CHRONIQUE DE WATHIE
Combien sont les journaux qui ont accordé une demi-page aux attentats qui ont frappé de plein fouet le royaume d’Arabie Saoudite à la veille de l’Aïd-el-fitr ? Compter le nombre de minutes que radios et autres télés ont accordé à ces attaques est aussi aisé que croquer une date à l’heure de la rupture du jeûne. Un constat qui peut être fait dans les autres pays de la sous-région pourtant grandement peuplés de musulmans. Si nos médias ont été aussi avares, presque inaudibles sur la question, c’est, en grande partie, parce que, quand il s’agit d’information hors de nos frontières, c’est souvent la presse occidentale qui sert de relai. Et, celle-ci n’étant nullement ébranlée par ces agressions, les organes de presse locaux s’en sont retrouvés évasifs.
Lundi 4 juillet, alors que le monde musulman s’apprêtait à célébrer l’Aïd-el-fitr, après plusieurs semaines de jeûne, trois attaques-suicides ont été perpétrées en Arabie saoudite. L’un des Kamikazes s’est fait exploser, sur un parking, à quelques centaines de mètres de la mosquée Al-Masjid Al-Nabawi, communément appelée mosquée du Prophète, à Médine. Cette attaque, pas moins violente que les deux autres, qui a causé la mort d’au moins quatre agents de sécurité, selon le dernier bilan officiel, a visé le deuxième lieu le plus saint de l’Islam. Une meurtrière provocation qui n’a pourtant guère épouvanté la presse occidentale. Quelques bribes d’informations auront suffi à satisfaire la curiosité de ces organes d’habitude prolixes quand il est question de terrorisme. Après avoir annoncé ce qui ne pouvait ne pas être dit au risque d’être indexé, les médias occidentaux ont tourné caméras, dictaphones et autres micros vers d’autres cieux. Ce n’est certes pas le premier attentat visant un aussi saint lieu de l’Islam. Certains musulmans se rappellent encore que le 20 novembre 1979, Juhaiman al Utaibi, à la tête de plusieurs centaines de combattants, des étudiants de l’Université islamique de Médine notamment, avait pris d’assaut l’esplanade de la grande mosquée de La Mecque, le plus haut lieu saint de l’Islam, avant de se barricader dans les sous-sols, prenant en otage des milliers de pèlerins. La presse occidentale s’en était délectée mettant surtout en avant la contribution de la France dans la reprise des lieux saints. Les deux attaques ne sont certes pas comparables mais si les médias occidentaux ont été moins bavards malgré leur nombre croissant, c’est, qu’entre temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.
Avec cette forte corrélation qu’ils n’ont de cesse de faire entre l’Islam et le terrorisme, mettre l’accent sur ces attentats n’est pas sans risque. En effet, sous le sceau de Daech ou état islamique, les musulmans ont été pointés du doigt, ostracisés, désignés comme les principaux responsables de la terreur sur terre. « Les Etats-Unis ont un problème : ce sont les musulmans (…) Il va falloir observer et étudier les mosquées parce que beaucoup de choses s’y disent (…) Je détesterais le faire mais c’est quelque chose qu’il va falloir sérieusement envisager (leur fermeture). Il y a une haine absolue qui provient de ces endroits. Cette haine est plus grande que ce que tout le monde imagine», s’extasiait Donald Trump, candidat républicain pour la prochaine présidentielle américaine. Avec ces derniers attentats, à défaut de comprendre que les musulmans ne sont en rien liés à cette barbarie, on peut, tout de même, se rendre à l’évidence que ceux-ci ne sont guère épargnés. Face au risque de conforter cette idée ou de se contredire, ils ont préféré regarder ailleurs. L’attentat qui a secoué Bagdad avec plus de 200 morts a fait l’objet de la même paresse. Et la presse locale, serait-on tenté de se demander.
La dernière fois que la France a été frappée par des attentats, c’est le monde entier qui l’a ressenti. Plus que les autres pays africains, ceux francophones ont semblé avoir subi ces attaques. Tellement l’emballement médiatique a été gargantuesque. Dans un tapage hargneusement automate, on nous a bombardés d’articles, de vidéos décrivant la profondeur du mal français. Comme si ne pas manifester son indignation face à ces attentats était un pacte d’allégeance à Daech, on nous avait même inventé le drapeau tricolore comme photo de profil Facebook. Soit ! La violence sous toutes ses formes est condamnable. qu’elle s’exerce en France ou en Palestine. Ce qui n’est pas moins inquiétant, c’est cette féroce dépendance de la presse sénégalaise lorsqu’il s’agit d’évoquer un événement se passant hors de nos frontières. Entre RFI, France24, Euronews et autres, les pages internationales sont nourries d’informations disséquées amplement triées. Qui a les moyens contrôle l’information. Absents des lieux d’opération, habitués au placage, les journalistes perdent œil, oreille et langue dès l’instant que ces médias rechignent à couvrir un coin de la planète.
A lire chaque samedi…
Par Mame Birame WATHIE
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