Les deux juristes qui ont parlé au nom du Sénégal ont été sanctionné, hier, par le Garde des Sceaux, Me Malick Sall. Pourtant, il était à Genève, mais il est parti juste avant les deux derniers examens du Sénégal. Alors que les délégations doivent être dirigées par de hauts responsables politiques, selon un spécialiste.
Moustapha Ka et Samba Ndiaye Seck, respectivement Directeur des Droits humains et Directeur de Cabinet du Secrétaire d’État chargé des Droits humains et de la Bonne gouvernance, ont été virés «avec effet immédiat» par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice. On leur reproche d’avoir reconnu au nom de l’Etat du Sénégal, lors de l’examen du 5e rapport périodique du Sénégal devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, que Karim Wade avait subi un préjudice du fait de sa détention arbitraire et de sa condamnation et qu’il était fondé à en obtenir réparation, que la mesure de grâce ayant permis sa libération avait été exclusivement décidée pour l’application des recommandations du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, en dehors de tout marchandage politique. Enfin, ils ont déclaré que l’Etat du Sénégal s’est engagé à réformer la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), notamment en ouvrant un droit de recours contre les décisions de cette juridiction d’exception et à permettre un réexamen de la déclaration de culpabilité et de la condamnation frappant Karim Wade.
Des engagements confirmés par les avocats de Karim Wade qui demandent au gouvernement de respecter scrupuleusement les traités internationaux, mais aussitôt démentis par le ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur. «Dans sa réponse, et contrairement aux allégations relayées par la presse en ligne, la délégation sénégalaise n’a, en aucun cas et sous quelque forme que ce soit, pris des engagements allant dans le sens d’une réhabilitation de Monsieur Karim Wade, ou d’une réparation d’un préjudice qu’il aurait subi. Par conséquent, les informations publiées à ce sujet sont dénuées de tout fondement et relèvent de la méconnaissance des procédures du droit sénégalais et des positions antérieurement et clairement exprimées par le Sénégal sur la question», notent les services d’Amadou Bâ. Ainsi, cette affaire a semé une véritable cacophonie au sommet de l’Etat. Mais le véritable responsable ce ne sont pas ces deux fonctionnaires qui ont été sanctionnés, mais bien le ministre de la Justice, Malick Sall.
En effet, Senghane Senghor, juriste et responsable du département Paix et Sécurité humaine à la Rencontre africaine pour la défense des Droits de l’Homme qui était présent à cette rencontre explique que les délégations sont dirigées par des hauts responsables politiques qui défendent la politique de leur gouvernement et par des fonctionnaires qui donnent des arguments techniques. «Il serait pertinent de rappeler que le passage des États devant les organes des Traités est un moment fort dans l’évaluation des engagements des États à respecter et faire respecter les Droits de l’homme. En principe, les délégations doivent être dirigées par de hauts responsables politiques. Les autorités sénégalaises ont préféré laisser cette lourde tâche à des fonctionnaires qui n’ont eu comme recours que des arguments techniques pour répondre à la pression des experts», déclare Senghane Senghor. Qui s’empresse d’ajouter : «Pourtant, le Garde des Sceaux, Me Malick Sall était à Genève juste avant les deux derniers examens du Sénégal». «Pourquoi est-il parti? Avait-il d’autres activités aussi importantes que cette étape dans l’horloge mondiale des droits de l’homme?», s’interroge Senghane Senghor. Qui affirme que les responsabilités politiques ne doivent pas être assumées par des fonctionnaires. «Que chacun paye à la mesure de ses actes ou omissions. Vive la Justice et l’équité», poursuit-il.
Charles Gaïky DIENE