Après un premier renvoi, l’affaire Astou Sokhna, décédée en couches, à l’hôpital Amadou Sakhir Mbaye, a été appelée, hier, devant le tribunal des flagrants délits de Louga. Les prévenues, au nombre de six, toutes des sages-femmes, ont défilé à la barre. Chacune d’elle est revenue sur le rôle qu’elle a joué dans le drame. Cela, après le passage de l’époux de la défunte, Modou Mboup. Selon qui, la regrettée a beaucoup souffert à la maternité «dans une indifférence totale, de 22 heures jusqu’à l’aube», moment durant lequel elle a rendu l’âme. «Elle avait mal au point d’enlever les perfusions. Je ne suis pas au courant de propos malsains entre ma femme et les sages-femmes. C’est quand je suis sorti que sa mère m’a appelé vers 5 heures 30 minutes pour m’annoncer son décès», confie-t-il. Avant d’ajouter : «La gynécologue avait dit qu’elle présentait une grossesse à risque. Elle devait être assistée. Elle avait un dossier médical. On ne devait pas la faire patienter.»
Poursuivie, comme ses co-prévenues, pour «non-assistance à personne en danger», Amy Sène, cheffe de l’équipe du matin, tente de se disculper. Selon elle, la victime s’est présentée à 10 heures dans les locaux de la maternité. En ce moment, dit-elle, le travail n’avait pas encore commencé. Ainsi, elle lui fait faire une analyse et lui prescrit une ordonnance. Elle informe que le médecin leur avait demandé de maintenir la perfusion et de la surveiller de près. Seulement, soutient-elle, il y avait d’autres malades dont le suivi nécessitait son déplacement. «Elle se plaignait de douleurs. Mais, on ne savait pas qu’elle était programmée pour le lendemain», se dédouane Amy Sène, très vite démentie par le juge qui indique qu’elle était bel et bien programmée au regard de son dossier médical.
Cheffe de l’équipe du soir, Ndèye Khady Lô confirme sa collègue à propos de la grossesse à risque de la victime. D’autant, soutient-elle, que, à l’heure de la relève, Amy Sène lui avait demandé de veiller sur la patiente et de lui administrer une visite pré-anesthésique. «Je suis passée à trois reprises pour prendre de ses nouvelles. J’avais oublié de noter ce que j’ai relevé. On m’a dit qu’elle a enlevé la perfusion. Je l’ai remise. Elle m’a dit qu’elle ne pouvait plus se tenir debout. C’est sa maman qui m’a appris son décès», laisse-t-elle entendre. «Amy Sène m’a amené le dossier de Astou Sokhna, une malade programmée pour une visite pré-anesthésique qui doit être opérée dans les heures qui suivent. Elle n’était pas dans l’urgence parce qu’Amy Sène m’avait dit que sa tension était normale», narre, quant à elle, Ngoné Ndiaye, celle qui devait effectuer la visite pré-anesthésique.
Rédactrice du certificat de genre de mort, sans examen du corps de la défunte, Penda Diack a eu de la peine à expliquer son acte. Tantôt, elle déclare avoir reçu l’ordre de son supérieur hiérarchique, tantôt elle se défausse sur une urgence de délivrance du document à la morgue. «J’ai rédigé le certificat de décès pour la morgue. J’ai mis +Mort naturelle+ parce que j’ai pris l’avis du médecin. C’est Ndèye Khady Lô qui m’a dit que le médecin a demandé de mentionner +Mort naturelle+ », avoue-t-elle. «Ce n’est pas votre compétence de faire des actes de décès. Vous êtes sage-femme et limitez-vous à votre travail. Vous n’avez pas à constater des décès», réplique le juge. «Je suis sage-femme et je n’ai pas cette prérogative. C’est un spécialiste qui devait le faire C’est le médecin qui m’a dit que, comme la famille était pressée, il faut faire rapidement un certificat de décès», se défend-elle. Les prévenues, Ndèye Fatou Seck, Ndèye Faly Guèye ont également livré leur part de responsabilité dans cette affaire.
Le Procureur a requis la relaxe pour Ngoné Ndiaye et Ndèye Fatou Seck, un an dont un mois ferme pour les 4 autres prévenues.
Salif KA