La guerre ouverte entre le maire de Dakar et le pouvoir rappelle le bras de fer qui opposait le gouvernement du Président Wade au maire socialiste de Dakar, Khalifa Sall.
Dans le camp du maire de Dakar, on a l’impression que les gouvernements passent et se ressemblent, tant la cohabitation est exécrable entre l’Exécutif et la municipalité contrôlée par un opposant.
Ils se ressemblent dans leur volonté de mener la vie dure et de mettre des bâtons dans les roues de Khalifa Sall, notamment sur les deux projets phares de la ville: le recasement des marchands ambulants et la gestion des ordures. «Le Président Abdoulaye Wade bloquait systématiquement la mairie de Dakar dans ses projets de recasement des marchands ambulants à Petersen, Félix Eboué et Cerf-volant», se souvient un conseiller du maire de Dakar. En janvier 2010, son plan pour décongestionner les artères du centre-ville de la capitale s’était heurté au refus du Président Wade. Le Cerf-volant, le terrain de quatre hectares situé non loin du marché Colobane, que l’Etat lui avait accordé pour caser les marchands ambulants et les tabliers qui occupent irrégulièrement la chaussée, lui avait été retiré in extremis. On se souvient que des policiers avaient débarqué sur les lieux et avaient ordonné l’arrêt immédiat des travaux de terrassement initiés par le maire Khalifa Sall.
Avant l’épisode du recasement des marchands ambulants, le pouvoir libéral, qui avait été laminé dans la capitale lors des élections locales de 2009 par Khalifa Sall, avait également retiré la gestion des ordures ménagères à la municipalité. «Une décision politique» de Wade, selon Khalifa Sall qui avait dit sa volonté de la combattre. «C’est un projet impertinent. C’est une violation des principes fondamentaux de notre législation. La décision sur les ordures est politique. Donc, il faudra la combattre politiquement», avait-il menacé.
Et comme si l’histoire bégayait, ces deux dossiers refont surface, quatre ans après et cela malgré le changement de régime. Pour le camp du maire de Dakar, l’attitude de l’actuel régime est pire que celle de son prédécesseur. La preuve, indique un proche du maire de Dakar par «l’agression sur les compétences de la ville, mais aussi par l’agression physique» dont Khalifa Sall et son staff ont été victimes, avant-hier, à la place de l’Indépendance. Face à ces agressions, le maire, comme à l’époque de Wade, prévient que «maintenant ce sera œil pour œil, dent pour dent». Mais le gouvernement campe sur ses positions. En conférence de presse, hier, le ministre du Renouveau urbain et du Cadre de vie, Diène Farba Sarr, qualifie le projet de Khalifa Sall, d’un coût de cinq milliards, de «chimérique» et affirme que l’aménagement de la Place de l’Indépendance relève de l’État «conformément aux dispositions du Code du domaine de l’État, reprises par celles du Code général des Collectivités locales (Cgcl)». Alors que la ville de Dakar estime que c’est une compétence transférée.
Comme à l’époque du régime libéral de Wade, la guerre ouverte entre la municipalité et le pouvoir exécutif s’est également transposée dans la gestion des ordures. En effet, récemment, le gouvernement a retiré la gestion des ordures de la ville de Dakar, d’un coût de dix milliards, à l’Entente Cadak-Car dirigée par un proche de Khalifa Sall. Beaucoup d’observateurs y ont vu une volonté du pouvoir d’affaiblir financièrement le maire de Dakar, très probable candidat à la prochaine élection présidentielle. Ne dit-on pas que l’Etat est une continuité ?