Sa posture est, aujourd’hui, peu enviable. Entre la gestion du coronavirus qui poursuit sa chevauchée vertigineuse, la pénurie d’eau et la distribution chaotique de l’aide alimentaire d’urgence, Macky Sall doit pousser des cheveux blancs.
C’est ce 29 juin que prend fin l’état d’urgence. Une fin qui intervient en pleine montée du nombre de cas infectés au coronavirus. Juridiquement, le président de la République se retrouve devant un obstacle constitutionnel. Après deux prorogations, il a l’obligation de procéder à une nouvelle motivation pour espérer restreindre davantage les libertés publiques. Même si, dans la pratique, il lui est aisé de trouver cette motivation, ce ne serait pas enviable d’être à la place du président de la République dont chacune des décisions va être sujette à conséquences. Si, comme il l’a fait à deux reprises, le Président Sall choisit de proroger, il serait en contradiction avec l’ouverture tous azimuts des activités économiques au nom de l’impératif de «vivre en présence du virus». Si, au contraire, il opte pour la levée totale des mesures d’urgence, son imperium serait en total déphasage par rapport à la réalité du terrain qui est que le virus continue sa propagation dans le pays où, maintenant, toutes les régions sont touchées. Parmi lesquelles, Diourbel et Dakar tiennent le triste record des provinces les plus impactées. De plus en plus, des voix s’élèvent pour appeler à une mise sous cloche des deux foyers nationaux du coronavirus que sont Dakar et Touba. Seulement, le casse-tête demeure pour le président de la République qui, au vu du poids démographique, économique et politique de ces deux villes, y regardera par deux fois avant de parapher une décision de mise en quarantaine de ces deux villes.
Ensuite, depuis quelque temps, l’eau, liquide précieux, indispensable en cette période de chaleur, est devenue une denrée rare dans les foyers. Hier, des populations ont manifesté en divers endroits du pays pour la réclamer. De Koumpentoum au Cap Skiring, ça jase de partout pour vitupérer contre les pénuries intempestives d’eau. Ce qui, coordonné ou infiltré par des forces incontrôlées, pourrait faire mal sur les flancs et, qui sait, contaminer le cœur et les poumons du pays. Une métastase aux conséquences imprévisibles pour un pouvoir central fortement malmené par la gestion, au quotidien, de dossiers et d’affaires qui ont noms : littoral, Akilee…
Par ailleurs, il est à craindre que le président de la République ne reçoive, en pleine figure, les éclaboussures des errements dans la gestion de l’aide alimentaire d’urgence confiée à Mansour Faye –son beau-frère à l’état civil. En aval, trois mois après le semi-confinement décrété par le président de la République obligeant les populations à rester chez elles, beaucoup parmi elles n’ont pas reçu leurs kits. En amont, le choix des prestataires a occasionné une violente levée de boucliers. Tout comme le ciblage des bénéficiaires n’a pas rencontré l’assentiment de larges franges de l’opinion. Dans les quartiers où tout le monde ou presque connait tout le monde, d’aucuns n’ont pas compris ni digéré les critères qui ont présidé au choix de certains, au détriment d’autres.
L’un dans l’autre, Macky Sall se retrouve coincé entre mille feux. Lesquels constituent, politiquement, autant d’effets boomerang pour lui qui est obligé, faute de Premier ministre, de jouer les sapeurs-pompiers sur tous les terrains pour éviter que le feu ne consume la maison. Alors, entre autres mesures d’apaisement de la tension sociale, le président de la République pourrait bien envisager un remaniement de son gouvernement. Cela permet de transfuser du sang neuf dans les artères. Ce serait aussi un bon coup de com’ politique. D’autant que, depuis quelques temps, cette éventualité flotte dans l’air.
Ibrahima ANNE