Acculé dans l’affaire du sucre importé, le ministère du Commerce est en train de jeter en pâture d’ex-collègues partis depuis plusieurs mois. Mais, selon certaines sources dans ce département, on cherche à faire porter le chapeau à ces compétences qui, durant plusieurs années ont permis, au Président Sall de maintenir le pouvoir d’achat des Sénégalais intact.
Affreux coup de poignard dans le dos. Cernée de toute part par les récriminations des syndicalistes de la Compagnie sucrière sénégalaise (Css) et rabrouée en conseil des ministres par le chef de l’Etat qui lui demande «une régulation rigoureuse» du sucre importé, le ministre du Commerce et des Pme a tenté de se défausser sur d’ex-collaborateurs ayant quitté le département depuis le mois de septembre pour mettre ses hommes. En effet, avec les informations distillées dans la presse du week-end faisant état de «têtes qui commencent à tomber» et citant des gens partis depuis belle lurette, le ministère du Commerce fait comme si ces personnes viennent d’être limogées à cause de cette histoire de sucre qui a fait sortir Richard Toll dans la rue, samedi. Une sournoise tentative de casser du sucre sur leur dos. Car, certains sont tombés des nus en lisant dans la presse que ces têtes n’étaient autres que celles de Makhtar Lakh, ancien Secrétaire général du ministère du Commerce, Ousmane Mbaye, ex-directeur du Commerce intérieur ou encore Issa Wade, chef du service chargé des fameuses Déclarations d’importation de produits alimentaires (Dipa). Lequel n’a pas lui quitté le département mais est muté dans un autre service. Et avec le non respect des quotas de 60 mille tonnes de sucre à importer, c’est principalement lui que beaucoup incriminent en attendant la farandole des chiffres de la douane que beaucoup ont tout fait pour qu’elles ne sortent pas.
A y voir de plus près, cette inélégante manière de se défausser sur d’ex-collègues, qui l’ont même pouponné, n’est qu’un moyen d’épater la galerie. En effet, en voyant leurs ex-collègues Lakh et Mbaye ainsi traités dans la boue et être les dindons de la farce, des agents du ministère du Commerce ont été choqués. Ces sources que nous avons approchées décrivent ces derniers comme des personnes qui ont toujours été loyales et qui ont réussi «à gérer les choses comme ils ont pu jusqu’ici». Ce, malgré les pressions de décideurs politiques qui cherchent à fouler au pied le cadrage mis en place pour protéger l’industrie locale et de mettre l’appoint d’importation durant les trois mois de gap.
Selon ces sources, il n’y a aucune logique dans les accusations contre eux. Parce que le chef de la division où il y a eu ces magouilles a été le dernier à partir dans un mouvement général. Et il est toujours chef de division alors que le Secrétaire général qui est à côté du ministre a été le premier à être débarqué, le 2 septembre. Le Directeur du Commerce intérieur est parti le 15 septembre. «Si le ministre est assez responsable, il devrait sortir les résultats de l’enquête de l’Inspection interne qui accablerait ces hauts fonctionnaires. Makhtar Lakh et Ousmane Mbaye sont connus pour leur intégrité. Mais, l’autre est connu pour être l’homme de main du ministre dans le département», confie une source au ministère du Commerce. Qui fait remarquer que le remplaçant de Makhtar Lakh était l’adjoint d’Ousmane Mbaye, de surcroit camarade de promotion de la ministre et voisins à Keur Massar.
«Ousmane Mbaye, ancien Dci : «Je ne suis ni de près ni de loin mêlé à une quelconque affaire…»
Alors que nombre d’agents voyaient Makhtar Lakh, leur ancien patron, plus taillé que le ministre au point de lui faire de l’ombre, Aminta Assome Diatta a tout fait pour le dégager. Et au moment de le débarquer et Ousmane Mbaye peu après, elle n’avait d’autre argument à donner à l’Autorité que sa volonté de «mettre du sang neuf» parce qu’ils avaient fait plus de six ans au Commerce. «Au cours du dernier Team bulding (Réunion entre cadres à Saly), le ministre a pris 5 minutes pour tresser des lauriers au Secrétaire général sortant et l’ancien Dci. Parce qu’elle avait besoin de nous expliquer les raisons de leurs départs. Elle a soulevé que le Sg sortant l’a beaucoup aidé et était à l’origine de sa nomination non sans la soutenir dans son engagement politique. Donc, personne ne comprend aujourd’hui les accusations contre lui et Ousmane», ajoute une autre source. Qui relève que le département a récemment exécuté durant la Covid-19 des projets catastrophiques comme Jayma mborou et Jeggué. Ce dernier serait un scandale qui va éclater sous peu avec la distribution de tracteurs dans le sud, dans le Blouf, arrondissement de Tendouck.
Le village d’origine du ministre étant côte à côte avec celui d’où est originaire l’opposant Ousmane Sonko, l’Etat semble tout faire pour lui doter des moyens d’exister au moins. Car, l’on nous souffle que son département n’a jamais reçu autant de ressources financières qu’aujourd’hui. Et cela va continuer. Car, dans le budget 2021, l’Etat a décidé d’arracher le projet de modernisation des marchés au ministère de l’Urbanisme pour le confier au département du Commerce. Et ce sont des milliards de francs Cfa qui sont en jeu.
Refusant d’être enterré vivant par ses ex-collègues, l’ancien Dci, Ousmane Mbaye, dont le service a été incriminé, a vite porté la réplique. «Des informations parues dans la presse font état d’une corrélation entre mon départ de la Direction du Commerce intérieur et les problèmes de régulation du sucre. Je dois rappeler qu’après avoir cessé le service le 15 septembre 2020, en application des dispositions du décret en date du 9 septembre 2020 mettant fin à mes fonctions de Directeur du Commerce intérieur, je m’abstiendrai de revenir sur des décisions prises ou exécutées dans le cadre de mes fonctions, en vertu des principes qui régissent l’Administration. Toutefois, je tiens à préciser que je ne suis ni de près ni de loin mêlé à une quelconque affaire d’importation frauduleuse de sucre relayée par une certaine presse qui n’a pas su recouper les informations diffusées et recueillir ma version», explique d’emblée M. Mbaye. Non sans préciser que toutes les décisions prises dans le cadre de ses fonctions sont conformes aux instructions et orientations reçues allant dans le sens d’une bonne régulation du marché. «Ces décisions et orientations ont été assises sur le triptyque : approvisionnement correct et régulier du marché – soutien à la production locale – stabilité du prix du sucre. En conséquence, après autant de services, sans tâche, et de sacrifices apportés à l’administration du commerce pendant plus d’une quinzaine d’années, nul ne pourra ternir les résultats obtenus, encore moins mon honorabilité après mon départ», ajoute l’ancien Directeur du Commerce intérieur.
Seyni DIOP