Les coupures d’électricité de longue durée étant maintenant réglées, les micmacs autours des marchés de Senelec commencent. A peine installé, le nouveau Dg Papa Mademba Bitèye vient de décider de faire renégocier le contrat d’exclusivité de fourniture de compteurs signé avec la start-up sénégalaise Akilee, qu’il a, jadis, lui-même approuvée et soutenue en tant qu’administrateur de Senelec. Ce, pour passer commande avec la société israélienne PowerCom.
C’est une affaire qui va faire des étincelles dans le Macky. L’électricien du pays, Senelec, veut changer les règles du jeu en cours de match. Après avoir signé un Contrat de fourniture des compteurs avec la star-up Akilee, détenu à hauteur de 34 % par elle-même, pour la rondelette somme de 187 milliards de francs Cfa sur 10 ans, la Société nationale d’électricité veut revenir sur ce marché qui consiste à fournir à lui un système informatisé de comptage dit système de comptage avancé, afin d’inscrire la société dans la dynamique des sociétés de référence à travers le monde. Ceci, en particulier pour lutter contre les pertes considérables d’énergie et réduire les charges d’exploitation de Senelec. Ce qui constitue l’autre grand chantier, à côté de la restructuration du mix énergétique pour une exploitation optimale de nos ressources en gaz à venir, instruit par le Président Sall pour rendre la Senelec plus performante et réduire durablement le coût de l’électricité.
En effet, quelques mois après avoir remplacé Mouhamadou Makhtar Cissé, promu ministre, à la tête de cette boîte, Papa Mademba Bitèye a entrepris de renégocier ce contrat de fourniture de compteurs signé par son prédécesseur. Pourtant, signale certaines sources, il a lui-même approuvé et soutenu ce marché en tant qu’administrateur de Senelec puisqu’il était Secrétaire permanent à l’énergie et membre du Conseil d’administration. L’actuel Dg de Senelec, veut en fait revoir le contrat avec Akilee, en particulier à cause d’une clause d’exclusivité qui a l’air de grandement le gêner. Et personne ne sait pourquoi. A moins que cela n’ait un lien avec la volonté prêtée au top management de la boîte de casser le contrat d’exclusivité et donner un contrat de gré à gré à une société israélienne. Pourtant, ce contrat, financé par Akilee, qui prend le risque financier avec ses partenaires, selon des informations de WalfQuotidien, vise à faire économiser 500 milliards de francs sur un ensemble de 1 273 milliards de pertes projetées d’ici à 2028.
Une réunion du Comité de pilotage (Copil), convoqué mardi dernier suite à la mise en demeure qu’Akilee a adressée au Directeur de Senelec, après avoir envoyé vainement plusieurs courriers et relances amiables, pour ses différents manquements graves et répétés dans l’exécution du contrat, n’a débouché sur rien. En effet, nous a-t-on expliqué, la mise en demeure a porté sur plusieurs points dont l’exigence de tenir les Copil depuis la signature du contrat (2 par an minimum) et le projet de violation de la clause d’exclusivité de la réalisation du projet avec Akilee, à travers la volonté de signer un contrat avec la société israélienne PowerCom, sans qu’Akilee n’ait été consultée. Et Senelec a, selon certaines sources, campé sur ces positions. Certaines sources annoncent même qu’elle veut absolument signer ce contrat pour la fourniture de 44 500 compteurs monophasés intelligents et 500 compteurs triphasés intelligents avec la société israélienne, en entente directe. Et ces gorges profondes, qui ont eu accès aux prix convenus avec la société israélienne, flairent un fort soupçon de surfacturation de plus d’un milliard de francs Cfa sur les 45 mille compteurs lorsqu’elles les comparent aux prix proposés dans le contrat avec Akilee. Pis, ramené au volume du contrat avec Akilee, la farandole de chiffres atteint les 72 milliards.
D’autres sources au sein de Senelec signalent que les Israéliens ont déjà signé le projet de contrat et qu’il reste la signature du Dg Bitèye. Et c’est là où se trouverait le nœud du problème. En effet, le management de Senelec a essayé de faire passer, sous prétexte de Coronavirus, une commande en urgence pour éviter une supposée rupture de stock de compteurs. Ainsi, il a constitué un dossier pour tromper la Dcmp, qui lui a délivré un «Avis de Non Objection», et son Conseil d’administration. Conseil dont les administrateurs n’ont pas manqué de lui rappeler leur étonnement de le voir essayer de contourner le véhicule qui a été mis en place à travers Akilee et qui a fait ses preuves en ce qui concerne l’approvisionnement des compteurs. Aussi, la rupture de stock prétextée pour contracter avec PowerCom n’existe pas, selon des agents. Parce que, disent-ils, d’une part, des compteurs issus d’un dernier appel d’offres lancé en novembre 2018 sont en cours de livraison en avril, et, d’autre part, Akilee va livrer près de 57 mille compteurs intelligents dans les prochaines semaines, les premiers lots étant actuellement en bateau. Alors se pose la question du pourquoi vouloir absolument signer un contrat pour la fourniture de ces 44 500 compteurs monophasés intelligents et 500 compteurs triphasés intelligents avec une société étrangère, en entente directe, sélectionnée sur on ne sait quelle base puisque n’ayant jamais fourni de compteurs à Senelec. Une question centrale qui en appelle d’autres : Pourquoi Papa Mademba Bitèye souhaite revoir la clause d’exclusivité inscrite pour le déploiement et l’exploitation d’un système de comptage avancé ? Pourquoi veut-il signer en entente directe avec cette société inconnue au bataillon, en l’espace de quelques semaines pour un montant de 2,2 milliards de francs Cfa? Pourquoi du temps de Simelec, on ne s’est jamais posé la question de l’exclusivité pendant 10 ans ? Autant d’interrogations de WalfQuotidien auxquelles Papa Mademba Bitèye ne veut pas encore donner de réponses. Joint par téléphone, il soutient qu’ils sont en train de discuter puisque dans un contrat chaque partie peut dire ce qui ne l’arrange pas. «Je répondrai à toutes les questions lorsque nous terminerons les discussions. Les gens comprendront. Je ne veux pas en dire plus pour le moment», dit-il au bout du fil.
Seyni DIOP