Le Sénégal a une nouvelle fois montré au monde la maturité de sa démocratie en élisant un nouveau président dès le premier tour de l’élection présidentielle du 24 Mars 2024.
La joie indescriptible qui se lit sur les visages de tous ceux qui ont contribué à l’élection du Président Diomaye Faye montre sans aucun doute la volonté de la majorité du peuple sénégalais de tourner une page de son histoire politique pour en écrire une nouvelle où tous les espoirs sont permis.
Lors de son premier discours, le cinquième président de la République du Sénégal a rappelé que les valeurs du peuple sénégalais, connu pour sa tolérance et son acceptation des différences qui constituent une richesse inestimable dont peut se vanter le pays de la Teranga, ont été soumises à rudes épreuves.
De désaccords en conflits, des Sénégalais en civil ou en uniforme ont fini par s’entretuer. A cela s’ajoutent des blessures physiques et psychologiques qui laisseront des traces indélébiles de ces jours sombres de notre histoire.
Les responsabilités n’ayant pas encore été situées, il est urgent de trouver les moyens d’éviter que cela ne se reproduise dans notre pays où la violence, l’éthnicisme voire le tribalisme n’ont jamais eu droit de cité.
Nous parlons certainement de pardon et de réconciliation. Cependant, pour parler de réconciliation il est bon de rappeler ici que depuis 2021 des actes de violence et de vandalisme ont entaché la cohésion sociale du Sénégal au point que les Forces de Défense et de Sécurité d’une part et une bonne partie de la population sénégalaise d’autre part se regardent en chiens de faïence.
Les multiples manifestations, au cours desquelles il y a eu une utilisation abusive d’hommes et de femmes en uniforme ayant pour mission la protection des populations et des institutions sénégalaises, ont entraîné la mort d’innocentes personnes et le limogeage de certaines autorités qui auraient refusé d’exécuter des ordres contraires à l’engagement légal des Forces de Défense et de Sécurité dans le cadre du maintien de l’ordre ou de la gestion des foules.
Monsieur le Président de la République Chef Suprême des Forces Armées, dans votre premier discours à la nation vous avez fait allusion à la refonte ou à la restructuration de nos institutions. Cela devrait aller de pair avec une redéfinition de l’emploi des FDS afin d’éviter que les mêmes erreurs ne se reproduisent. Il serait souhaitable que certains points soient pris en compte dans l’engagement des FDS, à savoir :
• Etablir des cadres institutionnels qui favorisent le professionnalisme et une attitude apolitique systématique des Forces de Défense et de Sécurité. • Eviter que les acteurs de la sécurité se laissent politiser ou que leur déploiement réponde à des motifs purement politiciens. Ceci pourrait éroder la crédibilité des institutions qu’ils représentent auprès de la population avec le risque qu’ils deviennent eux-mêmes une menace pour la sécurité des citoyens. Les agents des forces de défense et de sécurité sont de braves enfants du Sénégal qui doivent être mis à l’abri des besoins vitaux afin d’éviter leur implication dans des activités illicites, des abus contre les populations civiles et une politisation, qui pourraient nuire davantage à leur efficacité. Cela contribuerait à accroître l’instabilité et les menaces pour la sécurité des citoyens.Le maintien de l’ordre nécessite un engagement direct auprès du public dans la vie quotidienne des citoyens, avec des implications immédiates pour le progrès et le changement social. Le fait que la police et la gendarmerie interagissent régulièrement avec le public augmente la possibilité qu’elles commettent des abus ou des erreurs. Cela constitue également un risque qui pourrait entacher la réputation républicaine des Armées lorsqu’elles sont régulièrement sollicitées pour des opérations de sécurité intérieure.Si durant toutes ces périodes troubles qui ont précédé l’élection présidentielle les Forces Armées sont apparemment restées loin des conflits partisans, il est bon de dire ici que des hommes et des femmes de valeur ont souffert lors de certains engagements durant lesquels ils ont répondu aux ordres « sans hésitation ni murmure ». Ceux qui voulaient rester républicains en ont payé le prix. Il serait bon de voir ou d’essayer de comprendre ce qui est arrivé aux Généraux qui seraient partis sur la pointe des pieds. Sachant que le cas du Capitaine Seydina Oumar Touré pourrait nous mettre sur une piste.Cette fidélité à la République a été mise à rude épreuve avec le déploiement de la gendarmerie et de la police, évidemment pour assez souvent cibler l’opposition politique.Ceci devrait nous amener à réfléchir à la création d’une structure qui réduirait les pouvoirs d’un chef de l’Etat, chef suprême des Armées et, par ailleurs, chef du parti au pouvoir, tout en statuant sur les conditions juridiques d’engagement des Corps de sécurité.Ces derniers doivent s’acquitter de leurs fonctions en tant que serviteurs impartiaux du public et du gouvernement. Les contraindre à agir contrairement à cette logique constituerait une illégalité punissable car personne ne devrait être au-dessus de la Loi.Avec toutes ces mannes divines qui classent notre pays parmi les plus fortunés de ce monde, il est temps que chacun puisse bénéficier de ces richesses dans un Sénégal de paix, de justice et d’équité.
Vive le Sénégal, vive Capitaine Hadji Sissokho (O.R.)
Professeur des Universités