I) Introduction: Il ne fait plus maintenant aucun doute, que l’aspiration des peuples d’Afrique a la Démocratie et à l’Unité africaine, s’est transformée en une exigence de leur survie, et non plus seulement de leur développement, dans la paix et la stabilité. Les peuples d’Afrique sont de plus en plus conscients, et le manifestent régulièrement dans la rue ou dans l’expression de leur suffrage, que leur sous développement et leurs conditions de vie miséreuses ne sont pas une fatalité, mais le résultat de la gestion de leurs ressources dans le cadre d’un système politique qui produit et reproduit une «caste de bureaucrates» qui organisent le pillage systématique de leurs ressources à leurs profits (revenus planqués dans des banques étrangères), et à ceux des grandes puissances occidentales et a leurs Multinationales (évasion fiscale et sous facturation du travail et des ressources naturelles), dans le cadre d’une multitude de micro-Etats, incapables, pris individuellement, de faire face à une endémie (Ebola), au terrorisme islamiste radical (Mali, Niger, Tchad, Cameroun, Nigeria, Somalie, et Kenya), et au défi du changement climatique.
Le besoin de mettre fin à cette situation est devenu de plus en plus partagé au sein des opinions publiques africaines, et se trouve au coeur des agendas des luttes politiques dans tous les pays du continent. Ainsi, l’aspiration des peuples d’Afrique a plus de Démocratie et à l’Unité politique des Etats est devenue un champ de bataille autour duquel s’organisent toutes les luttes politiques du 21ème siècle dans le continent. C’est dans le cadre de ces luttes politiques que deux pièges idéologiques ont été dressés par les grandes puissances occidentales pour les orienter vers les besoins de la perpétuation de leur domination, et de leur système d’exploitation et de spoliation du travail et des ressources naturelles des peuples d’Afrique. Ces deux pièges sont: – le piège de la limitation du nombre de mandats du président de la République; – le piège de la construction de l’Unité Fédérale des Etats d’Afrique. I) Le piège de la limitation du nombre de mandats. Celui-ci consiste à confiner l’aspiration des peuples d’Afrique à l’approfondissement du processus de «Démocratisation» des États Africains, à la seule problématique de la «Démocratisation de l’accès aux fonctions de président de la République». L’exigence de la séparation et de l’interdépendance des pouvoirs exécutif, législatif, et judiciaire, et celle de la «Démocratie citoyenne», qui sont au coeur des luttes politiques dans tous les Etats africains, sont reléguées à l’arrière plan, au profit de la lutte pour la limitation du nombre de mandats, et/ou de la durée du mandat présidentiel. C’ est ainsi que, au Sénégal, les Propositions de réforme des Institutions de la Cnri, sont, dans les débats publics, totalement éclipsées par ceux sur la réduction de la durée du mandat en cours du président de la République, comme si cette réduction n’est pas incluse dans les propositions de celle-ci. Ailleurs en Afrique, l’opinion est focalisée sur la limitation du nombre des mandats du président de la République. Ce que ce piège idéologique est en train de faire prévaloir, c’est le maintien des pouvoirs exorbitants du président de la République qui lui permettent de prendre le contrôle du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire durant son mandat, qu’il soit de 7 ans ou 5 ans, renouvelable une fois, ou non renouvelable, sous forme de mandat unique. Ce qui est donc mis hors de cause, c’est le régime présidentiel déconcentré en Afrique, dans lequel, le président de la République, élu au suffrage universel, définit la Politique de la Nation, nomme un Premier ministre de son choix révocable à volonté à tout moment, et nomme, selon sa volonté, à tous les emplois civils et militaires, et gère la carrière des magistrats. C’est ce système qui perpétue la production et la reproduction d’une «castes de bureaucratiques», dont le chef, le président de la République, est constitutionnellement «irresponsable» et ne répond que devant le peuple lors des élections présidentielles qu’il organise périodiquement. Donc, que son mandat soit de 5 ou 7 ans, renouvelable ou unique, la nature de son régime ne change pas alors que c’est précisément la réforme de ce régime qui est devenue une exigence pour la paix et la stabilité, donc la sécurité des peuples des Etats africains. Tant que cela continuera d’en être ainsi, la course pour l’accès à ce pouvoir présidentiel continuera de déstabiliser les Etats africains, et les peuples d’être soumis à l’exploitation et à la spoliation. Voilà pourquoi, des intellectuels, issus de la Société civile, qui sont perçus par l’opinion comme «politiquement neutres», sont instrumentalisés, consciemment ou non, pour développer, dans l’opinion africaine, le piège de la «Démocratisation de l’accès à la fonction de président de la République», au détriment de la «Démocratisation du système politique», qui pose dans l’agenda des peuples d’Afrique, la nécessité de la réduction substantielle des pouvoirs de ce dernier sur les autres institutions de la République, sur tous les emplois, et sur la carrière des magistrats. Cette réduction des pouvoirs du président de la République peut être obtenue dans le cadre d’un régime parlementaire, comme c’est le cas en Tunisie, ou dans le cadre du «Projet de réforme des Institutions» proposé par la Cnri au Sénégal. II) Le piège de l’Etat Fédéral des Etats d’Afrique Ce piège consiste à faire l’impasse sur les acquis de l’intégration dans les 5 sous régions d’Afrique, qui ont jeté les bases d’une intégration économique concrète avec des zones de libre échange matérialisées par des Tarifs extérieurs communs (Tec), dont l’agenda politique et économique pose , aujourd’hui, la nécessité d’une monnaie commune, et d’une intégration politique, sous forme de «Fédérations sous régionales» dans une perspective d’une unité politique continentale sous forme de «Confédération des Fédérations des Etats africains». Ainsi, avec ce piège, l’on oppose la «Fédération de tous les Etats d’Afrique» à la Fédération sous régionale des Etats d’Afrique, pour à terme, construire l’Unité confédérale africaine. L’on procède donc comme si la Fédération sous régionale n’est pas la voie la plus réaliste et la plus pertinente pour aller vers l’Unité africaine, alors qu’elle est le processus le plus avancé vers cet objectif. L’Union Africaine (Ua), à un agenda d’intégration économique dénommé «Agenda 2063», alors que, dans la Cedeao, «l’agenda 2020» pose l’exigence de parachèvement de l’intégration économique avec une monnaie commune, et l’intégration politique, qui ne peut se concevoir avec réalisme et pertinence, que sous forme de «Fédération des Etats de la Cedeao». Ce tournant historique se pose comme une nécessité depuis l’épidémie Ebola, et la déstabilisation de la sous région à partir du Mali, du Niger et du Nigeria par des attentats jihadistes d’islamistes radicaux, et par les défis que lui posent les changements climatiques. La Cedeao, qui est actuellement la 20ème économie du monde, dont un pays, le Nigeria, est la première économie d’Afrique, suscite beaucoup d’inquiétudes auprès des Multinationales et des puissances occidentales qui défendent leurs intérêts au niveau mondial. Ils ne voudraient donc pas permettre à la Cedeao de réussir son «Agenda 2020», en se transformant en une véritable puissance économique, politique et militaire, en mesure d’assumer la souveraineté de nos peuples et leur sécurité dans la paix et la stabilité. Ainsi, la déstabilisation de la sous région à partir du Mali, du Niger et du Nigeria , par le Mouvement de libération nationale de l’Azawad (Mnla), de Al Qaida (Aqmi), de l’Etat islamique (Boko Haram), est instrumentalisée par les grandes puissances occidentales et leurs Transnationales, pour s’opposer à cette transformation de la Cedeao. C’est dans ce cadre que des couches moyennes intellectuelles sont instrumentalisées, consciemment ou non, pour s’opposer à cette transformation et à la nécessité de la construction de l’Unité fédérale des Etats africains. Elles envisagent même d’organiser un congrès pour lancer cette campagne. Mieux, l’on organise même à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, une «Conférence sur la Constitution africaine» au moment où se pose avec acuité la nécessité d’échanges sur une «Constitution de la Cedeao». L’on se demande donc pourquoi ceux qui pensent pouvoir «faire le plus» (la Constitution africaine), veulent faire croire qu’ils ne peuvent pas «faire le moins» (la Constitution de la Cedeao)! Ce piège est d’autant plus pernicieux qu’il exploite l’aspiration profonde des peuples d’Afrique et de leurs intellectuels à l’unité politique du continent en occultant le processus réel qui est en cours vers cet objectif dans chacune des sous régions, dont la plus avancée, la Cedeao, a un «Agenda 2020», qui pose concrètement la nécessité d’une monnaie commune et l’Unité politique de sous région sous forme de «Fédération». Ce piège vise donc à divertir du combat au sein de la Cedeao, dont l’horizon est 2020, de larges forces vives de nos Etats, pour les orienter vers des objectifs, dont ils attendent la réalisation dans une génération ! Ainsi, à la place de débats dans chaque Etat de la Cedeao autour de la monnaie commune, et de son Unité politique fédérale, l’on installe des débats pour la «génération future»! Tout cela est entrepris pour empêcher que, dans les Etats de la Cedeai, l’exigence de la monnaie commune et l’Unité politique Fédérale de nos Etats ne s’inscrivent dans tous les agendas des forces politiques qui briguent le suffrage de leurs peuples dans toutes les élections, qu’elles soient nationales ou locales. Le sort de l’unité politique des Etats du continent se joue, en grande partie, sur la réalisation de «l’Agenda 2020» de la Cedeao. III) Conclusion Tous ceux qui ont pensé que les batailles idéologiques sont derrière nous devraient se ressaisir. Ce sont les supports et les acteurs de la bataille idéologique qui ont changé, mais pas leur objectif qui mettent en scène une lutte sans merci entre, d’une part, les intérêts des grandes puissances occidentales et leurs Multinationales, et, d’autre part, les intérêts des peuples exploités, spoliés et marginalisés. Aujourd’hui, plus que jamais, les pièges de la «Démocratisation de l’accès aux fonctions de président de la République», et celui de «l’Unité fédérale des Etats d’Afrique» participent à cette bataille idéologique. L’éradication de ces deux pièges est non seulement un devoir démocratique, citoyen et panafricain, mais il est aussi une exigence de survie de nos peuples dans l’indépendance, la paix et la stabilité.