CONTRIBUTION
Pour les lecteurs et les lectrices qui me prennent en cours, cette contribution est la troisième. La première, «Un Président digne de ce nom ferait rapidement plus et mieux que le président-politicien», a été publiée par Le Témoin du 26 et WalfQuotidien du 27 mai 2021. La seconde, «Oui, il n’est vraiment pas difficile de faire rapidement plus et mieux que lui, sans tambour ni trompette», par WalfQuotidien du 4 juin 2021. Cette troisième donc, comme celles qui la précèdent, devraient me permettre de continuer d’illustrer, par des faits précis, que l’administration qui porte la marque du président-politicien est aussi coûteuse qu’inefficace, et qu’un Président vraiment digne de la fonction, ferait rapidement plus et mieux que lui, sans avoir besoin de traîner derrière lui toute la République, et tout ce qu’elle compte de véhicules luxueux et gros consommateurs de carburant.
Dans mes deux précédentes contributions, je me suis modestement employé à illustrer la nécessité de réformer profondément tant l’Administration centrale que territoriale. Pour la même préoccupation d’efficacité et de coût, l’Administration décentralisée et particulièrement son Acte III, ne devrait pas échapper à cette réforme profonde. Mes amis de l’autre côté de la barrière me rétorqueront rapidement que l’Acte III est déjà une réforme. Oui, certainement, mais une réforme qui s’est faite avec une précipitation qui en disait long sur ses objectifs politiciens. Elle n’a pratiquement pas fait l’objet d’un dialogue sérieux. Elle n’a pas été précédée, non plus, d’une évaluation de l’Acte précédent. C’est par procédure d’urgence que le projet de loi qui l’a porté a été transmis à l’Assemblée nationale qui l’a voté, naturellement, en un tournemain. Cette réforme a suscité des réserves et fait l’objet de vives contestations, notamment de M. Mamadou Abdoulaye Sow, inspecteur principal du Trésor à la retraite, ancien Directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor, ancien Ministre délégué chargé du Budget. M. Sow, qui ne raconte pas n’importe quoi a, dans une longue contribution publiée par plusieurs quotidiens (par L’AS du mercredi 22 octobre 2014 notamment), «démonté l’acte III de la Décentralisation». Il préconisait notamment «le besoin de réétudier minutieusement la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des collectivités locales avant son réexamen éventuel par l’Assemblée nationale». En particulier, il a remis en cause la légalité de trois décrets que le pouvoir exécutif a tour à tour pris. Il s’agit des décrets : n° 2014-830 du 30 juin 2014, n°2014-926 du 23 juillet 2014, n°2014-1140 du 15 septembre 2014. Le profane que je suis ne pouvant pas se risquer à aller plus loin, renvoie à cette longue contribution et à d’autres que l’auteur, inspecteur principal du Trésor de son état, a consacrées à ce fameux Acte III. Cependant, le profane s’arrêtera un peu sur la «communalisation intégrale». On aurait compris et peut-être encouragé cette initiative, si elle était un signe de progrès pour les populations rurales, si les communes créées étaient viables. Malheureusement, elles ne le sont guère. Une commune a besoin de moyens pour vivre or, nombre des communes rurales manquent de tout et dépendent, pour l’essentiel, des fonds de concours et des fonds de dotation, ainsi que, de temps en temps, de la contribution à l’économie locale. La pauvreté de l’environnement n’est pas propice à la collecte de recettes fiscales pour constituer un budget. D’ailleurs, le personnel en place, pour l’essentiel en tout cas, ne sait même pas ce que c’est. Une commune digne de ce nom doit compter, outre le maire et ses adjoints, des agents comme : le secrétaire municipal, le comptable matière, le chargé de l’état civil, l’agent voyer (un luxe pour ces communes), etc. Malheureusement, dans bien des communes rurales, une partie importante du personnel est presque analphabète, excepté peut-être celui que l’on appelle le secrétaire municipal, qui dépasse rarement le niveau du Bfem et est totalement ignorant des questions d’état civil, de budget, de recettes fiscales, etc.
Ces maires et leurs adjoints, ainsi que les présidents de conseils départementaux sont gâtés par le président-politicien. Dans son édition du jeudi 22 janvier 2015, L’Observateur titre en page 6 : «Le traitement princier des “Elus du Macky’’». Le quotidien rend compte de la rencontre du président-politicien avec ses 423 maires (APR), le lundi 22 janvier 2015 à King Fahd Palace. Á l’occasion, il a fait la déclaration suivante : «Un maire sans véhicule n’est pas un maire. L’Etat va doter les maires de véhicules. La procédure d’appel d’offres est bouclée et tout sera fait pour que, dans les meilleurs délais, vous disposiez de vos véhicules». Cette déclaration a, naturellement, soulevé un tonnerre d’applaudissements. Si on y ajoute les maires qui ne sont pas siens, l’État va acheter plus de 550 véhicules ou plus. Á combien de milliards, si on compte les inévitables commissions ? Et pour quels résultats ?
Ce «traitement princier» de ses élus, le président-politicien l’a appris de son prédécesseur. Il a assimilé beaucoup de leçons de ce dernier, son ancien maître. Rappelons que, ayant déjà en vue l’élection présidentielle de 2007, le vieux président-politicien a fait faire un bond prodigieux aux indemnités des maires. C’était en septembre 2004, à la Somone, où sa majorité était en séminaire. Il a fait passer ainsi, pour ne prendre que cet exemple, l’indemnité du maire de Matam de moins 50 000 francs à 900 000 francs. Ses homologues de toutes les capitales régionales avaient désormais la même indemnité mensuelle. Celle-ci était de 500 000 francs pour les maires de capitales départementales et de 300 000 pour ceux des mairies d’arrondissement, ainsi que des présidents de conseils ruraux (qui présidaient aux communautés rurales). Les présidents de conseils régionaux n’étaient pas en reste : ils bénéficiaient et bénéficient aujourd’hui encore, comme présidents de conseils départementaux, des mêmes avantages (substantiels) que les ministres. Le président-politicien n’a fait donc que suivre ce chemin tortueux laissé ouvert pas son ancien mentor. Les plus de 500 maires nous coûtent beaucoup d’argent pour presque rien.
Il convient de rappeler quand même que la fonction de maire était pratiquement bénévole de Senghor jusqu’à Wade. Les maires comptaient sur le budget de la collectivité pour acheter leurs véhicules. Les élus locaux des présidents-politiciens Abdoulaye Wade et Macky Sall travaillent-ils mieux que ceux de Senghor et de Diouf, pour mériter autant de générosité ? Je ne le crois pas du tout. Ils se signalent surtout par leur mauvaise gestion connue de tous et de toutes. Un des leurs, qui connaît parfaitement le fonctionnement des collectivités locales, mon frère et ami Abdoulaye Guèye, a cloué courageusement au pilori cette gestion catastrophique. C’était au cours d’une émission d’une télévision de la place appelé ngonal.
L’acte III de la Décentralisation, et pratiquement tous les autres pris du 2 avril 2000 à nos jours, devraient être remis en cause. Ils ont pratiquement tous un soubassement politicien. Nos collectivités locales, telles qu’elles existent et fonctionnent depuis cette période de 21 ans, devront être profondément réformées, pour plus d’efficacité et moins de gaspillage de nos maigres ressources. En particulier, leur nombre devrait être revu à la baisse, et largement. Cinq-cent-cinquante-sept (557) communes, c’est trop pour le Sénégal. La plupart d’entre elles ne sont pas viables et nous coûtent de l’argent, beaucoup d’argent pour rien, ou presque rien.
Cette réforme profonde et nécessaire devrait s’appliquer aussi à ce qu’on appelle nos agences nationales et aux grosses indemnités accordées çà et là des compatriotes parfois venus de nulle part. Cette réforme fera l’objet de ma prochaine contribution. En Attendant, je renvoie à ce qui se passe à La Poste et à l’Agence de Gestion du Patrimoine bâti de l’État (Agpbe), illustré par le texte de Pierre Diémé du 9 juin 2021 et ayant pour titre «Un autre échantillon de la gouvernance catastrophique du Sénégal» et par le quotidien Source A du lundi 7 juin 2021. La gestion catastrophique et clientélistes de ces deux structures ne date pas d’aujourd’hui. Les deux précédents directeurs généraux ont été lourdement épinglés par des rapports de l’Ofnac. L’un, Ciré Dia, trône à la tête du Conseil d’administration de la Lonase, pendant que le dossier qui l’accable dort sur la table du procureur de la République. L’autre, Mme Socé Diop Dione, est renvoyée devant le Procureur pour «escroquerie et complicité d’escroquerie», selon le quotidien Les Échos du mercredi 4 mars 2020, à sa page «Une». Elle n’y sera sûrement jamais, en tout cas tant que le président-politicien sera à la tête de notre pauvre pays. Dans ma prochaine contribution, je reviendrai plus largement sur ces affaires gravissimes qui restent jusqu’ici impunies, et qui le seront sûrement encore jusqu’en février 2024 au moins. Malheureusement.
Mody NIANG