Classées souvent «secret défense», les questions relatives à l’armement ne circulent souvent que sous le manteau. Hier, en marge du Forum sur la paix et la sécurité en Afrique, l’ancien Cemga, Lamine Cissé, ne s’est pas embarrassé de cette clause. C’est le Général Lamine Cissé qui vend la mèche. Présidant, hier, l’atelier n°6 sur «Modernisation des armées africaines et réforme des systèmes de sécurité» au deuxième jour du Forum international de Dakar sur la Paix et la Sécurité en Afrique, l’ancien ministre de l’Intérieur a annoncé la commande, par le Sénégal, de patrouilleurs et d’avions de chasse.
Dans les couloirs du Palais des congrès de l’hôtel King Fahd, personne ne veut commenter cette annonce. Encore moins le ministre français de la Défense. Interpellé sur la question, lors d’une conférence de presse qu’il animait, hier, en début d’après-midi, Jean-Yves Le Drian, qui ne confirme ni n’infirme l’information, n’a pas, pour autant, souhaité s’y épancher outre mesure. «Vous me posez une question qui, a priori, ne m’est pas destinée. La décision d’équipement de l’armée sénégalaise appartient à l’armée sénégalaise. Elle a sa libre capacité de décision, d’achat, de choix. Je vous suggère de poser la question au chef des forces armées sénégalaises ou à mon collègue Augustin Tine (ministre sénégalais des Forces armées, Ndlr). C’est lui qui en a la responsabilité», dégage Jean-Yves Le Drian. Nos tentatives d’en savoir davantage au niveau de la Direction de l’information et des relations publiques des armées (Dirpa) ont buté sur un mur de silence. Les appels et textos envoyés à son patron, le Colonel Abdou Thiam, n’ont, en effet, connu aucune suite. Si, sur la question de l’armement du Sénégal, le ministre de la Défense navigue entre silence et langue de bois, ce n’est pas le cas pour les autres sujets sur lesquels son pays est particulièrement engagé. Notamment sur la Centrafrique qui connaît un regain de tension depuis quelques semaines. «Nous avions pensé que, en République centrafricaine, la montée compressive de la Minusca, sa présence sur l’ensemble du territoire étaient suffisamment pacifiantes pour permettre aux échéances électorales de se tenir. Mais, on a pu constater, depuis l’année dernière, un regain de violence qui est dû au fait que les groupes extrémistes, des deux côtés, se rendent compte que le processus électoral démocratique est en train d’avancer et de se mettre en place. D’ailleurs, vous savez que les dates des élections ont été fixées. Puisque le référendum aura lieu le 13 décembre et le premier tour des élections, le 27, et le deuxième au courant du mois de janvier. Donc, l’arrivée d’un pouvoir politique élu peut inquiéter certains», dit-il. Pour ce qui est de la réorganisation des forces de défense de Bangui, «il appartiendra à l’autorité installée de réorganiser, comme elle veut, sa propre armée», selon Le Drian. Ce qui est, en revanche, clair, c’est que la France maintiendra sa présence militaire pour assurer la sécurité durant cette période. «Nous avons décidé de stopper le processus de déflation des effectifs de la force Sangaris que nous avons engagé pour permettre à cette force d’être en situation de retour d’appui à l’égard de la Minusca pendant la période électorale», annonce-t-il. Un autre dossier sur lequel la France ne compte pas baisser la garde, c’est bien celui du combat contre le terrorisme, particulièrement, contre l’Etat islamique ou Daesh. «Parce que Daesh, c’est son adversaire et parce que Daesh l’agresse. Donc, la France combat Daesh pour sa propre sécurité. La France combat Daesh en Irak», éructe-t-il. Puis, de lister un certain nombre d’actions qui démontrent la détermination de la France à venir à bout de ce groupe terroriste. «Nous avons fait quelques frappes, au mois de juin dernier dans la région de Mossoul, dans le cadre de la coalition. Et, la France combat Daesh en Syrie. (…) Nous y avons aussi engagé des frappes. Il y a eu une frappe avant-hier soir (dimanche, Ndlr). Nous avons fait une frappe qui concernait un poste de distribution de pétrole. Nous avons de nouveau frappé à plusieurs reprises, la nuit dernière (avant-hier), d’une part un poste de distribution de pétrole et d’autre part une usine de séparation de gaz. Donc, nous sommes sur des enjeux pétroliers», énumère Jean-Yves Le Drian. Sur les objectifs et les justifications de ces frappes tous azimuts, ce dernier se veut clair : «Nous combattons Daesh en Syrie à la fois en ciblant les lieux d’entraînement des combattants dont la vocation n’est pas de combattre la coalition mais de venir combattre dans nos pays, en Europe, dans nos pays amis ou sur le territoire français. Nous combattons Daesh en Syrie en frappant sur ses capacités et ressources.» Ibrahima ANNE