’atmosphère s’est détendue. Les conversations ont repris de plus belle. Les quelques piques d’Abi et de ma mère n’ont pas réussi à gâcher la soirée. J’avais préparé un discours mais je me suis ravisé en voyant qu’Abi commençait à s’énerver des petites attentions que je faisais à Aicha. Cette dernière m’a pincé la cuisse par deux fois mais cela ne m’a pas retenu, j’ai continué à la caresser, à lui donner de temps en temps des bouchées de son plat. Pour moi c’était notre soirée et hors de question qu’on nous le gâte. Vers 22 heures, Pape et Cheikh sont arrivés avec leurs belles guitares à la main. Ils se sont mis à côté de nous et ont commencé à chanter une de leur célèbre chanson d’amour nous incitant à nous lever pour danser. Je n’ai pas hésité et j’ai dû tirer la main d’Aicha pour qu’elle daigne se lever toute gênée. Quand nous avons atteint la piste de dance, elle me lance.
- En répondant à leurs provocations, tu deviens comme eux.
- Quand on me cherche on me trouve. Elle n’avait rien à faire ici, c’est mesquin… elle me coupe
- Je sais mais si tu continues, elle risque de craquer… cette fois c’est moi qui la coupe.
- Ne parlons pas d’elle s’il te plaît et profitons de cette dance. Elle ouvre la bouche mais je mets mon doigt dessus. Chuuut, lui murmurais – je à l’oreille. J’encercle encore plus mes bras autour de sa taille et l’idée de lui réciter mon discours me vient en tête. HUM HUM, elle recule la tête avec un sourire.
- Quoi encore ?
- J’ai fait un discours pour toi et comme je ne peux pas le dire là-bas alors ? Elle ricane et baisse les yeux. Je soulève son menton et commence.
Dès que mes yeux se sont posés sur toi, j’ai cessé d’exister.
Je suis perdu, vois – tu, je suis noyé, inondé d’amour.
Il m’arrive d’avoir peur de cet amour fou, grandissant, que même l’espace ne peut contenir.
Avec toi, j’ai compris que l’essentiel n’est pas d’être avec quelqu’un, mais d’être avec la bonne personne, son âme sœur.
Oui avec toi, j’ai appris à aimer sans rien attendre en retour car tu me rends heureux par ta seule présence.
Ton regard me coupe le souffle à chaque fois, ton sourire m’apaise, ton corps me foudroie, ta douce voix me transperce. Tout en toi me subjugue. Je suis fou de toi
Aujourd’hui je n’ai plus peur de parcourir le chemin de la vie puisque je t’ai à mes côtés pour toujours.
Je t’aime.
La musique s’était arrêtée sans que l’on s’en rende compte. Sur cette piste étroite, nous étions seuls au monde.
Krink krank kring (bruit d’une tasse de verre qui tombe avec fracas). Nous sursautons et nous retournons automatiquement. C’est Abi et elle s’apprête à en jeter un autre. Moustapha lui retient la main. Son regard vers nous est assassin. Ma mère se lève et jette avec énergie son torchon sur la table.
- Vient ma fille, nous partons. Elle prend rageusement son sac et tourne les talons accompagnée d’Abi qui a les larmes aux yeux. Les couleurs sont annoncés.
A lire chaque lundi…
Par Madame Ndèye Marème DIOP