CONTRIBUTION
La nomination de Idrissa Seck à la tête du Conseil économique, social et environnemental (Cese) continue d’alimenter l’actualité avec des appréciations diverses. Les analystes politiques les plus sérieux parce que affranchis de toute attitude partisane s’accordent à conclure que le choix de Idrissa est inopportun, mauvais et même indécent. Mais, qu’à cela ne tienne, certains choix sont dictés par des situations que seul l’intéressé maîtrise.
Les soupçons de deal perçus par beaucoup et qui expliquaient le silence du deuxième aux dernières élections présidentielles, finissent par s’avérer. Aucun choix n’est neutre et ce n’est pas cela qu’on apprend à Ndamal Cadior, aujourd’hui symbole du parjure et du «wakh wakhète». La VAR a bien tranché le débat et a montré au grand jour par un rewind fracassant le degré du revirement de ce nouveau président du Cese. Les arguments avancés ne résistent pas à l’analyse et ne peuvent même pas persuader ou convaincre les néophytes de la politique.
L’épisode Idy, écorche l’image de l’homme politique sénégalais et sert mal la jeune ou future génération qui a besoin de références. Merci au journaliste Babacar Dione d’avoir éclairé objectivement les Sénégalais sur ce revirement inattendu et renversant du patron du parti Rewmi. Le peu de confiance que certains sénégalais lui vouaient fond aujourd’hui comme neige au soleil tellement le virage a même dépassé 180 degrés. «Là ou précède l’argent toutes les portes s’ouvrent» disait Alexandre Dumas et le président Macky a compris cela.
Tous les pronostics ont été déjoués et la cascade de prévisions des journalistes même les plus futés ont été déviés par Macky ; en jargon d’enfant on aurait dit «le Président a feinté tout le monde».
Ce qu’on attendait du dernier remaniement n’a pas eu lieu, et la montagne a accouché d’une souris. Le casting fait par le président Macky Sall n’est pas celui que le commun des Sénégalais attendait et l’amertume et la déception qui en sont résultées s’entêtent à se dissiper.
Le décret comparable à un coup de massue atteignant en plein crâne le Sénégalais anonyme reste celui qui propulse Idrissa Seck à la présidence du Conseil économique, social et environnemental.
Le Président Sall est dans son rôle : il a exercé une prérogative que lui donne la Constitution, don acte et rien d’illégal ; mais la morale et l’éthique en souffrent au regard de quelques antécédents dont le rappel n’est pas superflu.
Seize mois nous séparent des élections de 2019 pendant lesquelles le plus grand pourfendeur du Cese était Ndamal Cadior, dans son wolof limpide dont il bat tous les records, une radioscopie de ses actes comparée à ses théories, révèle un Idy plutôt parolier d’Etat qu’homme d’Etat. Il faut de l’esprit pour bien parler et de l’intelligence suffit pour écouter, Idy est loin d’être sot, son argumentaire accroche par sa forme parabolique qu’il chérit tant, et non par sa quintessence.
Avec les revirements auxquels il nous a habitués, le leader du Rewmi ne convainc plus personne. A part l’éclat de ses propos très trompeurs, rien de ce qu’il dit n’est pris au sérieux par ceux qui l’écoutent car ils sont suffisamment intelligents pour se laisser embarqués par la barque du abonné absent des chauds combats.
Il me parait paradoxal de théoriser l’inutilité d’une institution dans un temps très récent pour en faire sa seule ambition aujourd’hui. Le président de la République a bien fait son jeu, en bon sphinx politique. Nomination n’a jamais eu autant de controverses qui, de mon point de vue, sont bien fondées. Car, ce revirement choque la conscience des Sénégalais et surtout ceux qui sont acquis à la ligne politique du Rewmi.
A contrario, si une institution est inutile, ceux qui l’animent le sont et par conséquent dans ce cas d’espèce tout avis émis par ses soins n’a point d’intérêt pour le pays.
Au regard de toutes ces considérations, nos conseillers sont payés pour ne rien faire et peuvent être pris pour des rentiers que l’Etat paye pour ne rien faire, en ce moment comme parle Jean Jacques Rousseau «rien ne les différencie de brigands qui vivent aux dépends des passants».
Des révélations d’un quotidien de la place, lesquelles expliquent la position de Idy, sont renversantes, abjectes et ne grandissent pas son auteur. Même accablé par des dettes et bousculé par ses créanciers, il y a un Rubicon qu’il ne fallait pas franchir. Que reste-il à Ngorsy ? Même en étant fauché, il faut rester fidèle à la foi jurée d’être une alternative au pouvoir en place.
Un avocat et pas des moindres a essayé de justifier la décision de Idrissa Seck, cela ne passe pas. Même si Balzac disait que «la gloire d’un bon avocat est de gagner les mauvais procès», celui-ci ne peut nullement être gagné au regard de la balafre qu’il fait à l’image de l’homme politique et de la démocratie.
Idy est allé à Canossa, le contraire ne peut être prouvé à moins de passer pour l’avocat du diable. La question que se posent beaucoup de Sénégalais est de savoir si Idy est réellement à l’aise dans cette nouvelle posture ? Je suis vraiment dubitatif et si la réponse est affirmative, prions de tout cœur qu’il ne soit pas le cinquième président de la République. Car, la charge suprême ne s’accommode point des fluctuations qui caractérisent la marque du Président du Rewmi.
J’ai bien apprécié Monsieur Abdou Fall (ancien ministre de la Santé) quand il théorise «Andu nawlé», que Idy semble rayer de son lexique et de sa démarche politique parce que tributaire d’un complexe de supériorité de mauvais aloi. Le président de notre inutile institution (c’est lui qui le disait) n’est pas plus intelligent que ceux avec qui ils cheminent dans le champ politique, ni le plus pertinent encore moins le plus propre. Il appartient à ceux qui ont subi ce sérieux revers (responsables du Rewmi, et alliés de Idy 2019) d’en tirer les conséquences, aucune argumentation ne suffit pour justifier l’acte de Idy que certains même moins indulgents ont assimilé à de la Trahison. Toutes les caricatures que le Pape du Sopi affublait son premier ministre apparaissent au grand jour dans l’acte qu’il a posé.
Est-il rassurant pour un pays d’avoir un présidentiable dont l’action et les desseins sont peints par les mots : deals, tortuosité, sinuosité, reniement, affirmativement négatif. Un présidentiable doit incarner la droiture, l’éthique, la constance et le don de soi pour sa patrie, jugez-en compatriotes. Si Ndamal Cadior surf dans cette grille de valeurs, quel que soit la motivation qui sou tend sa décision, un peuple médusé ne finit pas de lui vouer sa haine, tant le parjure a dépassé l’entendement.
La trajectoire d’un individu n’est pas rectiligne, des périodes fastes alternent avec des périodes de récession, seul une force de caractère nous sort des tourbillons quand les vaches sont maigres.
La solution pour Idy pouvait être autre, et un épicurien de la trempe du locataire de Saint James a choisi la plus facile mais également la plus indélicate et la plus tortueuse.
L’ancien détracteur du Cese oublie que «mieux vaut une conscience tranquille qu’une destinée prospère, et qu’il est préférable d’avoir un bon sommeil qu’un beau lit» ; la boutade est de Victor Hugo qui était homme politique comme lui en sus de sa dimension littéraire. Monsieur le président Seck illustre bien Socrate qui rappelait qu’«un homme qui a faim n’examine pas la sauce», ceci est une sourate que Idy doit méditer.
Les deux présidents se sont embrassés et finie cette guerre froide car Idy a déposé les armes en agitant le mouchoir blanc signe de capitulation. Attention Jean Racine mettait en garde les naïfs contre leurs ennemis par cette célèbre boutade «J’embrasse mon rival mais c’est pour l’étouffer».
Amusons-nous à visiter le C.V. politique du nouveau président du Cese, il n’y figure aucun combat d’envergure. Ndamal Cadior n’est pas partisan des marches. Il a toujours cherché à se soustraire des lacrymogènes et des mauvaises passes que subissent ses collègues leaders politiques, sinon en cas de participation (rares cas) il se fait vite avoir par la police et finit sa marche avant de la commencer.
Tout est ruse chez Idy, et il ne sait rien d’autre que cela, une telle attitude l’a perdue avec son mentor Abdoulaye Wade, et il connaîtra à ses dépens que «la folie c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent» car les mêmes causes produisent les mêmes effets. J’invite Ndamal Cadior à cette mise en garde de Albert Einstein père de la relativité.
Deux choses permettent d’accéder à de hautes places disait Balzac «il faut être aigle ou reptile» et dans ce cas précis le fils spirituel du père de Karim, a été le reptile que père Wade lui collait.
L’alibi servi est la participation à la construction du pays affecté par une Covid-19 meurtrière, cette pilule ne passe pas car un journaliste de la place en bon investigateur a fuité le deal. Le pacte de paix est signé entre deux anciens rivaux ou même ennemis politiques, respectons leur choix tout en admettant avec Alexis de Tocqueville «qu’en politique la communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés».
Idy est allé à Canossa, et il est plus parolier d’état qu’homme d’état. L’histoire retiendra.
Ibrahima KA
Responsable APR à Bambey