Il faut être Saint Thomas pour douter encore de la volonté de Macky Sall de briguer le suffrage des Sénégalais pour la troisième fois en 2024. Car il estime que les 12 ans passés à la tête du pays sont insuffisants à cause des procédures qui retardent la formulation et l’exécution des projets.
Le langage trahit la pensée refoulée ou inconsciente, disent les psychanalystes. Le président de la République a exprimé son désir de briguer un troisième mandat à l’élection présidentielle de 2024 qui fait pourtant polémique. Alors que l’opposition et même certains de ses alliés estiment que cette troisième candidature est inconstitutionnelle. Mais Macky Sall a un alibi ; il s’agit des lenteurs administratives qui l’empêchent, d’après lui, de mener ses chantiers comme il le souhaite et d’avoir un bilan à laisser à la postérité. Le chef de l’Etat soutient que ces procédures retardent la formulation et l’exécution des projets. «Nous disons qu’il faut limiter les mandats en réduisant la durée de la présence à la tête de l’État. Mais les procédures, qui datent des années soixante, sont toujours les mêmes qui conditionnent les décaissements. Alors quand est-ce que les régimes mis en place vont avoir un bilan ? On risquerait de virer des régimes tous les cinq ans et ça va être un éternel recommencement qui est contraire à l’idée du développement», a déclaré Macky en marge de l’audience qu’il a accordée jeudi dernier aux jeunes leaders africains. En clair, les 12 ans passés à la tête du Sénégal ne suffisent pas. Pourtant, ailleurs, les présidents se contentent d’un seul mandat de six ans non renouvelable. Aux Etats unis, c’est deux mandats de 4 ans.
Birahime Seck, le coordonnateur du Forum civil, doute du bien fondé de l’argument du chef de l’Etat. Sur sa page Facebook, il affirme que Macky Sall ne peut pas se défausser sur les procédures au début de son premier mandat et le refaire à la fin de son ultime mandat, alors qu’il a eu dix ans pour réformer et digitaliser les procédures, en profondeur. «Monsieur le Président de la République, les partenaires techniques et financiers vous ont-ils exigé à emprunter leur argent? Si c’est non, il faut, donc, nécessairement respecter leurs procédures de décaissement et de passation car, eux, ils veillent scrupuleusement sur l’argent de leurs concitoyens et des investisseurs, en prêtant à d’autres pays; Monsieur le Président de la République, il ne faut pas oublier que vous aviez changé le Code des marchés en 2014 pour raccourcir les délais, relever les seuils de passation de marchés, sous prétexte que les procédures étaient longues», dit-il.
Autre signe annonciateur d’une candidature à la prochaine présidentielle, le vide qu’il a créé dans son parti et sa coalition. Désormais, aucune tête n’émerge. Aucun responsable n’ose afficher ses ambitions de peur d’être limogé. Car il a durement sanctionné et humilié toutes les personnes accusées à tort ou à raison d’avoir une ambition présidentielle. C’est le cas de Aminata Touré, Amadou Ba et Aly Ngouille Ndiaye. Le défunt Alioune Badara Cissé aussi. Tant que Macky laissera planer le doute sur sa candidature ou montre des velléités d’être candidat en 2024, tous les responsables de Benno Bokk Yakaar feront le mort ; ils enterreront leurs ambitions présidentielles pour lui laisser la voie libre. Même au sein de l’opposition Macky cherche à éliminer ses adversaires les plus en vue. Mais, en tout état de cause, le coordonnateur du Forum civil affirme que pour le respect de la limitation des mandats, le peuple sénégalais aura son mot à dire, le moment venu, en tant que dépositaire de la souveraineté.
Charles Gaïky DIENE