Youssef Chahed a annoncé ce vendredi 9 septembre, la baisse des salaires bruts de ses ministres et secrétaires d’Etat de 30 %, et du quota carburant qui leur est accordé de 20 %. Une mesure symbolique dont les incidences sont peu significatives au regard des difficultés financières auxquelles le pays est confronté. Son but semble être néanmoins de donner l’exemple, et d’afficher un sens de sacrifice et un élan de solidarité nationale au sommet de l’Etat, afin que la base suive le moment venu, lorsqu’on lui aura imposé ces mesures douloureuses dont on parle beaucoup sans savoir encore à quoi ça ressemble, et qu’on lui aura demandé de se serrer la ceinture.
La baisse des rémunérations ministérielles vise aussi à répondre aux critiques, quant au caractère pléthorique de ce gouvernement de 40 membres, 26 ministres et 14 secrétaires d’Etat, et de l’enveloppe conséquente que cet effectif requiert en termes de salaires, et d’avantages.
C’est une manière de décréter la rigueur budgétaire, à défaut de parler d’austérité, ce mot qui fâche et qui a tant fait grincer des dents.
Il y a tout juste une quinzaine de jours, au matin du vendredi 26 août, le locataire de la Kasbah avait mis en garde à l’ARP contre le recours à l’austérité, si rien n’est fait, et si des mesures audacieuses ne sont pas prises pour sortir le pays de la crise. Ce qui a suscité une large réprobation au sein de l’hémicycle, notamment des députés de gauche et d’extrême gauche qui ont perçu dans ce propos une menace pour les couches moyennes et démunies. Pour apaiser les esprits, Chahed a modéré son discours le même jour au soir, en affirmant que son gouvernement ne sera pas celui de l’austérité et ne licenciera pas les fonctionnaires.
Des lendemains difficiles
Quoi qu’il en soit, des lendemains difficiles attendent le pays, qui a le dos au mur, amené coûte que coûte à freiner les dérapages budgétaires, et à redresser les équilibres financiers, dont le trou est abyssal. Les deux têtes de l’exécutif en ont parlé ce vendredi au palais, évoquant précisément les mesures susceptibles de rétablir de tels équilibres.
Dans cette conjoncture critique, qui le sera encore plus en 2017, année de remboursement d’une partie de la dette arrivée à échéance, l’Etat devra agir sur deux fronts : la compression de ses dépenses, et l’amélioration de ses recettes.
Comprimer les coûts équivaut à une gestion budgétaire rigoureuse. Il n’est pas exclu que la réduction des émoluments et des bons d’essence des membres du gouvernement, soit généralisée aux autres commis de l’Etat, PDG, directeurs généraux et hauts fonctionnaires de la fonction et des établissements publics. La rigueur budgétaire signifie aussi des coupes budgétaires, excepté pour certains départements prioritaires à l’instar des ministères de l’Intérieur et de la Défense. Elle reviendra par ailleurs à un gel des salaires, à un arrêt des recrutements, et des remplacements des départs à la retraite. Cela peut conduire aussi à des licenciements de fonctionnaires pour réduire une masse salariale aui n’a eu de cesse de s’amplifier ces dernières années, ce qui nous vaut les remontrances du FMI, et à des plans sociaux notamment dans les entreprises publiques empêtrées dans les déficits, et auxquelles l’Etat n’est plus en mesure de venir à la rescousse et de subventionner dans la même proportion qu’auparavant. D’où l’ouverture de capital, voire la privatisation de certaines entreprises publiques qui semble à l’ordre du jour, mais que l’on cherche, à ce stade, à dissimuler.
Parallèlement, l’Etat devra trouver des moyens à améliorer ses recettes et à renflouer ses caisses. Cela se fera par une réforme fiscale qui pourra revêtir principalement deux volets : Le premier annoncé, à maintes reprises, est l’amélioration du recouvrement et la lutte contre l’évasion fiscale, et le second portera probablement sur une hausse des impôts.
Le gouvernement est confronté aujourd’hui à une situation inextricable, où les problèmes conjoncturels se mêlent aux dysfonctionnements structurels. Sa marge de manœuvre est limitée et il ne dispose pas de l’embarras du choix, en termes de solutions à mettre en œuvre pour amorcer une sortie de crise. A côté de ce à quoi l’on s’attend, certaines dispositions sont encore enveloppées de secret ; elles seront rendues publiques d’une manière impromptue et là, tout le monde sera mis devant le fait accompli.
Gnet.tn