chronique de Moustapha…
Ancien président de la Fédération internationale des droits de l’homme (Fidh), Sidiki Kaba doit être dans une position particulièrement inconfortable. Défenseur des droits de l’homme, il est chef du département de la Justice dans un pays où les droits des plus élémentaires sont violés dans les lieux de détention. «Ce n’est pas sous Sidiki Kaba qu’il devait y avoir une mutinerie dans nos prisons», a dit, avec humour, le présentateur de l’émission «Thème du week-end» sur la radio Walf fm. Et il ne croyait certainement pas si bien dire. D’autant plus que s’il y a mutinerie à Rebeuss, c’est principalement à cause des conditions de vie des détenus mais aussi des longues détentions. Autrement dit, la mutinerie de Rebeuss, qui s’est soldée par le décès d’un détenu en plus de 41 blessés, n’est due qu’aux violations des droits humains dans les lieux de détention du Sénégal. Même s’il faut reconnaitre que l’enfer de nos prisons date de bien avant l’arrivée au pouvoir de Macky Sall, force est de constater que ce gouvernement avec, comme ministre de la Justice, Sidiki Kaba, avait largement le temps d’améliorer les conditions de vie dans les lieux de privation de liberté. Autant de raisons qui font que Sidiki Kaba était très attendu sur la mutinerie de Rebeuss, lui qui était hors du pays au moment des affrontements.
Seulement, comme tout bon politique, Sidiki Kaba se garde d’affronter le problème afin de trouver des solutions idoines. Il préfère la stratégie du contournement. Pis, le ministre de la Justice fait dans la diversion. La preuve : alors que des solutions immédiates sont attendues de lui comme l’ont crié plusieurs détenus sur… les ondes des radios de la place, il commence par admettre que «la surpopulation carcérale est une réalité. Il faut reconnaitre le mal et apporter une solution». Mais Kaba s’empresse d’ajouter : «Cette situation n’est pas exclusivement sénégalaise», dit-il faisant allusion à la France où, à l’en croire, il y a un besoin de 10.000 à 20.000 places supplémentaires pour la population carcérale. Brrr ! Kaba sait mieux que quiconque que la situation des prisons en France n’a absolument rien à voir avec ce qui se passe au Sénégal. Alors pour lutter contre la surpopulation dans les lieux de détention, il propose de rendre permanentes les chambres criminelles. Oubliant que l’essentiel de ceux qui sont jugés par ces chambres criminelles retournent en prison. Il s’y ajoute que ces chambres qui ont remplacé la Cour d’assises, ont souvent accusé du retard dans leur calendrier. Et comme si tout cela ne suffisait pas dans son opération de diversion, il annonce la tenue prochaine des procès de Béthio Thioune et Thione Seck. Une manière de détourner l’attention et faire oublier les vrais problèmes. Pourtant, Kaba sait pertinemment que les procès du religieux et de l’artiste ne sont pas pour demain. En tout cas, pas tant que Macky Sall sera animé par cette obsession du second mandat.
Toutefois, en matière de diversion, Sidiki Kaba n’est pas seul. Puisque le Premier ministre Mouhamad Boun Abdallah Dionne a fait exactement la même chose. Son gouvernement, acculé dans l’affaire dite des contrats pétroliers et gaziers qui puent le scandale, le Premier ministre a fini pour convoquer la presse afin de s’expliquer. Mais à la place de la conférence de presse attendue, les journalistes ont dû se contenter d’une simple déclaration. Comme son ministre de la Justice, Boun Abdallah Dionne a contourné les vraies questions. Mieux, il s’est permis de brandir des menaces contre des citoyens dont le seul tort est de s’interroger sur le comment et le pourquoi de l’utilisation de richesses qui appartiennent à tous les Sénégalais. Et en agissant ainsi, le chef du gouvernement n’a fait que relancer la polémique qui a repris dès qu’il a dit au-revoir aux journalistes venus couvrir sa déclaration. Et ça ne risque pas de s’arrêter de sitôt.
à lire chaque mardi…
Moustapha DIOP
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