Personne n’est content, mais tout le monde se tait. Voilà comment se résume la situation de Benno Bokk Yaakaar à Ziguinchor. Aujourd’hui, seuls les jeunes tentent d’élever timidement la voix. Et c’est pour accepter, certainement la mort dans l’âme, la sentence du maître.
(Correspondance) – Rarement Ziguinchor aura été aussi calme. Depuis le dernier remaniement ministériel, rien ne bouge dans la ville. La capitale du sud offre l’image d’une localité sur laquelle plane une réelle menace. Cette fois-ci, ce n’est pas la crainte d’une insécurité qui rend morose la vie dans cette ville, d’habitude si bouillante, mais, plutôt l’incertitude d’un avenir qui semble compromis depuis la dernière présidentielle qui a consacré la défaite du Président Macky Sall à Ziguinchor devant Ousmane Sonko. Le Président a donc été réélu pour un second mandat sans la capitale du sud et sa région. La crainte de voir ce dernier gérer donc sans Ziguinchor est d’autant plus grande que la capitale du sud a déjà subi une cure de dépérissement après les départs du gouvernement d’Aminata Angélique Manga, alors en charge de l’Economie solidaire et de la Microfinance, de Souleymane Jules Diop, ministre délégué chargé du Suivi du Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc) et de Moustapha Lô Diatta, ministre délégué chargé de la Mutualisation des organisations paysannes.
La région doit désormais se contenter de la présence au Conseil des ministres d’une autre Aminata, celle-là Assome Diatta. Comment ne pas percevoir cette situation comme une sanction ? Dans la capitale du sud en tout cas, rien ne peut changer cette perception, y compris dans les rangs de la coalition présidentielle. Sauf que dans Benno Bokk Yaakaar, les assentiments sont étouffés par le sentiment de culpabilité, mais aussi et surtout, par la menace de nouvelles sanctions perceptibles dans les dernières déclarations du président de la République contre les éventuelles sorties médiatiques. Tout le monde est devenu subitement muet. Mais, derrière cette surdité se cache forcément une désapprobation d’une opération de représailles qui est en train de sortir du cadre politique pour toucher des secteurs sensibles comme la foi. Depuis quelques temps en effet, des voix de plus en plus audibles s’élèvent des foyers religieux pour regretter l’inaction inhabituelle de l’Etat face aux événements religieux. Au Gamou annuel de Sindian par exemple, aucun soutien des autorités n’a été noté pas plus qu’une présence de représentants de l’Etat. Le même sort aurait également été réservé au Fogny. De là à conclure à une attitude vengeresse du gouvernement, il y a un pas que beaucoup de gens n’ont pas hésité à franchir. La situation semble donc inquiétante chez une population qui reste dans l’expectative mais qui ose garder l’espoir avec la poursuite des travaux de la voirie à Colobane, à Kandialang et à Lyndiane notamment.
«Nous pensons que la sanction du Président Macky Sall sera simplement politique et non économique ou autre». Cette déclaration d’espoir d’un jeune de Benno traduit l’état d’esprit d’une jeunesse qui a pris la parole à la place des adultes. Au cours d’un point de presse, les jeunes de Benno Bokk Yaakaar ont félicité le Président Macky Sall «pour sa brillante victoire à la présidentielle» et manifesté leur adhésion à sa vision. Mais, cette sortie, plus qu’un renouvellement de confiance vis-à-vis d’un chef, présente les caractéristiques d’une demande de grâce…présidentielle après un échec électoral qui commence à être lourde de conséquences pour Ziguinchor et les Ziguinchorois.
Mamadou Papo MANE